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Demande de réparation d’une maladie professionnelle hors liste : étendue de la charge de la preuve

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 12 septembre 2011, R.G. 2009/AB/52.471

Mis en ligne le lundi 12 décembre 2011


Cour du travail de Bruxelles, 12 septembre 2011, R.G. 2009/AB/52.471

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 12 septembre 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle, à l’occasion d’une demande de réparation d’une maladie professionnelle (hors liste), que le demandeur est tenu d’apporter la preuve de l’exposition au risque professionnel de la maladie, ainsi que le lien avec l’exercice de la profession. En l’absence de tout élément déposé, il n’y a pas lieu de recourir à l’expertise judiciaire aux fins de permettre de rapporter cette preuve.

Les faits

Une enseignante tombe en incapacité de travail, incapacité qui va se prolonger, et, après avoir été mise en disponibilité, elle se voit contrainte de prendre sa pension anticipative.

Elle a en effet présenté un important problème d’acouphène et elle relie celui-ci aux conditions acoustiques du local dans lequel elle a dû donner cours.

Elle introduit dès lors une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de la Communauté française. Cette demande est rejetée et une procédure est introduite devant le tribunal du travail.

La décision du tribunal du travail

Par jugement du 6 juillet 2009, le tribunal du travail rejette la demande, au motif d’absence d’exposition au risque de bruit.

Position des parties devant la cour

L’intéressée interjette appel, au motif que la réalité de l’exposition au risque professionnel est établie, de même que le lien de causalité, les conditions de l’article 30bis des lois coordonnées du 3 juin 1970 étant ainsi respectées.

L’appelante fait particulièrement grief au tribunal de se fonder sur un rapport établi suite à une visite des lieux 4 ans après la période litigieuse, et ce alors que ceux-ci avaient été profondément réadaptés. L’état acoustique des locaux à l’époque aurait, pour l’intéressée, aisément pu être vérifié sur la base des plans, matériaux utilisés et corrections apportées ultérieurement. En outre, sur le plan médical, le dossier est suffisamment documenté pour conclure à l’existence de la maladie.

La Communauté française sollicite, pour sa part, la confirmation du jugement.

La décision de la cour

La cour rappelle les deux systèmes de réparation de la maladie professionnelle, étant les systèmes de la liste et hors liste.

En l’espèce, s’agissant d’une maladie qui ne figure pas sur la liste dressée par arrêté royal, l’intéressée doit établir non seulement l’existence de la maladie et celle de l’exposition au risque professionnel, mais également le lien de causalité entre les deux. La cour souligne qu’aucune présomption n’existe dans ce type de demande de réparation. Dès lors, s’il reste une incertitude ou un doute quant à la production d’un élément de preuve, celui-ci va profiter à l’autre partie.

La cour rappelle l’arrêt BENITO de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJCE, 11 février 2004, Req. C-180/03), selon lequel, si une maladie ne figure pas sur la liste européenne des maladies professionnelles annexée à la Recommandation 90/326/CEE de la Commission, la preuve du lien de causalité entre l’exercice des fonctions et la maladie est requise pour que soit admise l’origine professionnelle de celle-ci. L’autorité administrative compétente ne saurait être tenue, pour la Cour de Justice, d’admettre le caractère professionnel d’une telle maladie au seul motif qu’il y aurait un doute sur son origine. Le travailleur concerné (en l’espèce fonctionnaire) doit rapporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre l’exercice de cette fonction et la maladie et ne peut pas se prévaloir du principe général de droit « semper in dubiis benigniora praeferenda sunt ».

Ce qui pose problème, dans le cas de l’intéressée, n’est pas la maladie mais les deux autres éléments de preuve, étant d’une part la réalité de l’exposition au risque et, d’autre part, le lien de causalité.

Selon l’article 32 des lois coordonnées (alinéa 2), il y a risque professionnel lorsque l’exposition à l’influence nocive est inhérente à l’exercice de la profession et est nettement plus grande que celle subie par la population en général et dans la mesure où cette exposition constitue, dans les groupes de personnes exposées, selon les connaissances médicales généralement admises, la cause prépondérante de la maladie.

La cour relève que les problèmes acoustiques de l’établissement d’enseignement ont été de courte durée et ont été réglés. La question est de savoir si, pendant cette courte période, il a pu y avoir exposition au risque. Il appartient à l’intéressée d’établir cet élément, ainsi que d’ailleurs, comme le relève la cour, le lien de causalité. L’intéressée est, en effet, tenue de prouver que la maladie dont elle souffre trouve sa cause déterminante et directe dans l’exercice de la profession. Le dossier médical fait par contre apparaître d’autres causes possibles sans rapport direct ou nécessaire avec l’exposition au risque alléguée et la cour retient d’ailleurs l’existence de problèmes auditifs antérieurs à la période litigieuse. Si ceux-ci ne sont pas de nature à écarter une réparation, il convient cependant qu’un lien soit établi entre la maladie et le risque professionnel, étant qu’une cause de la pathologie doit être professionnelle. La cour retient que ne lui sont soumis que des éléments extraprofessionnels et que, vu ceux-ci, elle ne peut même autoriser une expertise. La mesure d’expertise ne peut en effet se justifier si les pièces et éléments produits sont suffisants à la solution du litige et ne nécessitent pas d’examens ou de mesures complémentaires. La cour considère dès lors qu’il y a lieu à confirmation du jugement.

Intérêt de la décision

S’agissant, en l’espèce, d’une demande de réparation d’une maladie hors liste, la Cour du travail de Bruxelles rappelle la difficulté de preuve pour le demandeur et, surtout, la nécessité pour lui d’établir l’exposition au risque professionnel de la maladie dont la réparation est demandée. Il ne peut être pallié à cette obligation de preuve par une demande d’expertise : la cour rappelle que celle-ci ne se justifie pas lorsque les pièces et éléments produits sont suffisants pour permettre au juge de trancher.


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