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Indemnité compensatoire de préavis d’un agent auxiliaire – SPF Affaires étrangères : quid de l’indemnité de poste ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 octobre 2011, R.G. 2009/AB/52.175

Mis en ligne le mercredi 4 janvier 2012


Cour du travail de Bruxelles, 11 octobre 2011, R.G. 2009/AB/52.175

Dans un arrêt du 11 octobre 2011, la Cour du travail de Bruxelles tranche la question de la prise en compte de l’indemnité forfaitaire de poste allouée aux agents auxiliaires mobiles (SPF Affaires étrangères).

Les faits

Une Dame S. est engagée en qualité d’agent auxiliaire mobile « visa » par l’Etat belge (SPF Affaire étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement) dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée. Après un stage auprès de l’Administration centrale, elle est affectée à un poste consulaire à l’étranger. Elle est licenciée quelques mois plus tard, moyennant paiement d’une indemnité de rupture équivalant à 3 mois de rémunération.

Un litige oppose alors l’intéressée, via son l’organisation syndicale, et le SPF en ce qui concerne le décompte de sortie et, particulièrement, la question de l’indemnité de poste, qui n’a pas été prise en compte dans la rémunération de base servant au calcul de l’indemnité compensatoire de préavis.

Une procédure est dès lors lancée, contenant notamment ce chef de demande.

La décision du tribunal

Il est fait droit à la demande par jugement du 24 février 2009. Le Tribunal du travail de Bruxelles considère qu’il n’est pas établi que l’indemnité de poste correspondait à des frais réellement exposés par l’intéressée en raison de son expatriation. Le tribunal relève en effet que cette indemnité est composée d’une indemnité de mobilité, d’une indemnité d’affectation, d’une indemnité d’éloignement et d’une indemnité de pénibilité.

Position des parties devant la cour

L’Etat belge, appelant, critique la conclusion du tribunal du travail, aux motifs que (i) le contrat de travail précise que l’indemnité ne fait pas partie du salaire mais est destinée à compenser les frais supplémentaires liés à l’expatriation, (ii) ce caractère non rémunératoire est confirmé par les circulaires adressées aux postes à l’étranger, (iii) les différents éléments qui composent cette indemnité démontrent qu’il n’y a pas de rémunération d’une prestation de travail mais qu’il s’agit de couvrir des frais et de compenser des contraintes résultant du séjour à l’étranger, (iv) cette indemnité va en réalité compenser la mobilité requise de l’agent auxiliaire mobile et (v) elle varie en fonction du niveau de vie du pays en question, conformément à des critères fixés par le SPF Affaires étrangères, et ceci est d’ailleurs repris dans le contrat.

L’intéressée, quant à elle, considère qu’il s’agit de montants à caractère rémunératoire, correspondant aux conditions de l’article 39, § 1er, alinéa 2 de la loi du 3 juillet 1978.

La décision de la cour du travail

La cour du travail rappelle d’abord les termes du contrat de travail. La rémunération est déterminée à l’article 3 (en des termes habituels) et l’indemnité en cause fait l’objet d’un article 4, où elle est décrite comme étant perçue au cours d’un séjour dans un poste, variant en fonction du niveau de vie du pays en question (conformément aux critères du SPF) et ne faisant pas partie du salaire. Le contrat prévoit de manière expresse que cette indemnité est destinée à compenser les frais supplémentaires découlant de l’expatriation.

Dans une note de service, le SPF Affairez étrangères fait par ailleurs valoir que cette indemnité de poste, destinée à tous les agents de carrière des services extérieurs et allouée aux agents en poste à l’étranger, vient compenser des frais découlant notamment de l’exercice d’une fonction spécifique au sein du poste ou encore du caractère représentatif de celle-ci (ainsi que du fait d’appartenir à une carrière requérant l’exercice de ces fonctions en Belgique et à l’étranger, la possibilité de transfert d’un poste vers un autre, etc.). Quant aux composantes de cette indemnité, il y a une part forfaitaire qui ne doit pas être justifiée (celle-ci comprenant les éléments suivants : mobilité, affectation, représentation passive, éloignement et pénibilité) et des interventions provisionnelles sur des frais (frais de représentation active, tels que frais liés à des réceptions, une voiture de fonction, etc.), qui font l’objet de justifications et doivent être remboursées à défaut d’utilisation.

D’autres indemnités sont encore prévues contractuellement, correspondant au montant du loyer, aux frais de voyage, de transport et d’assurances, et de frais scolaires pour les enfants.

La question du caractère rémunératoire de ces indemnités est, dès lors, réglée par la cour à partir de la définition de l’article 39, § 1er, alinéa 2 de la loi du 3 juillet 1978, étant que l’employé doit bénéficier, pour le calcul de l’indemnité de congé, non seulement de la rémunération en cours au moment de celui-ci, mais également des avantages acquis en vertu du contrat. La rémunération est, pour la cour, dans cette conception élargie, la contrepartie du travail fourni en exécution du contrat de travail. Dès lors qu’une indemnité forfaitaire de frais est allouée et qu’elle correspond à des frais réels supportés par le travailleur et liés à son contrat, celle-ci n’a pas un caractère rémunératoire mais, à défaut de frais supplémentaires réellement exposés, elle constitue un avantage rémunératoire. La cour du travail renvoie à l’arrêt du 15 janvier 2001 de la Cour de cassation (Cass., 15 janvier 2001, S.9901.02.F), qui avait exigé le contrôle par le juge du fond de l’existence de frais supplémentaires réellement supportés par le travailleur et liés à l’occupation dans son pays d’affectation.

La cour du travail considère dès lors que l’employeur, qui fait valoir le caractère indemnitaire de l’indemnité de poste, doit en apporter la preuve et que celle-ci doit être une preuve concrète, ne pouvant se limiter aux mentions figurant dans le contrat de travail ou dans les notes et circulaires adressées aux chefs de postes.

Examinant les éléments de l’espèce, la cour retient que les frais réellement exposés (frais de voyage, transports, frais de logement, frais de scolarité, etc.) ont été pris en charge par l’Etat belge et payés en sus de l’indemnité de poste.

Relevant en outre que cette indemnité est versée pendant les jours de vacances annuelles, la cour retient le caractère rémunératoire de celle-ci et l’obligation, en conséquence, de l’intégrer dans la rémunération de base servant au calcul de l’indemnité compensatoire.

Intérêt de la décision

C’est à très juste titre que cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions dans lesquelles une indemnité (quelle que soit sa dénomination contractuelle) peut constituer un avantage rémunératoire dans le chef du travailleur. La cour rappelle également que la charge du caractère indemnitaire et non rémunératoire appartient à l’employeur.


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