Terralaboris asbl

Mandataire d’asbl effectuant des prestations pour celle-ci – rappel des obligations du chômeur

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 3 mai 2011, R.G. 2010/AN/63

Mis en ligne le mercredi 16 novembre 2011


C. trav. Liège (sect. Namur), 3 mai 2011, R.G. n° 2010/AN/63

TERRA LABORIS A.S.B.L.

Dans un arrêt du 3 mai 2011, la Cour du travail de Liège (sect. Namur) rappelle les obligations en la matière, avant et depuis l’arrêté royal du 28 juillet 2006 et l’introduction de l’article 45bis dans l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

Les faits

Un bénéficiaire d’allocations de chômage fonde une A.S.B.L. qui a pour objectif social un club de billard, essentiellement. Est exploité, dans le cadre de cette activité, un salon de consommation accessible aux membres et à leurs invités. Lors d’une visite de l’Inspection sociale, le président expose les conditions d’ouverture et d’organisation du club, signalant que le bénéficiaire d’allocations de chômage y travaille également, étant trésorier de l’A.S.B.L. De temps en temps, des consommations sont servies, et ce par les représentants de l’association, présents à tour de rôle.

Entendu, l’intéressé confirme qu’il est bénévole, l’activité de trésorier ne faisant l’objet d’aucune rémunération, mais qu’il fait le service lorsqu’il n’y a personne pour ce faire, activité pour laquelle il n’est pas davantage rémunéré. Il signale ne pas noircir sa carte de contrôle lorsqu’il vient « donner un coup de main ».

Il lui est alors signalé par les services d’inspection que tout mandat d’administrateur bénévole doit être déclaré, de même que toute activité de secrétariat, ceci incluant le fait de tenir une cafétéria dans une association de petite taille, étant entendu que ce dernier volet peut faire l’objet d’un refus en cas de caractère commercial. Les services d’inspection concluent que l’activité a ce caractère en l’espèce.

L’ONEm va prendre une décision d’exclusion, sur 4 ans, étant depuis le début de l’activité, et réclame un indu de l’ordre de 30.000 €. Une décision d’exclusion pour défaut de déclaration est prise, de même qu’une autre pour absence de biffure de la carte de contrôle.

Décision du tribunal

Le tribunal confirme la décision administrative, retenant qu’il y a eu rôle actif dans le fonctionnement de l’association et que le chômeur doit prouver qu’il n’a pas été rémunéré, ce qu’il ne fait pas. Le tribunal ne retient pas la bonne foi de celui-ci.

Position des parties devant la cour

Sur le fond, l’intéressé considère qu’il pouvait exercer une activité pour l’A.S.B.L. sans la déclarer, dès lors qu’elle est bénévole. Il fait valoir que le profit tiré du bar ne servait qu’à couvrir des dépenses de loyer et les charges annexes. Pour l’appelant, il s’est agi d’une activité bénévole de loisir, qui ne se situe pas dans le courant des échanges économiques de biens et de services. Enfin, il fait valoir sa bonne foi.

Décision de la cour

La cour va examiner trois questions : l’exercice de l’activité bénévole, la règle de prescription à retenir et la bonne foi.

En ce qui concerne l’article 45, qui est le siège de la matière, la cour retient d’abord qu’il a été modifié à diverses reprises et qu’il n’y a pas eu avis préalable du Conseil d’Etat. Cependant, un arrêté royal du 28 juillet 2006 a régularisé la situation, arrêt pris après avis du Conseil d’Etat, confirmant les textes précédents, dont l’illégalité avait été relevée par la doctrine (voir notamment F. ETIENNE et B. GRAULICH, « Le respect des formalités de consultation de la section de législation du Conseil d’Etat dans la réglementation du chômage », Actualités de la sécurité sociale, Larcier, 2004, p. 439, n° 31 et 32). A la même date, un article 45bis a été introduit dans la réglementation, concernant le travail des bénévoles. Les modalités d’exercice de ce type d’activité y sont décrites, étant notamment l’obligation de déclaration préalable, qui doit être signée à la fois par le chômeur bénévole et par l’organisation pour laquelle il preste, déclaration pouvant être écartée si elle est contredite par des présomptions graves et concordantes. La nouvelle réglementation prévoit également les conditions dans lesquelles l’exercice de l’activité peut être interdite ou limitée.

La cour va dès lors examiner les deux moutures de l’article 45 et constater, pour ce qui est du texte ancien, que les règles s’articulent comme suit : (i) l’activité de mandataire d’une A.S.B.L. ne doit pas être préalablement déclarée et (ii) si, en sus du mandat, une activité de type économique, même bénévole, est exercée, il y a obligation de signaler celle-ci et d’obtenir l’autorisation de l’ONEm (non préalable), activité comprise comme étant exercée pour le compte de tiers. En l’absence de déclaration, il appartient au chômeur de renverser la présomption de caractère rémunéré de l’activité.

Dans le cadre du nouvel article 45 (et de l’article 45bis), il faut voir si l’activité est exercée au profit d’un particulier ou d’une association. Si c’est pour une association, la déclaration préalable écrite est exigée et le chômeur doit rester disponible pour le marché de l’emploi (sauf dispense). L’activité visée et les obligations corrélatives concernent celles exercées pour le compte de tiers. L’exercice d’un mandat d’une A.S.B.L. à titre gratuit est autorisé sans déclaration préalable et constitue une activité pour compte propre. Par contre, toute autre activité – même bénévole – annexe ou différente de celle du mandat doit répondre au prescrit légal.

En l’espèce, le mandat de trésorier pouvait être exercé sans déclaration préalable, aussi bien avant qu’après le 1er août 2006. La situation est cependant distincte pour ce qui est de la cafétéria, activité venant en sus de celle de mandataire et exercée pour le compte de tiers : tant avant qu’après l’entrée en vigueur de l’article 45bis, il fallait une déclaration préalable. Il s’agit en effet d’une activité susceptible d’être intégrée dans le courant des échanges économiques de biens et de services. A supposer – quod non, selon la cour – qu’il se fut agi d’une activité de loisir exercée pour compte propre, elle ne répond pas davantage aux deux conditions cumulatives de l’article 45.

Relevant cependant que l’activité exercée par le trésorier est minime et que son rôle dans l’activité commerciale reste également accessoire (sa déclaration étant confirmée par celle du président de l’association), la cour retient qu’il est tout à fait vraisemblable qu’il n’y avait aucune possibilité de rétribution quelconque de nature à contribuer à la subsistance du chômeur pour prix de son travail, même si – très occasionnellement – il pouvait bénéficier d’une consommation sans la payer. Si, pour la période avant le 1er août 2006, cette situation était compatible avec la perception d’allocations de chômage, même en l’absence de déclaration préalable (la preuve de la gratuité étant rapportée), la situation est distincte pour la période ultérieure, puisque l’absence de déclaration préalable suffit à justifier l’exclusion et la récupération.

En ce qui concerne la prescription, la cour rappelle que, pour ce qui est de la décision de récupération (distincte de l’action en récupération), celle-ci doit être prise dans un délai de 3 ans. Il n’y a que les situations de dol ou de fraude qui peuvent porter le délai à 5 ans et non seulement la mauvaise foi. Il faut dès lors une volonté malicieuse de tromper, et ce en vue d’obtenir indûment l’octroi des prestations sociales. La cour retient qu’il faut une intention spéciale, celle-ci devant être prouvée par l’ONEm et ne pouvant se déduire du seul fait de la déclaration inexacte ou incomplète. Ces éléments n’étant pas établis en l’espèce, le délai applicable est de 3 ans.

Enfin, sur la bonne foi, celle-ci est susceptible de conditionner la récupération, dans la mesure où le remboursement concerne en principe toute la durée infractionnelle. L’article 169 de l’arrêté royal, qui permet cependant la limitation aux 150 derniers jours d’indemnisation, est une disposition dérogatoire et son interprétation doit dès lors être restrictive. La charge de la preuve des journées où l’activité a été exercée repose sur le chômeur, étant qu’il doit établir n’avoir exercé une activité que certains jours. La cour relève qu’il s’agit d’une preuve négative, difficile à rapporter et que le juge peut tenir compte de présomptions, lorsque les éléments du dossier le permettent. En l’espèce, l’intéressé justifie de sa bonne foi, la cour retenant que l’ignorance peut être invoquée et, retenant qu’il ne faut quand même pas exagérer l’importance de cette occupation très accessoire au profit d’un club de billard, elle considère que le chômeur pouvait de bonne foi penser, en tout cas jusqu’à sa première audition, qu’il n’avait pas besoin d’autorisation préalable. La décision de récupération va dès lors viser la période à partir de cette première audition, ainsi que les 150 derniers jours d’indemnisation qui la précèdent.

Enfin, la cour va réduire les deux sanctions à une durée lui paraissant plus en proportion avec la faute commise.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège reprend, de manière détaillée, l’attention à réserver aux conditions de l’article 45, avant et après le 1er août 2006, ainsi que les obligations découlant du texte pour le chômeur.


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