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Récupération d’indu en soins de santé et indemnités : quid vu l’absence d’arrêté royal d’exécution de l’article 18bis de la Charte ?

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 23 août 2011, R.G. 2010/AN/69

Mis en ligne le vendredi 18 novembre 2011


Cour du travail Liège, section de Namur, 23 août 2011, R.G. n° 2010/AN/69

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 23 août 2011, la Cour du travail de Liège, (sect. Namur), après avoir rouvert les débats, conclut que, vu l’absence d’arrêté royal d’exécution de l’article 18bis de la Charte de l’assuré social, il y a lieu d’appliquer l’article 17, alinéa 2 : il ne peut y avoir rétroactivité d’une décision de récupération.

Les faits

L’INAMI notifie par courrier ordinaire à un assuré social une décision de lui reconnaître le droit à une majoration pour perte d’autonomie rendant nécessaire l’aide d’une tierce personne, et ce jusqu’à une date déterminée (31 décembre 1998). Cette notification ne contient pas les mentions relatives au droit de recours et n’indique pas davantage qu’il y lieu de demander le renouvellement de la majoration, après la date fixée, si l’intéressé souhaite continuer à en bénéficier.

Au-delà du 31 décembre 1998, l’organisme assureur poursuit le paiement sans avoir l’accord de l’INAMI. Il fera valoir qu’il s’agit d’un problème d’encodage.

Beaucoup plus tard, soit en 2005, une demande de reconnaissance est introduite directement par l’organisme assureur après avoir été informé par l’INAMI du problème de la poursuite du paiement. Pour l’INAMI, il s’agit d’une nouvelle demande et non d’une demande de prolongation. Un indu est alors réclamé, vu la poursuite des paiements en dehors d’une décision de l’INAMI.

L’arrêt de la cour du 15 février 2011

La Cour a rendu un premier arrêt le 15 février 2011, ordonnant la réouverture des débats afin que soit précisé par les parties s’il existe un arrêté d’exécution de l’article 18bis de la Charte de l’assuré social dans le secteur de l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités. Elle a demandé que, dans la négative, les parties examinent les questions qui en découlent. En effet, faute d’arrêté, en cas de décision prise même à la suite d’un rejet de dépense consécutif à un contrôle INAMI, la question de l’application de l’article 17 à la décision est posée, de même que celle de savoir si, par décision - au sens de l’article 17 -, l’on vise uniquement la révision d’une décision originaire ou également la révision à une date postérieure à celle de la prise de cours de la décision initiale, vu la survenance d’un élément ultérieur à la décision en cause.

Dans cet arrêt la cour relève déjà l’enseignement de la doctrine selon lequel l’article 17, alinéa 2, s’applique aux décisions de révision et de récupération prises par les institutions de sécurité sociale et, en conséquence, les institutions coopérantes (dont les organismes assureurs) sont concernées. L’exception introduite par cet article 17, alinéa 2, n’est pas considérée comme contraire aux principes d’égalité entre les assurés sociaux d’une part et à l’obligation de rembourser l’indu d’autre part.

En l’espèce, la cour constate qu’il y a absence d’erreur dans la décision initiale mais que c’est l’organisme assureur qui a commis l’erreur de verser le supplément pour aide d’une tierce personne au-delà d’une date déterminée. Il fait valoir qu’il s’agit d’une erreur d’encodage et la cour retient que si cette erreur n’était pas intervenue, le paiement du supplément aurait cessé. En conséquence, une demande pour la période postérieure aurait pu être introduite, que ce soit suite un réexamen du cas d’initiative ou suite à la demande de l’intéressé, vu la modification de ses revenus. En conséquence, la situation dénoncée est le fait de l’organisme assureur seul.

La cour rejette également l’argument de la mutuelle selon lequel l’assuré social n’a pas introduit de demande de renouvellement, et ce au motif que, si elle avait exécuté correctement sa mission, la demande de renouvellement aurait pu être introduite et il n’y aurait pas d’indu.

La réouverture des débats a dès lors été ordonnée en ce qui concerne l’application de l’article 17, alinéa 2, la cour invitant particulièrement les parties à l’informer de la date à laquelle l’organisme assureur a été informé du rejet des dépenses par l’INAMI, ainsi que les raisons pour lesquelles il n’a pas aussitôt arrêté le paiement du complément pour l’aide de tiers, et ce au motif que l’article 17, alinéa 2, pourrait s’appliquer en toute hypothèse aux versements effectués après cette information.

L’arrêt de la cour du 23 août 2011

Cet arrêt constate, après avoir repris les problèmes évoqués dans l’arrêt du 15 février 2011, qu’il n’y a pas eu d’arrêté d’exécution de l’article 18bis de la Charte, et ce contrairement à d’autres matières telles que le chômage. L’on peut dès lors pour la cour se référer à l’enseignement tiré de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 9 juin 2008, RG n° S.07.0113.F) en cette matière. S’agissant par ailleurs de faits antérieurs au 10 janvier 2009, la cour relève que la modification de l’article 174 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 introduite par la loi du 19 décembre 2008 n’était pas encore d’application (et elle indique d’ailleurs qu’une question préjudicielle a été posée à la Cour constitutionnelle sur ce nouveau texte par le Tribunal du travail de Bruxelles (M.B. 12 avril 2011, p. 23.399). En l’absence de texte mettant en œuvre l’exception de l’article 18bis, celle-ci ne peut dès lors être invoquée et la cour retient qu’il faut s’en tenir à l’article 17.

A cet égard, l’INAMI objecte que l’article 17 n’est pas d’application, au motif que la décision initiale est régulière : c’est son exécution qui ne l’a pas été. Il considère qu’il détient seul la mission de se prononcer sur la question d’une majoration de l’indemnité pour perte d’autonomie justifiant l’aide de tiers et que l’on ne peut dès lors considérer que la poursuite du paiement résulte d’une erreur de l’organisme assureur.

Pour la cour, l’INAMI a effectivement le pouvoir de décision sur cette question et l’organisme assureur ne peut décider de cet octroi mais, s’il effectue le paiement (ainsi au-delà d’une date autorisée), il y a bien une décision prise, certes illégale mais elle existe. Il y a, en conséquence, lieu d’appliquer l’article 17, alinéa 2, à l’hypothèse où l’organisme assureur effectue des paiements sans respecter la procédure applicable, accordant ainsi des droits à l’assuré social, qui n’auraient pas dû être reconnus.

En ce qui concerne le cas d’espèce, la cour retient donc que l’erreur émane de l’organisme assureur et que l’assuré social ne pouvait s’en rendre compte, vu l’absence d’information de la nécessité d’introduire une demande de renouvellement. Il y a dès lors indu créé par le fait de cette erreur uniquement et cet indu doit être mis à charge de l’organisme assureur, la décision prise de supprimer l’avantage accordé à tort ne pouvant être assortie d’un effet rétroactif.

Ayant procédé à la récupération des sommes par le biais de retenues sur sa pension, l’organisme assureur est condamné à restituer celles-ci, majorées des intérêts.

Notons que la cour ne se prononce cependant pas sur la question du rejet de dépenses, considérant ne pas être saisie de cet aspect du litige.

Enfin, l’assuré social ayant mis en cause la responsabilité de l’organisme assureur, la cour conclut que cette discussion perd tout intérêt vu l’absence de rétroactivité de la décision. Elle relève cependant la mauvaise gestion du dossier par l’organisme assureur, qui aurait pu justifier l’octroi de dommages et intérêts. Elle constate cependant que l’assuré social n’en réclame pas.

Intérêt de la décision

Ces décisions de la Cour du travail de Liège (sect. Namur) présentent un intérêt évident, vu l’absence d’arrêté d’exécution de l’article 18bis de la Charte. Cette disposition, introduite par la loi du 25 juin 1997, donne pouvoir au Roi pour déterminer les régimes de sécurité sociale ou les subdivisions de ceux-ci pour lesquels une décision relative aux droits visés aux articles 17 et 18bis, prise à la suite d’un examen de la légalité des prestations payées, n’est pas considérée comme une nouvelle décision pour l’application de ces articles.

Elle conclut à l’application de l’article 17, alinéa 2, étant que la nouvelle décision produit ses effets en cas d’erreur dû à l’institution de sécurité sociale le premier jour du mois qui suit la notification, si le droit à la prestation est inférieur à celui reconnu initialement. Elle ne peut dès lors rétroagir.


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