Terralaboris asbl

Accident du travail dans le secteur public et aide de tiers

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 septembre 2011, R.G. 2007/AB/50.040

Mis en ligne le mardi 24 janvier 2012


Cour du travail de Bruxelles, 5 septembre 2011, R.G. n° 2007/AB/50.040

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 5 septembre 2011, la Cour du travail de Bruxelles apporte des précisions en ce qui concerne l’indemnité pour aide de tiers dans le secteur public.

Les faits

Une enseignante (école dépendant du réseau de l’enseignement officiel subventionné) est victime d’un accident du travail et est, ultérieurement, mise en pension pour inaptitude physique définitive.

Une procédure est introduite devant le tribunal du travail afin de statuer sur les séquelles de l’accident.

Une expertise est ordonnée par le tribunal et ses conclusions sont entérinées par jugement du 27 avril 2007. L’incapacité permanente de travail est de 150%.

Le tribunal statue également sur la nécessité d’orthèse, de chaussure orthopédique ainsi que sur le traitement de kinésithérapie nécessaire.

Il condamne la Communauté Française à calculer les indemnités et allocations relatives à l’incapacité temporaire de travail et à procéder au calcul de la rente et à la rédaction de l’arrêté ministériel relatif à son octroi. Il condamne en outre le Service des Pensions du Secteur Public (SdPSP) à payer les indemnités et allocations relatives à la période d’incapacité temporaire totale ainsi que les intérêts et la rente concernant l’incapacité permanente à majorer également des intérêts.

Le jugement fait l’objet d’un appel de la part du SdPSP.

Décisions de la cour du travail

La cour du travail rend un premier arrêt le 21 juin 2010, accueillant l’appel du SdPSP, en ce qui concerne les indemnités d’incapacité temporaire, qui ne sont pas à charge du Service mais de la Communauté Française. En ce qui concerne les indemnités relatives à cette incapacité temporaire totale, la cour en fixe la durée et considère que la rente doit être calculée selon un taux d’incapacité permanente de 100% et qu’une indemnité pour l’aide d’une tierce personne est due.

La cour règle également d’autres questions relatives à l’indemnisation, mais sursoit à statuer sur le montant de l’indemnité pour aide de tiers.

Dans l’arrêt du 5 septembre 2011, elle énonce les principes applicables pour procéder au calcul de celle-ci.

Elle rappelle, d’abord, qu’avant la loi du 19 octobre 1998 (M.B., 25 novembre 1998), la disposition pertinente de la loi du 3 juillet 1967 (art. 4, § 1er, al. 2) prévoyait que, pour les invalides dont l’état nécessite absolument et normalement l’assistance d’une tierce personne, la rente peut être fixée à plus de 100%, sans toutefois pouvoir dépasser 150% de la rémunération de base.

Depuis la loi du 19 octobre 1998, l’article 4, § 2 de la même loi prévoit que, si la situation de la victime exige absolument l’aide régulière d’une tierce personne, elle peut prétendre à une indemnité additionnelle fixée en fonction de la nécessité de cette aide. Le calcul de cette indemnité se fait à partir de la rétribution mensuelle garantie ou de revenu minimum mensuel moyen garanti, et ce en fonction du régime pécuniaire applicable à la victime dans le service où elle est recrutée ou engagée. Le texte précise encore que le montant annuel de cette indemnité additionnelle ne peut dépasser le montant de la rémunération précitée multipliée par 12.

La cour considère également que, le droit à l’allocation pour l’aide de tiers naissant à la date de la consolidation, il faut faire application de la loi applicable à cette date. Elle réforme en conséquence la décision du premier juge sur ce point.

En ce qui concerne l’appréciation du caractère indispensable de l’aide de tiers, la cour renvoie aux règles en vigueur dans le secteur privé, qui prévoit la possibilité de recourir à plusieurs méthodes : une méthode d’analyse fonctionnelle (grille permettant de déterminer les fonctions devenues impossibles et qui nécessitent l’aide de tiers) et une méthode horaire (recours au calcul du nombre d’heures prestées par la tierce personne, avec évaluation du coût horaire). La cour relève que les textes applicables sont comparables et qu’en conséquence, le choix entre l’une et l’autre méthode ne devrait pas être exclu dans le secteur public.

L’expert désigné précédemment par le tribunal ayant été approché, entretemps, par les parties, pour donner son avis sur la question, il a proposé les deux grilles habituelles, étant la Grille de Lucas et Stehman ainsi que la Grille Elida. Il a conclu en l’occurrence à un pourcentage fixé à 28%. Constatant l’accord des parties sur la méthodologie suivie par l’expert, la cour conclut au caractère indispensable de l’aide à concurrence de 28%.

En ce qui concerne le point de départ, elle précise que la disposition correspondante (art. 4, § 2 de la loi du 3 juillet 1967) figure dans les dispositions relatives à l’incapacité permanente : cette indemnité est donc due à partir de la consolidation et non pendant la période d’incapacité temporaire. Elle relève en outre que dans le secteur public, cette indemnité a le caractère d’une rente, qui doit être payée par le SdPSP, sur la base d’un arrêté pris par la Communauté Française.

En ce qui concerne la rémunération de base à prendre en compte, la cour constate que la victime de l’accident de travail est un membre du personnel de l’enseignement officiel subventionné, nommé définitivement, et qu’elle a dès lors droit à la rétribution mensuelle garantie prévue par l’arrêté royal du 29 juin 1973 pour certains agents des services publics fédéraux. Deux montants figurent dans cet arrêté royal selon que, en sécurité sociale, l’intéressée est soumise uniquement au régime d’assurance obligatoire contre la maladie et l’invalidité, secteur des soins de santé ou à d’autres branches également. Etant agent définitif, l’intéressée n’était en l’espèce pas soumise à d’autres branches de la sécurité sociale des travailleurs salariés que dans le secteur maladie et invalidité, soins de santé. Le montant de la rémunération de base est donc choisi conformément à ceci.

Enfin, la cour se prononce sur le point de départ des intérêts. Ceux-ci sont dus à partir du premier jour du troisième mois suivant la date d’exigibilité et, l’indemnité pour aide de tiers ayant le caractère d’une rente, il convient d’appliquer cette règle, conformément à l’article 20bis de la loi.

Enfin, sur un dernier point, concernant les intérêts à calculer sur les indemnités d’incapacité temporaire, elle rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière, étant que la loi du 12 avril 1965 sur la protection de la rémunération est applicable aux indemnités d’incapacité temporaire (voir Cass., 9 février 2009, S.07.0096.F et Cass., 28 juin 2010, J.T.T., 2010, p. 321). Les intérêts sont dès lors dus à partir de la date d’exigibilité de chacune des sommes payées au titre d’indemnité d’incapacité temporaire.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle quelques points très utiles, dans le cadre de l’indemnisation des séquelles d’un accident du travail d’un enseignant d’un établissement d’enseignement officiel subventionné. Il considère, plus particulièrement, sur la loi applicable, qu’il s’agit de celle en vigueur au moment de la consolidation, question qui a un intérêt certain ici, eu égard aux modifications apportées par la loi du 19 octobre 1998 au texte de base, du 3 juillet 1967.


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