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Chômage : cohabitation avec un étranger demandeur de régularisation et taux des allocations

Commentaire de Trib. trav. Verviers, 17 août 2011, R.G. 10.162

Mis en ligne le mercredi 21 décembre 2011


Tribunal du travail de Verviers, 17 août 2011, R.G. n° 10.162

Terra Laboris asbl

Dans un jugement du 17 août 2011, le Tribunal du travail de Verviers rappelle les conditions de la cohabitation, dans lesquelles ne figure pas, en ce qui concerne la personne qui cohabite avec le chômeur, la situation administrative s’il s’agit d’un étranger demandeur de régularisation.

Les faits

Une bénéficiaire d’allocations de chômage introduit un C1 modificatif auprès de son organisme de paiement, signalant à la fois un changement d’adresse et un changement de situation personnelle. Elle fait état d’une cohabitation avec un tiers, à sa charge. Elle bénéficie dès lors des allocations comme travailleur ayant charge de famille.

L’ONEm considère que les allocations ont été octroyées à tort, au motif qu’il n’y a pas cohabitation : le tiers est demandeur d’asile et sa demande a été refusée. Un ordre de quitter le territoire lui a été notifié.
L’intéressée fait pour sa part valoir qu’un recours a été introduit contre la décision de refus d’asile et elle signale également que son organisme de paiement, à qui elle a exposé la situation, lui a confirmé qu’elle était dans son bon droit.

Dans sa décision, l’ONEm exclut l’intéressée du droit aux allocations comme travailleur ayant charge de famille et lui applique le taux « isolé ». Il ordonne la récupération des allocations indûment perçues pour la période concernée et, sur le plan de la sanction, il limite celle-ci à un avertissement, vu qu’au cours des deux années précédentes elle n’a encouru aucune sanction et qu’il n’y a aucune fraude dans son chef.

Position des parties devant le tribunal

L’ONEm fait valoir que la cohabitation n’est possible que si la personne avec laquelle le chômeur cohabite remplit toutes les conditions reprises dans la loi du 15 décembre 1980 relative à l’accès au territoire, le séjour et l’établissement des étrangers. Selon l’ONEm, pour qu’un étranger ait la qualité de cohabitant, il doit se trouver sur le territoire belge de façon légale et ne peut être sous le coup d’un ordre de quitter le territoire.

En ce qui concerne la chômeuse, elle se fonde sur une réponse donnée par la ministre de l’emploi le 27 octobre 2009, en réponse à une question parlementaire. Pour la ministre, les allocataires de l’ONEm sont tout à fait libres d’avoir des activités citoyennes et notamment ils peuvent aider des candidats à remplir leur dossier et à trouver des solutions en matière de régularisation. Ceci peut se matérialiser par des comités de soutien, ou par l’hospitalité offerte à ceux-ci.

La ministre précise encore que « qui plus est, la réglementation du chômage, dans son état actuel prend déjà en compte des situations telles que celle évoquée … » et poursuit qu’un chômeur qui héberge un demandeur de régularisation peut bénéficier du taux chef de ménage pour autant que le demandeur reste sans revenus, ce qui est en principe le cas tout au long de la procédure. Pour la ministre, ils doivent cependant signaler la cohabitation à l’ONEm ainsi que la prise en charge financière. L’accueil d’un demandeur de régularisation sans revenus n’a ainsi pas d’effet néfaste sur le taux d’indemnisation de l’hébergeant, au contraire.

Décision du tribunal du travail

En ce qui concerne les dispositions applicables, le tribunal renvoie à l’article 100, § 1, 1° de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, définissant le chômeur avec charge de famille : il s’agit du travailleur qui cohabite avec un conjoint ne disposant ni de revenus professionnels ni de revenus de remplacement.

L’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 définit par ailleurs dans son article 59 les conditions pour qu’un cohabitant puisse être considéré à charge. Ces conditions sont au nombre de trois : (i) une déclaration doit être faite par le travailleur et la personne à charge, (ii) celle-ci ne peut bénéficier du revenu d’intégration et (iii) elle ne peut être considérée comme étant à charge financièrement d’un autre chômeur.

Le tribunal constate qu’en l’occurrence les trois conditions ci-dessus sont remplies, la vie sous le même toit étant établie et la situation ayant fait l’objet de la déclaration requise. Aucun document ne vient établir l’existence de revenus professionnels ou de revenus quelconques dans le chef du cohabitant et le tribunal relève encore qu’il n’est pas établi qu’il soit financièrement à la charge d’un autre chômeur.

Il conclut qu’aucune autre condition n’est requise pour que la cohabitation soit retenue : le cohabitant ne doit remplir aucune autre condition, quant à la régularité de sa présence sur le territoire belge. Sa seule présence sous le toit du chômeur permet à ce dernier de bénéficier des allocations de chômage majorées. Le tribunal précise encore que les conditions prévues dans la loi du 15 décembre 1980 quant à la situation administrative d’un étranger demandeur de régularisation ne sont pas intégrées dans la réglementation en matière de chômage et il renvoie à un jugement du Tribunal du travail de Charleroi (Trib. trav. Charleroi, 1er juin 2007, Chron. D.S., 2009, p.79) qui a confirme le principe : aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit que le conjoint cohabitant doive remplir certaines conditions en ce qui concerne sa situation administrative, pour pouvoir être considéré comme personne à charge.

Il est, dès lors, fait droit à la requête.

Intérêt de la décision

Ce jugement du Tribunal du travail de Verviers rappelle un point important, en matière de cohabitation, étant que seules sont à remplir les conditions requises par la réglementation en matière de chômage et non celles figurant dans la loi du 15 décembre 1980 relative à l’accès au territoire, le séjour et l’établissement des étrangers. Peut être cohabitant, dès lors, un étranger faisant, comme en l’espèce, l’objet d’un ordre de quitter le territoire.


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