ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
14 octobre 2010 (*)
«Sécurité
sociale – Règlement (CEE) n° 1408/71 – Titre III, chapitre 1 –
Articles 28, 28 bis et 33 – Règlement (CEE) n° 574/72 – Article 29
–Libre circulation des personnes – Articles 21 TFUE et 45 TFUE –
Prestations de l’assurance maladie – Titulaires de pension de vieillesse
ou de rente d’incapacité du travail – Résidence dans un autre État
membre que l’État débiteur de la pension ou rente – Fourniture de
prestations en nature dans l’État de résidence à la charge de l’État
débiteur – Absence d’inscription dans l’État de résidence – Obligation
de paiement des cotisations dans l’État débiteur – Modification de la
législation nationale de l’État débiteur – Continuité de l’assurance
maladie – Différence de traitement entre résidents et non-résidents»
Dans l’affaire C‑345/09,
ayant
pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article
234 CE, introduite par le Centrale Raad van Beroep (Pays-Bas), par
décision du 26 août 2009, parvenue à la Cour le 27 août 2009, dans la
procédure
J. A. van Delft,
J. C. Ramaer,
J. M. van Willigen,
J. F. van der Nat,
C. M. Janssen,
O. Fokkens
contre
College voor zorgverzekeringen,
LA COUR (deuxième chambre),
composée
de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre,
MM. A. Arabadjiev, A. Rosas, U. Lõhmus et A. Ó
Caoimh (rapporteur), juges,
avocat général: M. N. Jääskinen,
greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 mai 2010,
considérant les observations présentées:
– pour MM. van Delft et van Willigen, par Me E. Pijnacker Hordijk, advocaat,
– pour M. Janssen, par Mes H. Frantzen et H. Ebbink, advocaten,
– pour M. Fokkens, par lui-même,
– pour
le College voor zorgverzekeringen, par MM. M. van Dijen et R. G. van
der Wissel, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels et M. J. Langer, en qualité d’agents,
– pour
le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et D. Hadroušek, en
qualité d’agents,
– pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme A. Czubinski, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement finlandais, par Mme A. Guimaraes-Purokoski, en qualité d’agent,
– pour
la Commission européenne, par MM. V. Kreuschitz et M. van Beek, en
qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 juillet 2010,
rend le présent
Arrêt
1 La
demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des
articles 28, 28 bis et 33, ainsi que des dispositions de l’annexe
VI, section R, point 1, sous a) et b), du règlement (CEE)
n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des
régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs
non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à
l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CE)
n° 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre
2006 (JO L 392, p. 1, ci-après le «règlement n° 1408/71»), de
l’article 29 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars
1972, fixant les modalités d’application du règlement (CEE)
n° 1408/71 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale
aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à
l’intérieur de la Communauté (JO L 74, p. 1), tel que modifié par le
règlement (CE) n° 311/2007 de la Commission, du 19 mars 2007 (JO L
82, p. 6, ci-après le «règlement n° 574/72»), ainsi que des
articles 21 TFUE et 45 TFUE.
2 Cette
demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant MM. van
Delft, Ramaer, van Willigen, van der Nat, Janssen et Fokkens (ci-après,
ensemble, les «requérants au principal») au College voor
zorgverzekeringen (Conseil des assurances soins de santé, ci-après le
«CVZ») au sujet du paiement de cotisations dues au titre du régime légal
obligatoire d’assurance maladie applicable aux Pays-Bas.
Le cadre juridique
La réglementation de l’Union
3 L’article
13 du règlement n° 1408/71, qui relève du titre II de celui-ci,
intitulé «Détermination de la législation applicable», dispose:
«Règles générales
1. Sous réserve des articles 14 quater et 14 septies,
les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont
soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation
est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.
2. Sous réserve des articles 14 à 17:
[…]
f) la
personne à laquelle la législation d’un État membre cesse d’être
applicable, sans que la législation d’un autre État membre lui devienne
applicable en conformité avec l’une des règles énoncées aux alinéas
précédents ou avec l’une des exceptions ou règles particulières visées
aux articles 14 à 17, est soumise à la législation de l’État membre sur
le territoire duquel elle réside, conformément aux dispositions de cette
seule législation.»
4 Contenu
dans le même titre II, l’article 17 bis du règlement n° 1408/71,
intitulé «Règles particulières concernant les titulaires de pensions ou
de rentes dues au titre de la législation d’un ou de plusieurs États
membres», est libellé comme suit:
«Le
titulaire d’une pension ou d’une rente due au titre de la législation
d’un État membre ou de pensions ou de rentes dues au titre des
législations de plusieurs États membres, qui réside sur le territoire
d’un autre État membre, peut être exempté, à sa demande, de
l’application de la législation de ce dernier État, à condition qu’il ne
soit pas soumis à cette législation en raison de l’exercice d’une
activité professionnelle».
5 Le
titre III du règlement n° 1408/71 contient les dispositions
particulières aux différentes catégories de prestations auxquelles
celui-ci est applicable en vertu de son article 4, paragraphe 1. Le
chapitre 1, du titre III dudit règlement concerne les prestations de
maladie et de maternité.
6 Contenu
dans la section 5, dudit chapitre 1, intitulée «Titulaires de pensions
ou de rentes et membres de leur famille», l’article 28 du règlement
n° 1408/71, intitulé «Pensions ou rentes dues en vertu de la
législation d’un seul ou de plusieurs États, un droit aux prestations
n’existant pas dans le pays de résidence», dispose:
«1. Le
titulaire d’une pension ou d’une rente due au titre de la législation
d’un État membre ou de pensions ou de rentes dues au titre des
législations de deux ou plusieurs États membres qui n’a pas droit aux
prestations au titre de la législation de l’État membre sur le
territoire duquel il réside bénéficie néanmoins de ces prestations pour
lui-même et les membres de sa famille, dans la mesure où il y aurait
droit en vertu de la législation de l’État membre ou de l’un au moins
des États membres compétents en matière de pension, compte tenu, le cas
échéant, des dispositions de l’article 18 et de l’annexe VI, s’il
résidait sur le territoire de l’État concerné. Le service des
prestations est assuré dans les conditions suivantes:
a) les
prestations en nature sont servies pour le compte de l’institution
visée au paragraphe 2 par l’institution du lieu de résidence, comme si
l’intéressé était titulaire d’une pension ou d’une rente en vertu de la
législation de l’État sur le territoire duquel il réside et avait droit
aux prestations en nature;
[…]
2. Dans
les cas visés au paragraphe 1, la charge des prestations en nature
incombe à l’institution déterminée selon les règles suivantes:
a) si
le titulaire a droit auxdites prestations en vertu de la législation
d’un seul État membre, la charge en incombe à l’institution compétente
de cet État;
[…]»
7 Contenu
dans la même section, l’article 28 bis du règlement n° 1408/71,
intitulé «Pensions ou rentes dues en vertu de la législation d’un seul
ou de plusieurs États membres autres que le pays de résidence, un droit
aux prestations en nature existant dans ce dernier pays», prévoit:
«En
cas de résidence du titulaire d’une pension ou d’une rente due au titre
de la législation d’un État membre ou de pensions ou rentes dues au
titre des législations de deux ou plusieurs États membres, sur le
territoire d’un État membre, selon la législation duquel le droit aux
prestations en nature n’est pas subordonné à des conditions d’assurance
ou d’emploi et au titre de la législation duquel aucune pension ou rente
n’est due, la charge des prestations en nature qui sont servies à ce
titre ainsi qu’aux membres de sa famille incombe à l’institution de l’un
des États membres compétents en matière de pensions, déterminée selon
les règles fixées à l’article 28 paragraphe 2, pour autant que ledit
titulaire et les membres de sa famille auraient droit à ces prestations
en nature en vertu de la législation appliquée par ladite institution
s’ils résidaient sur le territoire de l’État membre où se trouve cette
institution.»
8 Aux
termes de l’article 33 du règlement n° 1408/71, qui figure
également à la section 5 du titre III, chapitre 1, dudit règlement et
qui est intitulé «Cotisations à charge des titulaires de pensions ou de
rentes»:
«1. L’institution
d’un État membre débitrice d’une pension ou d’une rente qui applique
une législation prévoyant des retenues de cotisations à la charge du
titulaire d’une pension ou d’une rente, pour la couverture des
prestations de maladie et de maternité, est autorisée à opérer ces
retenues, calculées suivant ladite législation, sur la pension ou la
rente dues par elle, dans la mesure où les prestations servies en vertu
des articles 27, 28, 28 bis, 29, 31 et 32 sont à la charge d’une institution dudit État membre.
2. Lorsque, dans les cas visés à l’article 28 bis,
le titulaire d’une pension ou d’une rente est soumis, du fait de sa
résidence, à cotisations ou retenues équivalentes pour la couverture des
prestations de maladie et de maternité en vertu de la législation de
l’État membre sur le territoire duquel il réside, ces cotisations ne
sont pas exigibles.»
9 Conformément
à l’article 36, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, les
prestations en nature servies par l’institution d’un État membre pour le
compte de l’institution d’un autre État membre, en vertu notamment des
dispositions des articles 28, 28 bis et 33 de ce règlement, donnent lieu
à remboursement intégral.
10 Le
point 1, sous a) à c), de la section R de l’annexe VI au règlement
n° 1408/71 s’énonce comme suit:
«1. Assurance soins de santé
a) En
ce qui concerne le droit aux prestations en nature en vertu de la
législation néerlandaise, il y a lieu d’entendre par bénéficiaire des
prestations en nature, aux fins de l’application du chapitre 1er et du chapitre 4 du titre III du présent règlement:
i) la
personne tenue de s’assurer auprès d’un organisme d’assurance soins de
santé en vertu de l’article 2 de la Zorgverzekeringswet (loi sur
l’assurance soins de santé),
et
ii) la
personne non visée au point i) qui réside dans un autre État membre et
qui, en vertu du règlement, peut prétendre à des soins de santé dans son
pays de résidence à la charge des Pays-Bas.
b) Les
personnes visées au point a) i) doivent, conformément aux dispositions
de la Zorgverzekeringswet (loi sur l’assurance soins de santé),
s’assurer auprès d’un organisme d’assurance soins de santé et les
personnes visées au point a) ii) doivent s’inscrire au College voor
zorgverzekeringen (Conseil des assurances soins de santé).
c) Les
dispositions de la Zorgverzekeringswet (loi sur l’assurance soins de
santé) et de la Algemene wet bijzondere ziektekosten (loi générale sur
les frais médicaux spéciaux) relatives à l’obligation de payer des
cotisations s’appliquent aux personnes visées au point a) et aux membres
de leur famille. Pour ce qui est des membres de la famille, les
cotisations sont prélevées auprès de la personne dont découle le droit
aux soins de santé».
11 L’article
29 du règlement n° 574/72, qui fixe les modalités d’application du
règlement n° 1408/71, prévoit, sous l’intitulé «Prestations en
nature aux titulaires de pensions ou de rentes et aux membres de leur
famille n’ayant pas leur résidence dans un État membre au titre de la
législation duquel ils bénéficient d’une pension ou d’une rente et ont
droit aux prestations»:
«1. Pour
bénéficier des prestations en nature en vertu de l’article 28
paragraphe 1 et de l’article 28 bis du règlement, sur le
territoire de l’État membre où il réside, le titulaire de pension ou de
rente est tenu de se faire inscrire ainsi que les membres de sa famille
résidant dans le même État membre, auprès de l’institution du lieu de
résidence, en présentant une attestation certifiant qu’il a droit
auxdites prestations, pour lui-même et pour les membres de sa famille,
en vertu de la législation ou de l’une des législations au titre
desquelles une pension ou une rente est due.
2. Cette
attestation est délivrée, à la demande du titulaire, par l’institution
ou par l’une des institutions débitrices de pension ou de rente ou, le
cas échéant, par l’institution habilitée à décider du droit aux
prestations en nature, dès que le titulaire satisfait aux conditions
d’ouverture du droit à ces prestations. Si le titulaire ne présente pas
l’attestation, l’institution du lieu de résidence s’adresse pour
l’obtenir à l’institution ou aux institutions débitrices de pension ou
de rente ou, le cas échéant, à l’institution habilitée à cet effet. En
attendant la réception de cette attestation, l’institution du lieu de
résidence peut procéder à une inscription provisoire du titulaire et des
membres de sa famille résidant dans le même État membre, au vu des
pièces justificatives admises par elle. Cette inscription n’est
opposable à l’institution à laquelle incombe la charge des prestations
en nature que lorsque cette dernière institution a délivré l’attestation
prévue au paragraphe 1.»
12 L’article
95 dudit règlement prévoit que le montant des prestations en nature
servies en vertu des articles 28 et 28 bis du règlement n° 1408/71 est
remboursé par les institutions compétentes aux institutions qui ont
servi lesdites prestations, sur la base d’un forfait aussi proche que
possible des dépenses réelles, dont les modalités de calcul sont
définies par cette disposition.
13 Ainsi
qu’il ressort de la décision n° 153 de la commission
administrative des Communautés européennes pour la sécurité sociale des
travailleurs migrants, du 7 octobre 1993, concernant les modèles de
formulaires nécessaires à l’application des règlements (CEE)
n° 1408/71 et (CEE) n° 574/72 du Conseil (E 001, E 103 - E
127) (JO 1994, L 244, p. 22), telle que modifiée par la décision n° 202
de la commission administrative des Communautés européennes pour la
sécurité sociale des travailleurs migrants, du 17 mars 2005 (JO 2006,
L 77, p. 1), le formulaire E 121 constitue l’attestation
requise aux fins de l’inscription d’un titulaire de pension ou de rente
et des membres de sa famille auprès de l’institution du lieu de leur
résidence conformément aux prévisions des articles 28 du règlement
n° 1408/71 et 29 du règlement n° 574/72.
La réglementation nationale
14 Avant le 1er
janvier 2006, la loi sur les caisses de maladie (Ziekenfondswet,
ci-après la «ZFW») prévoyait un régime légal obligatoire d’assurance
maladie pour les seuls travailleurs salariés dont le revenu était
inférieur à un certain seuil.
15 Ce
régime légal obligatoire était également applicable, sous certaines
conditions, aux non-résidents titulaires d’une pension au titre de la
loi portant régime général d’assurance vieillesse (Algemene
Ouderdomswet, ci-après la «AOW») ou d’une rente au titre de la loi
relative à l’assurance contre l’incapacité de travail (Wet op de
arbeidsongeschiktheidsverzekering, ci-après la «WAO»).
16 Les
personnes ne relevant pas de ce régime devaient, en revanche, pour être
couvertes en ce qui concerne le risque de maladie, conclure à titre
privé un contrat d’assurance auprès d’une compagnie d’assurances.
17 Depuis le 1er
janvier 2006, la loi sur l’assurance soins de santé
(Zorgverzekeringswet, ci-après la «ZVW») institue un régime légal
obligatoire d’assurance maladie pour toutes les personnes résidant ou
travaillant aux Pays-Bas.
18 L’article 69 de ladite loi, dans sa version applicable au 1er août 2008, est libellé comme suit:
«1. Les
personnes résidant à l’étranger qui, par application d’un règlement du
Conseil des communautés européennes ou par application d’un règlement
adopté en vertu de l’accord sur l’Espace économique européen ou d’un
traité en matière de sécurité sociale, ont droit, en cas de besoin, aux
soins ou au remboursement de ceux-ci, comme le prévoit la législation
sur l’assurance des soins dans leur pays de résidence, se font connaître
auprès du [CVZ], à moins qu’elles relèvent, en vertu de la présente
loi, de l’assurance obligatoire.
2. Les
personnes visées au premier alinéa sont redevables d’une cotisation qui
sera fixée par arrêté ministériel. Pour une partie qui sera fixée par
cet arrêté, ladite cotisation est considérée, pour l’application de la
loi sur les allocations de soins de santé [(Wet op de zorgtoeslag)]
comme une prime pour une assurance soins de santé.
3. Si
elle ne s’est pas fait connaître dans les quatre mois de la naissance
du droit visé au paragraphe 1, le [CVZ] impose à la personne qui aurait
dû le faire une amende égale à 130 % d’une partie fixée par arrêté
ministériel de la cotisation visée au paragraphe 2, sur une période
équivalant à la période écoulée entre le jour de la naissance du droit
et le jour où la personne s’est fait connaître, sans excéder cinq ans.
4. Le
[CVZ] est chargé de l’administration résultant des dispositions du
premier alinéa et des règlements internationaux qui y sont mentionnés,
ainsi que des décisions concernant le prélèvement et la perception de la
cotisation mentionnée au deuxième alinéa […]»
19 Les
articles 6.3.1, paragraphe 1, et 6.3.2, paragraphe 1, du règlement sur
l’assurance soins de santé (Regeling zorgverzekering) disposent,
respectivement, ce qui suit:
«La cotisation
due pour une personne visée à l’article 69, premier alinéa, de la [ZVW]
est calculée en multipliant la base de la cotisation par le chiffre
représentant le rapport entre les dépenses moyennes de soins pour une
personne à charge de l’assurance maladie dans le pays de résidence de
cette personne, et les dépenses moyennes de soins pour une personne à
charge de l’assurance maladie aux Pays‑Bas.
[…]
La
cotisation visée à l’article 6.3.1 pour une personne visée à l’article
69, premier alinéa, de la [ZVW] qui ouvre le droit à une pension ou
rente et pour les membres de sa famille est retenue par l’institution
qui octroie la pension ou la rente sur cette pension ou cette rente, et
transférée à la caisse d’assurance soins de santé.»
20 L’article
2.5.2, paragraphe 2, de la loi portant application et adaptation de la
loi sur l’assurance soins de santé (Invoerings- en aanpassingswet
Zorgverzekeringswet, ci-après l’«IZVW») prévoit:
«Un
accord portant sur l’assurance pour les soins médicaux ou leurs coûts,
conclu pour ou avec une personne résidant à l’étranger qui, par
application d’un règlement du Conseil des Communautés européennes ou par
application d’un règlement adopté en vertu de l’accord sur l’Espace
économique européen ou d’un traité en matière de sécurité sociale, a
droit aux soins ou au remboursement de ceux-ci, comme cela est prévu par
la législation sur l’assurance des soins dans son pays de résidence,
cesse ses effets à dater du 1er janvier 2006, dans la mesure
où il faisait naître des droits équivalant à ceux dont l’intéressé peut
se prévaloir à partir de ce moment par application d’un tel règlement ou
traité, si l’assuré a satisfait avant le 1er mai 2006 à l’obligation de se faire connaître auprès du [CVZ] conformément à l’article 69 de la [ZVW]».
Le litige au principal et les questions préjudicielles
21 Les
requérants au principal, tous ressortissants de nationalité
néerlandaise résidant dans un autre État membre que le Royaume des
Pays-Bas, en l’occurrence, selon le cas, en Belgique, en Espagne, en
France et à Malte, sont titulaires, soit d’une pension au titre de la
AOW, soit d’une rente au titre de la WAO.
22 Avant le 1er
janvier 2006, ces requérants, dont aucun n’était assuré au titre du
régime légal obligatoire d’assurance maladie institué par la ZFW,
avaient conclu à titre privé, en vue de se couvrir contre le risque de
maladie, des contrats d’assurance auprès de compagnies d’assurances
établies, selon le cas, aux Pays-Bas ou dans d’autres États membres.
23 À la suite de l’entrée en vigueur, le 1er
janvier 2006, de la ZVW, le CVZ a considéré que, puisque les requérants
au principal auraient relevé, s’ils avaient résidé aux Pays-Bas, du
régime légal obligatoire d’assurance maladie prévu par la ZVW, ils ont
dorénavant droit, conformément aux articles 28 et 28 bis du règlement
n° 1408/71, aux prestations en nature dans leur État de résidence à
la charge des institutions de l’État débiteur de la pension ou de la
rente, à savoir les Pays-Bas. Le CVZ a dès lors transmis à chacun de ces
requérants un formulaire E 121 afin qu’ils puissent s’inscrire auprès
d’une caisse de maladie dans leur État de résidence. MM. Ramaer, van der
Nat et Fokkens ont procédé à cette inscription, mais «sous réserve»
pour ce dernier. En revanche, MM. van Delft, van Willigen et Janssen ont
refusé de s’inscrire.
24 À la même date du 1er
janvier 2006, les requérants au principal qui avaient conclu à titre
privé un contrat d’assurance avec une compagnie établie aux Pays-Bas ont
vu ce contrat résilié de plein droit en vertu des dispositions de
l’IZVW. En revanche, ceux d’entre eux qui avaient conclu un tel contrat
avec une compagnie établie dans un autre État membre l’ont conservé.
25 Par
décisions prises, selon le cas, dans le courant de l’année 2006 ou en
2007, le CVZ a retenu sur les pensions et rentes servies aux requérants
au principal le montant de la cotisation prévue à l’article 69 de la ZVW
pour bénéficier du régime légal obligatoire d’assurance maladie
institué par cette loi.
26 Par
jugements des 31 janvier et 17 décembre 2008, le Rechtbank te Amsterdam
a rejeté les recours introduits par les requérants au principal en vue
de contester ces décisions.
27 Ces requérants ont saisi le Centrale Raad van Beroep d’un appel contre ces jugements.
28 Selon
la décision de renvoi, l’ensemble des requérants au principal
soutiennent, dans le cadre de cet appel, que les articles 28 et 28 bis
du règlement n° 1408/71 ne contiennent pas des règles
contraignantes visant à déterminer la législation applicable sur la base
de laquelle ils seraient d’office soumis au régime des prestations en
nature de l’État membre de résidence. Ces requérants estiment, en
revanche, qu’ils disposent du choix, soit de s’inscrire, au moyen du
formulaire E 121, auprès de l’institution compétente de l’État de
résidence, conformément à l’article 29 du règlement n° 574/72, afin
de bénéficier des prestations en nature dans cet État au titre des
articles 28 et 28 bis du règlement n° 1408/71, soit, à défaut
d’inscription auprès de ladite institution, de conclure un contrat
d’assurance privée. Dans ce dernier cas, l’État membre débiteur des
pensions et rentes ne pourrait retenir une cotisation aux termes de
l’article 33 dudit règlement puisque les prestations en nature ne
seraient alors pas à la charge d’une institution de cet État.
29 Par
ailleurs, toujours selon la décision de renvoi, tous les requérants au
principal font valoir une violation des droits qu’ils tirent des
articles 21 TFUE et 45 TFUE du fait qu’ils sont obligés de payer une
cotisation pour des prestations dans l’État de résidence dont ils ne
souhaitent pas bénéficier dès lors qu’elles sont, selon eux, moins
avantageuses. Ils souhaiteraient, en revanche, le maintien de la
situation antérieure au 1er janvier 2006 afin de pouvoir conclure eux-mêmes un contrat d’assurance à titre privé pour l’ensemble des frais de maladie.
30 Il
ressort de la décision de renvoi que le CVZ soutient, pour sa part, que
le droit aux prestations en nature au titre des articles 28 et 28 bis
du règlement n° 1408/71 ne dépend pas de l’inscription auprès de
l’institution compétente de l’État de résidence, de sorte que, même si
les intéressés ne se sont pas inscrits auprès de celle-ci et n’ont donc
pas fait valoir le droit aux prestations en nature résultant de ces
dispositions, l’État membre débiteur de la pension ou de la rente est
autorisé à opérer une retenue sur celle-ci. Dans le cas contraire, il
serait porté atteinte à la solidarité du régime de sécurité sociale dès
lors que tout intéressé pourrait se permettre d’attendre le moment où il
a besoin des soins pour s’inscrire et, partant, pour être redevable du
paiement des cotisations.
31 La
juridiction de renvoi relève que plusieurs éléments semblent indiquer
que le règlement n° 1408/71 exclut le droit d’option invoqué par
les requérants au principal. En effet, ledit règlement déterminerait de
façon contraignante l’État qui doit octroyer les prestations à
l’intéressé et l’État à charge duquel ces prestations sont dues. Par
ailleurs, lorsque le règlement n° 1408/71 prévoit un droit
d’option, il le ferait de manière expresse. En revanche, il pourrait
ressortir tant de l’article 29 du règlement n° 574/72 que de
l’arrêt du 3 juillet 2003, van der Duin et ANOZ Zorgverzekeringen
(C‑156/01, Rec. p. I‑7045, point 40), que l’inscription auprès de
l’institution de l’État de résidence est l’élément qui entraîne
l’application des articles 28 et 28 bis du règlement n° 1408/71.
Dans ces conditions, à défaut d’une telle inscription, les requérants au
principal ne seraient pas à la charge des institutions compétentes aux
Pays-Bas au sens de l’article 33 du règlement n° 1408/71 puisque
aucune prestation ne pourrait, dans un tel cas, leur être octroyée. Les
conditions d’application prévues par cette disposition pour le
prélèvement d’une cotisation ne seraient donc pas toutes remplies.
32 Par
ailleurs, selon la juridiction de renvoi, si le droit d’option invoqué
par les requérants était exclu par le règlement n° 1408/71, la
question se poserait de savoir si la cotisation retenue en application
de l’article 69 de la ZVW et de l’article 33 dudit règlement est
contraire aux articles 21 TFUE et/ou 45 TFUE.
33 À
cet égard, ladite juridiction relève que, si l’application d’un
coefficient de résidence a eu pour effet de réduire le montant dû par
les non-résidents par rapport à celui dû par les résidents et si le
droit de l’Union ne garantit pas à un travailleur que le transfert de
ses activités ou de sa résidence dans un autre État membre soit neutre
en matière de sécurité sociale, il demeure que, pour les requérants au
principal, déjà couverts à titre privé par un contrat d’assurance à la
date d’entrée en vigueur de la ZVW, celle-ci pourrait avoir pour effet
qu’il devient moins intéressant de continuer à se prévaloir de leur
droit de circuler et de séjourner librement en dehors des Pays-Bas. En
effet, d’une part, ils devraient exposer davantage de frais pour
l’assurance maladie et, d’autre part, ils bénéficieraient de soins moins
avantageux. Or, si le souhait du législateur néerlandais de prévoir une
assurance maladie obligatoire en faveur de tous les résidents aux
Pays-Bas peut être considéré comme un motif fondé sur des considérations
objectives d’intérêt général, la conformité au principe de
proportionnalité de l’obligation de payer à cet effet une cotisation
même en l’absence d’inscription dans l’État de résidence n’apparaîtrait
pas clairement.
34 Dans
ces conditions, le Centrale Raad van Beroep a décidé de surseoir à
statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Les
articles 28, 28 bis et 33 du règlement n° 1408/71, les
dispositions de l’annexe VI au règlement n° 1408/71, section R,
point 1, sous a) et b), et l’article 29 du règlement n° 574/72
doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une
disposition nationale telle que l’article 69 de la [ZVW], dans la mesure
où le titulaire d’une pension ou d’une rente, qui peut, en principe,
faire valoir le droit aux articles 28 et 28 bis du règlement
n° 1408/71, est tenu de se faire connaître auprès du [CVZ] et
qu’une cotisation doit être retenue sur la pension ou la rente de ce
titulaire, même s’il n’est pas inscrit au sens de l’article 29 du
règlement n° 574/72?
2) L’article
[21 TFUE] ou l’article [45 TFUE] doivent-ils être interprétés en ce
sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale telle que l’article
69 de la [ZVW] dans la mesure où un citoyen de l’[Union] qui peut, en
principe, faire valoir le droit aux articles 28 et 28 bis du règlement
n° 1408/71, est tenu de se faire connaître auprès du [CVZ] et
qu’une cotisation doit être retenue sur la pension ou la rente de ce
citoyen, même s’il n’est pas inscrit au sens de l’article 29 du
règlement n° 574/72?»
35 Sur
demande de la juridiction de renvoi, le président de la Cour a décidé
que cette affaire devait être jugée par priorité en vertu de l’article
55, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour.
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
36 Par
sa première question, la juridiction de renvoi demande si les articles
28, 28 bis et 33 du règlement n° 1408/71, lus en combinaison avec
l’article 29 du règlement n° 574/72, doivent être interprétés en ce
sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre, telle que
celle en cause au principal, qui prévoit que les titulaires d’une
pension ou d’une rente due au titre de la législation de cet État qui, à
l’instar des requérants au principal, résident dans un autre État
membre, doivent, pour y bénéficier des prestations de maladie en nature
auxquelles ils ont droit à charge du premier État membre, d’une part, se
faire connaître auprès de l’institution compétente de celui-ci et,
d’autre part, s’acquitter, sous forme de retenue sur ladite pension ou
rente, d’une cotisation au titre desdites prestations, même lorsqu’ils
ne se sont pas inscrits auprès de l’institution compétente de l’État
membre de leur résidence.
37 Il
ressort de la décision de renvoi que cette question est posée dans le
cadre d’un litige portant sur la légalité de cotisations réclamées aux
requérants au principal par les autorités néerlandaises au titre des
prestations de maladie en nature servies, en vertu des articles 28 et 28
bis du règlement n° 1408/71, dans l’État membre de leur résidence à
la charge du Royaume des Pays-Bas, à la suite de l’entrée en vigueur
dans cet État membre, le 1er janvier 2006, du nouveau régime
légal obligatoire d’assurance maladie institué par la ZVW, qui,
remplaçant celui prévu avant cette date par la ZFW pour les seuls
travailleurs salariés dont les revenus étaient inférieurs à certains
seuils, s’applique désormais à l’ensemble des personnes résidant ou
travaillant dans cet État membre.
38 À
cet égard, il convient d’emblée de rappeler que les articles 28 et 28
bis du règlement n° 1408/71 énoncent une «règle de conflit»
permettant de déterminer, pour les titulaires d’une pension ou d’une
rente résidant dans un État membre autre que l’État débiteur de ladite
pension ou rente, l’institution chargée du service des prestations qui y
sont visées, ainsi que la législation applicable (voir arrêts du 10
janvier 1980, Jordens-Vosters, 69/79, Rec. p. 75, point 12; du 10
mai 2001, Rundgren, C‑389/99, Rec. p. I‑3731, points 43 et 44,
ainsi que van der Duin et ANOZ Zorgverzekeringen, précité, point 39).
39 Conformément
à l’article 28 du règlement n° 1408/71, les titulaires d’une
pension ou d’une rente due au titre de la législation d’un État membre
qui résident dans un autre État membre, dans lequel ils n’ont pas droit
aux prestations de maladie en nature, bénéficient, pour le compte et à
la charge de l’État débiteur de ladite pension ou rente, de ces
prestations servies par l’institution compétente de l’État membre de
leur résidence, dans la mesure où ils auraient droit à celles-ci en
vertu de la législation de l’État débiteur de la pension ou rente s’ils
résidaient sur le territoire de celui-ci (voir arrêt van der Duin et
ANOZ Zorgverzekeringen, précité, points 40, 47 et 53).
40 L’article
28 bis du règlement n° 1408/71 prévoit une règle en substance
comparable lorsqu’un droit aux prestations de maladie en nature existe
dans l’État membre de résidence, ce dernier ne subordonnant pas ce droit
aux prestations à des conditions d’assurance ou d’emploi, et ce, afin
de ne pas pénaliser les États membres dont la législation ouvre un droit
aux prestations en nature sur le seul fondement de la résidence sur
leur territoire (voir arrêt Rundgren, précité, points 43 et 45).
41 Il
s’ensuit que, en l’occurrence, à la suite de l’entrée en vigueur de la
ZVW, les titulaires d’une pension ou rente due au titre de la
législation néerlandaise, tels les requérants au principal, résidant
dans un autre État membre que les Pays-Bas, qui, avant cette date, ne
relevaient pas des dispositions des articles 28 et 28 bis du règlement
n° 1408/71 – étant exclus, eu égard à leur niveau de revenus, et
quel que soit leur lieu de résidence, des prestations de maladie prévues
par le régime légal obligatoire d’assurance maladie – relèvent, à
compter du 1er janvier 2006, des dispositions desdits articles.
42 En
vertu de l’annexe VI, section R, point 1, sous a) et b), du règlement
n° 1408/71, de tels titulaires d’une pension ou rente, qui ont
droit, à charge du Royaume des Pays-Bas, aux prestations de maladie en
nature dans l’État membre de leur résidence en vertu des articles 28 et
28 bis de ce règlement, doivent se faire connaître à cette fin auprès du
CVZ. En outre, aux termes de l’article 29 du règlement n° 574/72,
ils doivent également s’inscrire, pour bénéficier de ces prestations,
auprès de l’institution compétente de l’État membre de leur résidence,
en présentant une attestation certifiant leur droit auxdites prestations
en vertu de la législation de l’État débiteur de la pension ou rente.
Cette attestation est constituée par le formulaire E 121.
43 Il
ressort des éléments du dossier présentés devant la Cour que, en
l’occurrence, l’obligation pour les titulaires d’une pension ou d’une
rente due au titre de la législation néerlandaise qui résident dans un
autre État membre que les Pays-Bas de se faire connaître, afin d’y
bénéficier des prestations de maladie en nature au titre des articles 28
et 28 bis du règlement n° 1408/71, auprès du CVZ, même si elle est
mentionnée dans le libellé de la première question préjudicielle, n’est
mise en cause dans le cadre du litige au principal que dans la mesure
où elle déclenche la rétention par ledit État sur leur pension ou rente
des cotisations dont la légalité est contestée.
44 Dans
ces conditions, il convient de considérer que, par sa première
question, la juridiction de renvoi vise en substance à savoir si des
titulaires d’une pension ou rente qui, tels que les requérants au
principal, résident dans un État membre autre que l’État débiteur de
leur pension ou rente peuvent, en s’abstenant de s’inscrire auprès de
l’institution compétente de l’État membre dans lequel ils résident,
choisir de se soustraire à l’application du règlement n° 1408/71,
et, partant, de renoncer au bénéfice des prestations servies dans ce
dernier État membre en vertu des articles 28 et 28 bis de ce règlement
et, ainsi, ne pas être tenus au paiement des cotisations dues à ce
titre, conformément à l’article 33 dudit règlement, dans l’État membre
débiteur de leur pension ou rente.
45 À
titre liminaire, MM. Janssen et Fokkens soutiennent cependant que,
contrairement à ce que suppose la juridiction de renvoi, leur situation
relève, non pas des articles 28 et 28 bis du règlement n° 1408/71,
mais de l’article 13, paragraphe 2, sous f), de ce règlement, en vertu
duquel, dès lors que la législation néerlandaise ne leur est plus
applicable du fait de la cessation de leurs activités professionnelles
aux Pays-Bas, ils relèvent exclusivement de la législation de l’État
membre de leur résidence, sans qu’ils disposent de la moindre
possibilité de choix. Le Royaume des Pays-Bas ne serait donc pas
compétent pour prélever une cotisation au titre de telles prestations.
46 À
cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 13, paragraphe
2, sous f), du règlement n° 1408/71, la personne à laquelle la
législation d’un État membre cesse d’être applicable, sans que la
législation d’un autre État membre lui devienne applicable en vertu des
dispositions des articles 13, paragraphe 2, sous a) à d), ou 14 à 17 de
ce même règlement, est soumise à la législation de l’État membre sur le
territoire duquel elle réside. Selon une jurisprudence constante, ledit
article 13, paragraphe 2, sous f), est applicable, notamment, aux
personnes ayant définitivement cessé toute activité (arrêts du 11 juin
1998, Kuusijärvi, C‑275/96, Rec. p. I‑3419, points 39 et 40, ainsi que
du 11 novembre 2004, Adanez-Vega, C‑372/02, Rec. p. I‑10761, point
24).
47 Toutefois,
cette disposition de caractère général qui figure sous le titre II du
règlement n° 1408/71, intitulé «Détermination de la législation
applicable», ne trouve à s’appliquer que dans la mesure où les
dispositions particulières aux différentes catégories de prestations qui
forment le titre III du même règlement n’y apportent pas de dérogation
(voir arrêt du 27 mai 1982, Aubin, 227/81, Rec. p. 1991, point 11).
48 Or,
précisément, les articles 28 et 28 bis de ce règlement, qui figurent
sous le titre III, chapitre 1, de celui-ci, intitulé «Maladie et
maternité», dérogent à ces règles générales en ce qui concerne le
service des prestations de maladie en nature aux titulaires d’une
pension ou d’une rente qui résident dans un État membre autre que l’État
débiteur de ladite pension ou rente.
49 C’est
dès lors à juste titre que, dans une affaire telle que celle au
principal, la juridiction de renvoi a écarté l’application de l’article
13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71, au profit des
articles 28 et 28 bis de ce règlement.
50 À
cet égard, la juridiction de renvoi s’interroge en substance, d’une
part, sur le caractère impératif du régime institué par lesdits articles
28 et 28 bis pour les titulaires de pension ou de rente relevant du
champ d’application de ces dispositions et, d’autre part, sur
l’obligation pour ceux-ci de s’acquitter du paiement de cotisations au
titre des prestations prévues par ces dispositions.
51 En
ce qui concerne, en premier lieu, la possibilité pour des titulaires
d’une pension ou d’une rente qui résident dans un autre État membre que
l’État débiteur de celle-ci de renoncer à l’application du régime prévu
aux articles 28 et 28 bis du règlement n° 1408/71, il convient de
relever que, selon une jurisprudence constante, les dispositions du
règlement n° 1408/71 déterminant la législation applicable forment
un système de règles de conflit dont le caractère complet a pour effet
de soustraire aux législateurs nationaux le pouvoir de déterminer
l’étendue et les conditions d’application de leur législation nationale
en la matière, quant aux personnes qui y sont soumises et quant au
territoire à l’intérieur duquel les dispositions nationales produisent
leurs effets (voir, notamment, arrêt Adanez-Vega, précité, point 18 et
jurisprudence citée).
52 Or,
les règles de conflit prévues par le règlement n° 1408/71
s’imposant ainsi de manière impérative aux États membres, il ne saurait à
plus forte raison être admis que les assurés sociaux relevant du champ
d’application de ces règles puissent en contrecarrer les effets en
disposant du choix de s’y soustraire. En effet, l’application du système
de conflit de loi instauré par le règlement n° 1408/71 ne dépend
que de la situation objective dans laquelle se trouve le travailleur
intéressé (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1967, Couture, 11/67,
Rec. p. 487, 500; du 13 décembre 1967, Guissart, 12/67, Rec.
p. 551, 562, et du 29 juin 1994, Aldewereld, C‑60/93, Rec.
p. I‑2991, points 16 à 20).
53 Dans
ce contexte, la Cour a déjà jugé, s’agissant de travailleurs migrants,
que ni le traité FUE, notamment son article 45, ni le règlement
n° 1408/71 n’offrent à ces travailleurs le choix de renoncer par
avance au bénéfice du mécanisme mis en place, notamment par l’article
28, paragraphe 1, dudit règlement (arrêt du 5 mars 1998, Molenaar,
C‑160/96, Rec. p. I‑843, point 42).
54 Au
demeurant, lorsque le règlement n° 1408/71 ouvre un droit d’option
aux assurés sociaux relevant de son champ d’application quant à la
législation applicable, il le prévoit explicitement (arrêt Aubin,
précité, point 19).
55 Certes,
tel est le cas, notamment, ainsi que l’ont souligné MM. van Delft et
van Willigen, de l’article 17 bis du règlement n° 1408/71, qui
permet aux titulaires de pension ou de rente due au titre de la
législation d’un ou de plusieurs États membres qui résident dans un
autre État membre de demander à être exemptés de l’application de la
législation de ce dernier État membre à condition qu’ils ne soient pas
soumis à celle-ci en raison de l’exercice d’une activité
professionnelle.
56 Toutefois,
il est constant que cette disposition, qui figure sous le titre II du
règlement n° 1408/71, n’est pas applicable dans une affaire telle
que celle au principal, dès lors que, comme l’ont reconnu MM. van Delft
et van Willigen, les articles 28 et 28 bis dudit règlement contiennent,
s’agissant des prestations de maladie dues à ces titulaires de pension
ou rente, des règles particulières dérogatoires.
57 En
revanche, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 47 de ses
conclusions, les articles 28 et 28 bis du règlement n° 1408/71
n’offrent, aux termes de leur libellé, aucun droit d’option aux
titulaires de pensions et de rentes qui relèvent de ces dispositions. En
effet, l’article 28 de ce règlement prévoit de façon impérieuse que,
lorsque le titulaire d’une pension ou d’une rente due au titre de la
législation d’un État membre réside dans un autre État membre dans
lequel il n’a pas droit aux prestations, il «bénéficie» néanmoins des
prestations en nature servies par l’institution compétente de cet État
membre, dans la mesure où il y aurait droit s’il résidait dans l’État
membre débiteur de sa pension ou rente. De même, lorsque l’État membre
de résidence prévoit un droit aux prestations en nature, l’article 28
bis de ce règlement impose à l’État membre débiteur de la pension ou de
la rente, sans offrir aucune alternative, de prendre en charge ces
prestations, dans la mesure également où le titulaire de ladite pension
ou rente y aurait droit s’il résidait dans l’État membre débiteur de
celle-ci.
58 Les
requérants au principal allèguent toutefois que, selon les termes de
l’article 29 du règlement n° 574/72, «pour bénéficier» des
prestations en nature en vertu des articles 28 et 28 bis du règlement
n° 1408/71 dans l’État membre de leur résidence, le titulaire d’une
pension ou d’une rente doit se faire inscrire auprès de l’institution
compétente de cet État en présentant une attestation, sous la forme du
formulaire E 121, certifiant qu’il a droit à ces prestations en vertu de
la législation au titre de laquelle ladite pension ou rente est due.
59 Ces
mêmes requérants soutiennent à cet égard que, aux points 40, 47 et 53
de l’arrêt van der Duin et ANOZ Zorgverzekeringen, précité, la Cour a
jugé que ce n’est que «une fois que» le titulaire d’une pension ou d’une
rente a souscrit au régime qu’instaure l’article 28 du règlement
n° 1408/71 en s’inscrivant auprès de l’institution de l’État membre
de résidence que ledit titulaire bénéficie d’un droit aux prestations
en nature dans ce dernier État. Il en résulterait que l’absence
d’inscription auprès de l’institution compétente de l’État membre de
résidence permettrait au titulaire d’une pension ou d’une rente due au
titre de la législation d’un autre État membre de renoncer au droit aux
prestations en nature dans l’État membre de résidence.
60 Cette argumentation ne saurait cependant être retenue.
61 En
effet, en délivrant le formulaire E 121, l’institution compétente d’un
État membre se borne à déclarer que l’assuré social concerné aurait
droit aux prestations en nature en vertu de la législation de cet État
s’il y résidait (voir, par analogie, arrêts du 10 février 2000, FTS,
C‑202/97, Rec. p. I‑883, point 50, ainsi que du 30 mars 2000, Banks
e.a., C‑178/97, Rec. p. I-2005, point 53).
62 Un
tel formulaire étant purement déclaratif, sa présentation à
l’institution compétente d’un État membre en vue d’une inscription de
l’assuré social concerné dans ce dernier ne saurait donc constituer une
condition de la naissance de droits aux prestations dans cet État
membre.
63 Il
en résulte que l’inscription auprès de l’institution compétente de
l’État membre de résidence prévue à l’article 29 du règlement
n° 574/72 constitue uniquement une formalité administrative dont
l’accomplissement est nécessaire pour assurer le service effectif des
prestations en nature dans cet État membre en vertu des articles 28 et
28 bis du règlement n° 1408/71. C’est en ce sens que doivent être
compris les points 40, 47 et 53 de l’arrêt van der Duin et ANOZ
Zorgverzekeringen, précité, dans lesquels la Cour a constaté que ce
n’est qu’une fois que les titulaires de pension ou de rente sont
inscrits auprès de ladite institution qu’ils bénéficient, conformément
aux articles 28 du règlement n° 1408/71 et 29 du règlement
n° 574/72, des prestations en nature de la part de cette même
institution.
64 Par
conséquent, dès lors que le titulaire d’une pension ou d’une rente due
au titre de la législation d’un État membre relève de la situation
objective décrite aux articles 28 et 28 bis du règlement
n° 1408/71, la règle de conflit énoncée à ces dispositions lui est
applicable sans qu’il puisse y renoncer en s’abstenant de s’inscrire
conformément à l’article 29 du règlement n° 574/72 auprès de
l’institution compétente de l’État membre de sa résidence.
65 Partant,
les articles 28 et 28 bis du règlement n° 1408/71 revêtent un
caractère impératif pour les assurés sociaux relevant de leur champ
d’application.
66 En
second lieu, en qui concerne l’obligation de paiement de cotisations
dans l’État membre débiteur de la pension ou de la rente, MM. Janssen et
Fokkens font valoir que l’application des articles 28 et 28 bis du
règlement n° 1408/71 ne saurait, en tout état de cause, justifier
qu’ils soient tenus de contribuer au régime légal obligatoire de
l’assurance maladie institué par la ZVW, puisque, en l’absence de
résidence ou de travail aux Pays-Bas, ils n’ont pas droit, dans le cadre
de cette nouvelle législation, aux prestations de maladie en nature
dans cet État membre. En effet, contrairement à la ZFW, la ZVW exclurait
explicitement les non-résidents de son champ d’application.
67 Cette
argumentation ignore toutefois que, ainsi qu’il ressort des points 37 à
41 du présent arrêt, les articles 28 et 28 bis du règlement
n° 1408/71 énoncent une «règle de conflit» en vertu de laquelle les
titulaires d’une pension ou d’une rente qui résident dans un autre État
membre que l’État débiteur de celle-ci ont droit, à charge de ce
dernier, aux prestations de maladie en nature dans l’État membre de leur
résidence, dans la mesure où ils y auraient droit en vertu de la
législation de l’État débiteur de la pension ou rente s’ils résidaient
sur le territoire de ce dernier.
68 Par
conséquent, s’il est certes exact, ce qui n’est pas contesté, que la
ZVW ne s’applique pas aux titulaires d’une pension ou d’une rente due au
titre de la législation néerlandaise qui, tels les requérants au
principal, résident dans un État membre autre que les Pays-Bas, il
demeure que, dès lors que lesdits requérants auraient droit aux
prestations de maladie en nature aux Pays-Bas en vertu de la ZVW s’ils
résidaient dans cet État membre, ils ont le droit, en vertu du régime
institué aux articles 28 et 28 bis du règlement n° 1408/71, de
bénéficier, à charge de ce même État, de ces prestations dans l’État
membre de leur résidence.
69 À
cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 33, paragraphe
1, du règlement n° 1408/71, l’institution d’un État membre
débitrice d’une pension ou d’une rente qui applique une législation
prévoyant des retenues de cotisations à la charge du titulaire de cette
pension ou rente pour la couverture de prestations de maladie est en
droit d’opérer ces retenues sur la pension ou rente due par elle dans la
mesure où les prestations servies en vertu des articles 28 et 28 bis
dudit règlement sont à la charge d’une institution dudit État membre.
70 En
l’occurrence, il est constant que la législation néerlandaise au titre
de laquelle la pension ou rente des requérants au principal est due
prévoit de telles retenues de cotisations.
71 Or,
dans le cadre du régime institué aux articles 28 et 28 bis du règlement
n° 1408/71, les prestations en nature sont servies au titulaire
d’une pension ou d’une rente par l’institution compétente de l’État
membre de résidence à la charge de l’État membre débiteur de la pension
ou de la rente.
72 Dans
ces conditions, dès lors que, ainsi qu’il résulte de ce qui précède,
les titulaires d’une pension ou d’une rente relevant des articles 28 et
28 bis du règlement n° 1408/71, eu égard au caractère impératif du
régime institué par ces dispositions, ne peuvent choisir de renoncer au
droit aux prestations en nature dans l’État membre de leur résidence en
s’abstenant de s’inscrire auprès de l’institution compétente de cet État
membre, un tel défaut d’inscription ne saurait avoir pour effet de les
exonérer du paiement des cotisations dans l’État membre débiteur de leur
pension ou rente, puisqu’ils demeurent, en tout état de cause, à charge
de ce dernier État, ne pouvant se soustraire au régime prévu par ledit
règlement.
73 Certes,
à défaut d’inscription auprès de l’institution compétente de l’État
membre de résidence, un tel assuré social ne peut bénéficier du service
effectif desdites prestations dans cet État et, partant, il n’engendre
aucune dépense que l’État membre débiteur de sa pension ou de sa rente
devrait rembourser à l’État membre de sa résidence au titre de l’article
36 du règlement n° 1408/71, lu en combinaison avec l’article 95 du
règlement n° 574/72.
74 Toutefois,
une telle circonstance n’affecte en rien l’existence du droit à ces
prestations et, partant, l’obligation corrélative de payer aux
institutions compétentes de l’État membre dont la réglementation fonde
l’existence d’un tel droit les cotisations dues en contrepartie du
risque supporté par celui-ci en vertu des dispositions du règlement
n° 1408/71. En effet, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, aucune règle
du droit de l’Union n’impose à l’institution compétente d’un État
membre de vérifier qu’un assuré social est susceptible de pouvoir
bénéficier effectivement de l’intégralité des prestations d’un régime
d’assurance maladie avant de procéder à son affiliation et au
prélèvement des cotisations correspondantes (arrêt Molenaar, précité,
point 41).
75 Ainsi
que le gouvernement néerlandais et la Commission européenne l’ont fait
valoir, une telle obligation de paiement des cotisations en raison de
l’existence d’un droit aux prestations, même en l’absence de bénéfice
effectif desdites prestations, est inhérente au principe de solidarité
mis en œuvre par les régimes nationaux de sécurité sociale dès lors que,
en l’absence d’une telle obligation, les intéressés pourraient être
incités à attendre la réalisation du risque avant de contribuer au
financement de ce régime.
76 La
circonstance alléguée par MM. van Delft et van Willigen, selon
laquelle, compte tenu de leur âge, ces derniers, qui étaient et
demeurent assurés contre le risque de maladie dans le cadre de contrats
d’assurance privée, n’ont aucun intérêt à adopter ce genre de
comportements spéculatifs est, à cet égard, sans pertinence, dès lors
qu’il est constant que le risque de tels comportements ne peut être
exclu en ce qui concerne au moins une partie des assurés sociaux
relevant du régime de sécurité sociale en cause. Sous peine d’être
privée de l’essentiel de son contenu, la solidarité d’un tel régime doit
en effet être assurée de manière contraignante par l’ensemble des
assurés sociaux qui en relèvent indépendamment du comportement
individuel que chacun d’eux est susceptible d’adopter en fonction de
paramètres personnels.
77 Par
ailleurs, c’est à tort que MM. van Delft et van Willigen font valoir
que l’État membre débiteur de la pension ou de la rente ne peut tirer
argument de la solidarité du régime en cause dès lors qu’il ne supporte
pas le risque du service des prestations de maladie en nature dans
l’État membre de résidence.
78 En
effet, même si, en vertu de l’article 95 du règlement n° 574/72,
le montant des prestations servies en vertu des articles 28 et 28 bis du
règlement n° 1408/71 est en principe remboursé à l’institution de
l’État membre de résidence par l’institution compétente de l’État membre
débiteur de la pension ou de la rente au moyen d’un forfait, il demeure
que celui-ci est destiné à couvrir l’ensemble des prestations en nature
servies aux intéressés et que son montant est fonction du coût moyen
annuel des soins de santé générés par un titulaire de pension ou de
rente relevant de l’État membre de résidence, forfait qui, aux termes de
ladite disposition, est «aussi proche que possible» des dépenses
réelles (voir, en ce sens, arrêt van der Duin et ANOZ Zorgverzekeringen,
précité, point 44).
79 Il
en résulte que l’État membre débiteur de la pension ou rente versée à
un titulaire qui réside dans un autre État membre supporte l’essentiel
du risque lié au service des prestations de maladie en nature dans
l’État membre dans lequel réside ce dernier.
80 Eu
égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question
que les articles 28, 28 bis et 33 du règlement n° 1408/71, lus en
combinaison avec l’article 29 du règlement n° 574/72, doivent être
interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation
d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que
les titulaires d’une pension ou d’une rente due au titre de la
législation de cet État qui résident dans un autre État membre dans
lequel ils ont droit, en application desdits articles 28 et 28 bis, aux
prestations de maladie en nature servies par l’institution compétente de
cet État membre, doivent s’acquitter, sous forme de retenue sur ladite
pension ou rente, d’une cotisation au titre desdites prestations, même
lorsqu’ils ne se sont pas inscrits auprès de l’institution compétente de
l’État membre de leur résidence.
Sur la seconde question
81 Par
sa seconde question, la juridiction de renvoi demande si les articles
21 TFUE et 45 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent
à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au
principal, qui prévoit que les titulaires d’une pension ou d’une rente
due au titre de la législation de cet État qui résident dans un autre
État membre dans lequel ils ont droit, en vertu des articles 28 et 28
bis du règlement n° 1408/71, aux prestations de maladie en nature
servies par l’institution compétente de ce dernier État membre, doivent,
d’une part, se faire connaître auprès de l’institution compétente de
l’État membre débiteur de cette pension ou rente et, d’autre part,
s’acquitter, sous forme de retenue sur ladite pension ou rente, d’une
cotisation au titre desdites prestations, même lorsqu’ils ne sont pas
inscrits auprès de l’institution compétente de l’État membre de leur
résidence.
82 Ainsi
qu’il ressort déjà du point 43 du présent arrêt, l’obligation pour
lesdits titulaires d’une pension ou rente de se faire connaître auprès
du CVZ, afin de bénéficier des prestations de maladie en nature au titre
des articles 28 et 28 bis du règlement n° 1408/71, n’est pas, en
tant que telle, mise en cause dans le cadre du litige au principal.
83 Dans
ces conditions, il convient de comprendre la seconde question comme
visant en substance à savoir si les articles 21 TFUE et 45 TFUE
s’opposent à une réglementation nationale telle que celle en cause au
principal qui, conformément aux articles 28, 28 bis et 33 du règlement
n° 1408/71, prévoit que les titulaires d’une pension ou d’une rente
qui résident dans un État membre autre que l’État débiteur de celle-ci
sont tenus au paiement de cotisations dans ce dernier État pour le
service des prestations de maladie en nature dans l’État membre de leur
résidence, même lorsqu’ils ne sont pas inscrits auprès de l’institution
compétente de celui-ci.
84 Il
convient de rappeler qu’il ressort tant de la jurisprudence de la Cour
que de l’article 168, paragraphe 7, TFUE que le droit de l’Union ne
porte pas atteinte à la compétence des États membres pour aménager leurs
systèmes de sécurité sociale et pour prendre, en particulier, des
dispositions destinées à organiser et à fournir des services de santé et
de soins médicaux. En l’absence d’une harmonisation au niveau de
l’Union européenne, il appartient à la législation de chaque État membre
de déterminer les conditions d’octroi des prestations en matière de
sécurité sociale. Toutefois, dans l’exercice de cette compétence, les
États membres doivent respecter le droit de l’Union, notamment les
dispositions du traité relatives à la libre circulation des travailleurs
ou encore à la liberté reconnue à tout citoyen de l’Union de circuler
et de séjourner sur le territoire des États membres (voir en ce sens,
notamment, arrêts du 16 juillet 2009, von Chamier-Glisczinski, C‑208/07,
Rec. p. I‑6095, point 63 et jurisprudence citée, ainsi que du
15 juin 2010, Commission/Espagne, C‑211/08, non encore publié au
Recueil, point 53).
85 Cela
étant, l’interprétation du règlement n° 1408/71 donnée par la Cour
en réponse à la première question doit s’entendre sans préjudice de la
solution qui découlerait de l’applicabilité éventuelle de dispositions
du droit primaire. En effet, le constat qu’une mesure nationale puisse
être conforme à un acte de droit dérivé, en l’occurrence le règlement
n° 1408/71, n’a pas pour effet de la faire échapper aux
dispositions du traité (voir, notamment, arrêts du 16 mai 2006, Watts,
C‑372/04, Rec. p. I‑4325, point 47; von Chamier-Glisczinski,
précité, point 66, et Commission/Espagne, précité, point 45).
86 Il
s’ensuit que l’applicabilité des articles 28, 28 bis et 33 du règlement
n° 1408/71 à une situation telle que celle en cause au principal
n’exclut pas en soi que les requérants au principal puissent s’opposer,
au titre du droit primaire, aux retenues de cotisations opérées par
l’institution compétente de l’État membre débiteur de leur pension ou de
leur rente pour le service des prestations de maladie en nature par
l’institution compétente de l’État membre de leur résidence (voir, par
analogie, arrêt von Chamier-Glisczinski, précité, point 66).
87 En
l’occurrence, il convient d’examiner au préalable si une situation
telle que celle en cause au principal relève du champ d’application des
dispositions citées dans la seconde question posée, à savoir les
articles 21 TFUE et 45 TFUE.
88 S’agissant,
tout d’abord, de l’applicabilité de l’article 45 TFUE, il convient de
rappeler d’emblée que la notion de «travailleur» en droit de l’Union
n’est pas univoque, mais varie selon le domaine d’application envisagé.
Ainsi, la notion de «travailleur» utilisée dans le cadre de l’article 45
TFUE ne coïncide pas nécessairement avec celle qui a cours dans le
domaine de l’article 48 TFUE et du règlement n° 1408/71 (voir arrêt
von Chamier-Glisczinski, précité, point 68 et jurisprudence citée).
89 En
ce qui concerne l’article 45 TFUE, il est de jurisprudence constante
que la notion de «travailleur» au sens de cette disposition revêt une
portée autonome propre au droit de l’Union et ne doit pas être
interprétée de manière restrictive. Doit être considérée comme
travailleur toute personne qui exerce des activités réelles et
effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se
présentent comme purement marginales et accessoires. La caractéristique
de la relation de travail est, selon cette jurisprudence, la
circonstance qu’une personne accomplit pendant un certain temps, en
faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en
contrepartie desquelles elle perçoit une rémunération (voir arrêt von
Chamier-Glisczinski, précité, point 69 et jurisprudence citée).
90 Par
ailleurs, si l’article 45, paragraphe 3, sous d), TFUE, ainsi que
l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2004/38/CE du Parlement
européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens
de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner
librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement
(CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE,
72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et
93/96/CEE (JO L 158, p. 77), prévoient le droit pour une personne de
demeurer après la cessation de son activité professionnelle dans l’État
membre où elle s’était déplacée afin d’y occuper un emploi, il ressort
de la jurisprudence qu’une personne ayant exercé l’ensemble de son
activité professionnelle dans l’État membre dont elle est ressortissante
et n’ayant fait usage du droit de séjourner dans un autre État membre
qu’après avoir pris sa retraite, sans aucune intention d’exercer dans
cet autre État une activité salariée, ne peut se prévaloir du principe
de la libre circulation des travailleurs (arrêts du 9 novembre 2006,
Turpeinen, C‑520/04, Rec. p. I‑10685, point 16, et du 23 avril
2009, Rüffler, C‑544/07, Rec. p. I‑3389, point 52).
91 En
l’occurrence, les éléments figurant dans le dossier soumis à la Cour
tendent à indiquer que les requérants au principal, qui ont tous atteint
l’âge de la retraite, sont des ressortissants néerlandais titulaires
d’une pension ou d’une rente, respectivement, au titre de la AOW et de
la WAO, qui, ayant exercé l’ensemble de leur carrière professionnelle
aux Pays-Bas, ont par la suite établi leur résidence dans un autre État
membre dans lequel ils n’exercent aucune activité professionnelle et
n’ont jamais été à la recherche d’un emploi.
92 MM.
van Delft et van Willigen font certes valoir que leur situation
pourrait relever de l’article 45 TFUE. Ils ne fournissent cependant à
l’appui de cette allégation aucun élément concret susceptible de
remettre en cause les considérations qui précèdent. Bien au contraire,
ces requérants indiquent explicitement avoir émigré dans un autre État
membre après avoir pris leur retraite.
93 Dans
ces conditions, il convient de considérer, à l’instar de la Commission,
ainsi que des gouvernements français et finlandais, que l’article 45
TFUE n’apparaît pas pouvoir trouver application dans un litige tel que
celui au principal.
94 Il
convient, en revanche, de souligner que les requérants au principal, en
tant que ressortissants néerlandais, jouissent, en tout état de cause,
du statut de citoyen de l’Union en vertu de l’article 20, paragraphe 1,
TFUE.
95 En
se rendant dans un autre État membre et en y établissant leur
résidence, ils ont exercé les droits qui leur étaient conférés par
l’article 21, paragraphe 1, TFUE. Une situation telle que la leur relève
donc du droit de libre circulation et de libre séjour des citoyens de
l’Union sur le territoire d’un État membre autre que celui dont ils sont
ressortissants.
96 Aux
termes de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, tout citoyen de l’Union a
le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des
États membres, sous réserve des limitations et des conditions prévues
par le traité et par les dispositions prises pour son application.
97 À
cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que les facilités
ouvertes par le traité en matière de circulation des citoyens de l’Union
ne pourraient produire leurs pleins effets si un ressortissant d’un
État membre pouvait être dissuadé d’en faire usage par les obstacles mis
à son séjour dans un autre État membre en raison d’une réglementation
de son État membre d’origine le pénalisant du seul fait qu’il les a
exercées (voir arrêt von Chamier-Glisczinski, précité, point 82 et
jurisprudence citée).
98 En
l’occurrence, les requérants au principal soutiennent que, en raison du
transfert de leur résidence dans un État membre autre que les Pays-Bas,
ils se trouvent, en ce qui concerne la fourniture des prestations de
maladie en nature, dans une situation moins favorable par rapport à
celle qui aurait été la leur s’ils avaient résidé aux Pays-Bas. En
effet, du fait de l’entrée en vigueur de la ZVW en date du 1er
janvier 2006, ils auraient subi, contrairement aux résidents
néerlandais, une régression significative du niveau de protection dont
ils bénéficiaient contre le risque de maladie, dès lors que, tant en
termes de coûts que de qualité, les prestations fournies dans le cadre
de la législation de l’État membre de résidence sont moins avantageuses
que celles offertes dans le cadre des contrats d’assurance privée. En
revanche, les prestations offertes aux résidents néerlandais dans le
cadre de la ZVW seraient, quant à elles, comparables à ces dernières.
99 À
cet égard, il convient de rappeler que l’article 48 TFUE prévoyant une
coordination des législations des États membres, et non leur
harmonisation, les différences de fond et de procédure entre les régimes
de sécurité sociale de chaque État membre et, partant, dans les droits
des personnes y affiliées, ne sont pas touchées par cette disposition,
chaque État membre restant compétent pour déterminer dans sa
législation, dans le respect du droit de l’Union, les conditions
d’octroi des prestations d’un régime de sécurité sociale (voir, en ce
sens, arrêt von Chamier-Glisczinski, précité, point 84).
100 Dans
ces conditions, l’article 21, paragraphe 1, TFUE ne saurait garantir à
un assuré qu’un déplacement dans un autre État membre soit neutre en
matière de sécurité sociale, notamment sur le plan de prestations de
maladie. Compte tenu des disparités existant entre les régimes et les
législations des États membres en la matière, un tel déplacement peut,
selon les cas, être plus ou moins avantageux ou désavantageux pour la
personne concernée sur le plan de la protection sociale (voir arrêt von
Chamier-Glisczinski, précité, point 85).
101 Il
en découle que, même dans le cas où son application est ainsi moins
favorable, une législation nationale en matière de sécurité sociale
demeure conforme aux dispositions de l’article 21 TFUE, pour autant
qu’elle ne conduit pas purement et simplement à verser des cotisations
sociales à fonds perdus (voir, par analogie, arrêts du 19 mars 2002,
Hervein e.a., C‑393/99 et C‑394/99, Rec. p. I‑2829, point 51; du 9
mars 2006, Piatkowski, C‑493/04, Rec. p. I‑2369, point 34, ainsi
que du 18 juillet 2006, Nikula, C‑50/05, Rec. p. I‑7029, point 30).
102 Or,
en l’occurrence, ainsi qu’il ressort du point 41 du présent arrêt, si
les titulaires d’une pension ou d’une rente due au titre de la
législation néerlandaise résidant dans un autre État membre que les
Pays-Bas relèvent, depuis le 1er janvier 2006, des
prestations de maladie en nature prévues par la législation de l’État
membre de leur résidence, alors qu’auparavant ils ne relevaient d’aucun
régime légal obligatoire d’assurance maladie et pouvaient donc
uniquement être couverts contre le risque de maladie dans le cadre de
contrats d’assurance privée, c’est en raison de la décision du
législateur néerlandais, dans l’exercice de ses compétences en matière
d’aménagement des régimes de sécurité sociale, d’étendre le régime légal
obligatoire d’assurance maladie, notamment, à l’ensemble des résidents
aux Pays-Bas, laquelle a eu pour conséquence, compte tenu des règles de
conflit prévues aux articles 28 et 28 bis du règlement n° 1408/71,
d’inclure lesdits titulaires de pension et de rente parmi les
bénéficiaires des prestations de maladie servies dans l’État membre de
leur résidence.
103 Force
est de constater que, comme le gouvernement néerlandais l’a fait
valoir, la réglementation nationale en cause au principal, en ce qu’elle
prévoit, conformément aux dispositions du règlement n° 1408/71,
que les titulaires de pension ou de rente non-résidents ont droit aux
prestations de maladie en nature dans le cadre de la législation de
l’État membre de leur résidence, est davantage de nature à faciliter la
libre circulation des citoyens de l’Union qu’à la restreindre, dès lors
qu’une telle réglementation permet à ces derniers d’accéder dans l’État
membre de résidence aux soins correspondant à leur état de santé dans
des conditions d’égalité par rapport aux personnes affiliées au système
de sécurité sociale de cet État membre.
104 Cela
est d’autant plus le cas dans l’affaire au principal qu’il est constant
que, à la suite de procédures judiciaires en référé introduites par les
requérants au principal devant les juridictions nationales, le montant
des cotisations à acquitter par les titulaires de pension ou de rente
due au titre de la législation néerlandaise qui résident dans un autre
État membre que les Pays-Bas, étant affecté d’un coefficient reflétant
le coût de la vie dans l’État membre de résidence, est désormais
inférieur à celui acquitté par les titulaires des mêmes pensions ou
rentes qui résident aux Pays-Bas.
105 Certes,
il ne saurait être exclu que, comme le font valoir les requérants au
principal, les prestations de maladie en nature servies, conformément au
règlement n° 1408/71, dans l’État membre de résidence soient, en
termes de coût et de qualité, moins avantageuses que celles offertes aux
résidents néerlandais dans le cadre de la ZVW.
106 Toutefois,
une telle différence dans le niveau de protection contre le risque de
maladie entre les régimes nationaux de sécurité sociale des États
membres, dès lors qu’elle résulte de l’absence d’harmonisation du droit
de l’Union en la matière, ne saurait être considérée, conformément à la
jurisprudence citée aux points 99 et 100 du présent arrêt, comme une
restriction relevant de l’article 21, paragraphe 1, TFUE. Il est sans
pertinence à cet égard, contrairement à ce qu’ont soutenu MM. van Delft
et van Willigen, que ceux-ci aient transféré leur résidence dans un
autre État membre avant, et non après, l’entrée en vigueur de la ZVW.
107 Par
ailleurs, la réglementation nationale en cause au principal n’impose
pas aux titulaires de pension ou de rente résidant dans un autre État
membre que les Pays-Bas de cotiser à un régime de sécurité sociale sans
offrir de protection sociale correspondante.
108 En
effet, même si, à défaut d’inscription dans l’État membre de leur
résidence, aucune prestation de maladie en nature ne peut y être servie
aux titulaires d’une pension ou d’une rente due au titre de la
législation néerlandaise, il demeure que le paiement de cotisations aux
Pays-Bas donne droit, au bénéfice de ces assurés sociaux, au service de
prestations correspondantes dans l’État membre de leur résidence à la
charge des Pays-Bas.
109 Cela
étant, il convient de relever que, en l’occurrence, la réglementation
en cause au principal ne s’est pas limitée à étendre le régime légal
obligatoire d’assurance maladie, notamment, à l’ensemble des résidents
aux Pays-Bas et à prévoir, conformément au règlement n° 1408/71,
que les titulaires d’une pension ou d’une rente due au titre de la
législation néerlandaise résidant dans un autre État membre que les
Pays-Bas bénéficient, moyennant le paiement d’une cotisation dans ce
dernier État membre, des prestations de maladie en nature dans l’État
membre de leur résidence. Parallèlement, cette même réglementation a en
effet prévu, en outre, la résiliation de plein droit, à compter du 1er
janvier 2006, des contrats d’assurance conclus avant cette date par de
tels non-résidents avec une compagnie établie aux Pays-Bas, dans la
mesure où ces contrats faisaient naître des droits équivalant à ceux
découlant de l’application du règlement n° 1408/71.
110 MM.
van Delft, van Willigen et Fokkens soutiennent que cette résiliation de
plein droit, prévue à l’article 2.5.2 de l’IZVW, a affecté de manière
substantielle les droits acquis par les non-résidents titulaires d’une
pension ou d’une rente au titre de la législation néerlandaise dans le
cadre des contrats d’assurance conclus sous l’empire du régime légal
antérieur avec des compagnies d’assurances établies aux Pays-Bas. En
effet, du fait de cette résiliation légale, ces non-résidents auraient
été contraints, afin d’assurer la continuité du niveau de protection
globale qui découlait de ces contrats, de souscrire, après le 1er
janvier 2006, de nouveaux contrats d’assurance en vue de compléter les
prestations de base servies dans l’État membre de résidence. Compte tenu
de leur âge, ces nouveaux contrats n’auraient pu être conclus qu’à des
conditions tarifaires particulièrement désavantageuses.
111 Selon
MM. van Delft et van Willigen, les résidents et les non-résidents n’ont
pas à cet égard subi le même traitement. En effet, dans la pratique,
les conditions tarifaires stipulées dans les nouveaux contrats
d’assurance conclus par des résidents après l’entrée en vigueur de la
ZVW correspondraient en substance à celles auxquelles ils avaient
souscrit dans le cadre des contrats d’assurance conclus sous l’empire de
la ZFW, alors que, en revanche, s’agissant des non-résidents, les
conditions proposées par les compagnies d’assurances après cette entrée
en vigueur seraient substantiellement moins avantageuses que celles
applicables auparavant dans le cadre de leurs anciens contrats.
112 Le
gouvernement néerlandais, interrogé sur ce point à l’audience, a
souligné que l’IZVW n’avait prévu la résiliation de plein droit, à la
date du 1er janvier 2006, des contrats d’assurance conclus
avec des compagnies établies aux Pays-Bas avant l’entrée en vigueur de
la ZVW que «dans la mesure» où ces contrats faisaient naître, s’agissant
des prestations de maladie en nature, des droits équivalant à ceux dont
les intéressés pouvaient se prévaloir, après cette entrée en vigueur,
en vertu des dispositions du règlement n° 1408/71. Cette
résiliation de plein droit concernerait donc non pas l’intégralité du
contenu des contrats d’assurance mais uniquement la partie de ceux-ci
qui correspondait au régime légal de base prévu par l’État membre de
résidence afin d’éviter les doubles assurances et donc le double
paiement de cotisations.
113 Le
gouvernement néerlandais admet que, certes, dans la pratique, les
contrats d’assurance en question auraient, dans la plupart des cas, été
résiliés dans leur intégralité, obligeant les intéressés souhaitant
maintenir, après le 1er janvier 2006, une protection
complémentaire contre le risque de maladie par rapport au régime légal
de base à conclure de nouveaux contrats d’assurance. Toutefois, les
résidents et les non-résidents auraient à cet égard subi le même
traitement.
114 Il
y a lieu de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer,
dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, sur l’interprétation des
dispositions nationales ou sur l’appréciation du contexte factuel
ayant entouré le litige au principal, cette mission incombant
exclusivement à la juridiction de renvoi (voir en ce sens, notamment,
arrêt du 23 avril 2009, Angelidaki e.a., C‑378/07 à C‑380/07, Rec.
p. I‑3071, point 48).
115 C’est
donc à la juridiction de renvoi qu’il appartient d’établir si, et dans
quelle mesure, la réglementation nationale en cause au principal prévoit
une différence de traitement entre les résidents et les non-résidents.
116 À
cet égard, s’il devait être établi que ladite réglementation contient
des mesures visant à garantir la continuité de la protection globale
découlant des contrats d’assurance conclus avant l’entrée en vigueur de
la ZVW et que ces mesures concernent uniquement ceux d’entre eux qui ont
été conclus par des résidents, une telle différence de traitement par
rapport aux non-résidents constituerait, ainsi que M. l’avocat général
l’a indiqué au point 79 de ses conclusions, une restriction à la libre
circulation des citoyens de l’Union au sens de l’article 21, paragraphe
1, TFUE, dès lors qu’elle serait susceptible, conformément à la
jurisprudence citée au point 97 du présent arrêt, de dissuader des
titulaires de pension ou de rente due au titre de la législation
néerlandaise, tels les requérants au principal, de maintenir leur
résidence dans un État membre autre que les Pays-Bas. Or, ni le
gouvernement néerlandais ni le CVZ n’ont apporté, dans le cadre du
présent renvoi préjudiciel, le moindre élément en vue de justifier une
telle différence de traitement.
117 Afin
de procéder à l’examen de l’existence d’une restriction au sens de
l’article 21 TFUE, la juridiction de renvoi devra tout particulièrement
prendre en compte les éléments pertinents suivants qui ressortent du
dossier soumis à la Cour.
118 Premièrement,
il résulte des termes mêmes de l’article 2.5.2, paragraphe 2, de l’IZVW
que celui-ci prévoit la résiliation de plein droit des seuls contrats
d’assurance conclus par des non-résidents. Il ne vise pas, en revanche,
les contrats d’assurance conclus par des résidents.
119 En
vue de déterminer si cette disposition institue, comme son libellé tend
ainsi à l’indiquer, une différence de traitement entre résidents et
non-résidents, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’établir si
la réglementation nationale en cause au principal comporte, comme l’a
suggéré le gouvernement néerlandais, une autre disposition légale qui
prévoit également et de la même manière la résiliation de plein droit
des contrats d’assurance conclus par des résidents avant l’entrée en
vigueur de la ZVW.
120 Dans
l’affirmative, il incombera également à cette juridiction de vérifier
si cette résiliation de plein droit contient des effets identiques pour
les résidents et les non-résidents, et en particulier si, comme ce même
gouvernement l’a soutenu, cette résiliation concerne dans les deux cas
la seule partie du contrat qui faisait naître des droits équivalant à
ceux découlant du régime légal obligatoire applicable.
121 Deuxièmement,
il ressort tant des observations écrites de MM. van Delft et van
Willigen que de celles du gouvernement néerlandais que, en ce qui
concerne les résidents qui étaient liés, à la date du 1er
janvier 2006, par un contrat d’assurance, la réglementation nationale en
cause au principal a imposé aux compagnies participant au régime légal
obligatoire d’assurance maladie prévu par la ZVW d’accepter l’ensemble
de ceux-ci comme assurés pour l’intégralité des prestations de maladie
en nature qui leur étaient offertes dans le cadre de ces contrats, à
savoir tant pour les prestations de base correspondant aux droits prévus
par la ZVW que pour les prestations complémentaires excédant cette
protection légale minimale.
122 En
revanche, selon MM. van Delft et van Willigen, cette réglementation n’a
pas imposé à ces mêmes compagnies d’assurances, lorsqu’elles sont
établies aux Pays-Bas, une telle obligation d’acceptation en ce qui
concerne les non-résidents qui étaient assurés, avant l’entrée en
vigueur de la ZVW, au titre d’un contrat d’assurance avec celles-ci et
qui, depuis cette entrée en vigueur, ont droit, en vertu des articles 28
et 28 bis du règlement n° 1408/71, aux prestations en nature
servies dans l’État membre de résidence à la charge des Pays-Bas.
123 Si,
ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer,
l’exactitude de ces explications devait être établie, il en résulterait
également une différence de traitement entre les résidents et les
non-résidents plaçant ces derniers dans une situation moins favorable
lors de l’entrée en vigueur de la ZVW.
124 En
effet, en l’absence d’obligation légale d’assurer les non-résidents, en
particulier en ce qui concerne les prestations de maladie
complémentaires par rapport aux prestations de base auxquelles ces
non-résidents ont droit dans l’État membre de leur résidence, une telle
réglementation nationale aurait été propre à inciter les compagnies
d’assurances concernées à saisir l’occasion de l’entrée en vigueur de la
ZVW pour résilier intégralement les contrats d’assurance conclus
antérieurement avec ces non-résidents, lesquels sont perçus comme
relevant de la catégorie des «mauvais risques» compte tenu de leur âge
et de leur état de santé, afin de réapprécier et d’adapter les
conditions tarifaires proposées à ceux-ci en tenant compte de
l’évolution de ces paramètres depuis la date de la conclusion du contrat
initial.
125 Enfin,
troisièmement, MM. van Delft et van Willigen ont mis en exergue, lors
de l’audience, que l’entrée en vigueur de la ZVW avait été précédée
d’une négociation étroite entre le gouvernement néerlandais et les
compagnies d’assurances en question. Au terme de cette négociation, il
aurait été prévu, en tout cas d’un point de vue politique, que les
résidents devaient se voir offrir des conditions tarifaires raisonnables
et en substance analogues à celles qui prévalaient dans le cadre des
contrats conclus avant le 1er janvier 2006.
126 Interrogé
sur ce point lors de l’audience, le gouvernement néerlandais a fait
valoir que la résiliation intégrale des contrats d’assurance conclus
avant l’entrée en vigueur de la ZVW, outre qu’elle concerne tant les
résidents que les non-résidents, ne lui est en rien imputable, dès lors
que l’IZVW se bornerait à imposer la résiliation partielle des contrats
en cause. Les conditions tarifaires prétendument désavantageuses
imposées aux requérants au principal lors de la conclusion de ces
nouveaux contrats d’assurance pour l’octroi d’une protection
complémentaire trouveraient donc leur source dans les seules décisions
commerciales prises de manière autonome par les compagnies d’assurances
concernées.
127 Il
appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si, comme MM. van
Delft et van Willigen l’ont soutenu, un tel engagement a effectivement
été pris par les compagnies d’assurances concernées, à la demande du
gouvernement néerlandais, de garantir la continuité de la protection
globale qui découlait des contrats d’assurance conclus avant l’entrée en
vigueur de la ZVW et, dans l’affirmative, si cette garantie concerne
les seuls résidents ou s’applique également aux non-résidents.
128 Il
importe cependant de souligner que toute différence de traitement entre
les résidents et les non-résidents induite par le gouvernement
néerlandais et exécutée avec son concours par les compagnies
d’assurances établies aux Pays-Bas, si elle devait être établie,
n’échapperait pas à l’interdiction prévue à l’article 21 TFUE,
contrairement à ce qu’a soutenu le gouvernement néerlandais, du seul
fait qu’elle n’est pas fondée sur des décisions ayant un effet légal
obligatoire pour ces entreprises.
129 En
effet, même des actes des autorités des États membres dépourvus de
force contraignante peuvent être de nature à influer sur le comportement
des entreprises et avoir ainsi pour effet de mettre en échec la
finalité poursuivie par l’article 21 TFUE. Or, tel serait le cas si une
pratique tarifaire adoptée par des compagnies d’assurances constituait
la mise en œuvre d’un accord «politique» défini par le gouvernement
néerlandais visant à garantir la continuité de la protection globale des
seuls résidents à l’exclusion de celle des non-résidents (voir, par
analogie, arrêt du 24 novembre 1982, Commission/Irlande, 249/81, Rec.
p. 4005, points 27 à 29).
130 Eu
égard à ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question
que l’article 21 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose
pas à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au
principal, qui prévoit que les titulaires d’une pension ou d’une rente
due au titre de la législation de cet État résidant dans un autre État
membre dans lequel ils ont droit, en application des articles 28 et 28
bis du règlement n° 1408/71, aux prestations de maladie en nature
servies par l’institution compétente de ce dernier État membre doivent
s’acquitter, sous forme de retenue sur ladite pension ou rente, d’une
cotisation au titre desdites prestations, même lorsqu’ils ne sont pas
inscrits auprès de l’institution compétente de l’État membre de leur
résidence.
131 En
revanche, l’article 21 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il
s’oppose à une telle réglementation nationale pour autant que celle-ci
induit ou comporte, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de
vérifier, une différence de traitement injustifiée entre les résidents
et les non-résidents en ce qui concerne la continuité de la protection
globale contre le risque de maladie dont ceux-ci bénéficiaient dans le
cadre de contrats d’assurance conclus avant l’entrée en vigueur de cette
réglementation.
Sur les dépens
132 La
procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère
d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à
celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des
observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent
faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:
1) Les
articles 28, 28 bis et 33 du règlement (CEE) n° 1408/71 du
Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de
sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non
salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur
de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CE)
n° 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre
2006, lus en combinaison avec l’article 29 du règlement (CEE)
n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités
d’application du règlement (CEE) n° 1408/71 relatif à l’application
des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur
famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié
par le règlement (CE) n° 311/2007 de la Commission, du 19 mars
2007, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une
réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal,
qui prévoit que les titulaires d’une pension ou d’une rente due au
titre de la législation de cet État qui résident dans un autre État
membre dans lequel ils ont droit, en application des articles 28 et 28
bis du règlement n° 1408/71, aux prestations de maladie en nature
servies par l’institution compétente de ce dernier État membre doivent
s’acquitter, sous forme de retenue sur ladite pension ou rente, d’une
cotisation au titre desdites prestations, même lorsqu’ils ne sont pas
inscrits auprès de l’institution compétente de l’État membre de leur
résidence.
2) L’article
21 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une
réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal
qui prévoit que les titulaires d’une pension ou d’une rente due au titre
de la législation de cet État résidant dans un autre État membre dans
lequel ils ont droit, en application des articles 28 et 28 bis du
règlement n° 1408/71, tel que modifié par le règlement
n° 1992/2006, aux prestations de maladie en nature servies par
l’institution compétente de ce dernier État membre doivent s’acquitter,
sous forme de retenue sur ladite pension ou rente, d’une cotisation au
titre desdites prestations, même lorsqu’ils ne sont pas inscrits auprès
de l’institution compétente de l’État membre de leur résidence.
En
revanche, l’article 21 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il
s’oppose à une telle réglementation nationale pour autant que celle-ci
induit ou comporte, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de
vérifier, une différence de traitement injustifiée entre les résidents
et les non-résidents en ce qui concerne la garantie de la continuité de
la protection globale contre le risque de maladie dont ceux-ci
bénéficiaient dans le cadre de contrats d’assurance conclus avant
l’entrée en vigueur de cette réglementation.
Signatures