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Chômage : possibilité d’exercer une activité accessoire et une activité occasionnelle

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8 juin 2011, R.G. 2010/AB/325

Mis en ligne le jeudi 13 octobre 2011


Cour du travail de Bruxelles, 8 juin 2011, R.G. n° 2010/AB/325

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 8 juin 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que le régime particulier d’activité occasionnelle (avec biffure de la carte de contrôle) peut également bénéficier au chômeur qui a déclaré poursuivre une activité accessoire, lors de sa mise au chômage.

Les faits

Une employée déclare, lors de sa mise au chômage, une activité accessoire, exercée tous les jours après 18hrs ainsi que le samedi. Il s’agit d’une activité de pédicure médicale. Après avoir été entendue, l’intéressée voit son dossier accepté, le montant des allocations devant cependant être revu ultérieurement, à partir des données relatives aux revenus perçus dans le cadre de cette activité.

Par la suite, l’intéressée va biffer certaines journées sur sa carte de contrôle, ce qui attire l’attention de l’ONEm. Une audition est organisée et, au cours de celle-ci, l’intéressée précise que son activité est également exercée en journée, le vendredi ainsi que le samedi, ce qui l’a amenée à biffer systématiquement la carte de contrôle pour ces journées.

Une décision d’exclusion est prise, au motif que toutes les conditions ne sont pas réunies dans le chef de la chômeuse pour pouvoir exercer une activité accessoire. Diverses sanctions sont prises, étant des mesures d’exclusion, cumulées.

Décision du tribunal du travail

Suite au recours introduit, le Tribunal du travail de Nivelles considère fondée la position de l’ONEm et déboute l’intéressée.

Décision de la cour du travail

Les règles permettant l’exercice d’un travail pendant le chômage sont reprises aux articles 44 et suivants de l’arrêté royal, ce que la cour rappelle sur le plan des principes. Lorsque le chômeur exerce une activité pour son propre compte, au sens de l’article 45, celle-ci est considérée comme du travail dès lors qu’elle peut être intégrée dans le courant des échanges économiques de biens et de services et n’est pas limitée à la gestion normale des biens propres. Cette règle connaît une exception, étant que l’activité interdite sur la base des critères ci-dessus peut être exercée à titre accessoire. Certaines conditions sont dans ce cas exigées dans le chef du chômeur : (i) cette activité doit être déclarée lors de la demande d’allocations, (ii) elle doit avoir été exercée pendant la période où celui-ci avait la qualité de travailleur salarié, et ce pendant les trois mois ayant précédé la mise au chômage et (iii) cette activité doit être exercée principalement entre 18hrs et 7hrs.

Les déclarations du chômeur concernant les conditions d’exercice peuvent cependant être contredites par des présomptions graves, précises et concordantes, qui peuvent entraîner une privation du droit aux allocations. Celles-ci sont en effet refusées, en vertu de l’article 48, § 3, même pour les jours durant lesquels aucune activité n’est exercée, dès lors que, en raison du nombre d’heures de travail ou du montant des revenus perçus, il s’avère que l’activité n’a pas ou n’a plus le caractère d’une profession accessoire.

Une deuxième hypothèse est visée par la réglementation, en ce qui concerne l’exercice d’activités non conformes à l’article 45, étant que, si le chômeur travaille occasionnellement, il est tenu de biffer sa carte de contrôle pour la journée en cause. Aucune allocation ne lui sera dès lors versée pour celle-ci.

La cour rappelle, à côté de ces deux règles, l’importance de l’article 134 de l’arrêté royal, qui organise les déclarations modificatives que le chômeur est tenu de faire. Celles-ci sont en effet obligatoires lorsqu’en cours de chômage un événement modificatif survient, qui est de nature à influencer le droit aux allocations ou leur montant ; de même, toute modification dans les données nécessaires à la gestion du dossier qui ont été communiquées sur les documents précédemment introduits doit être portée à la connaissance de l’organisme de paiement.

La cour va, dès lors, examiner la situation de l’intéressée au regard de ces règles combinées.

Elle constate que l’activité accessoire a été déclarée conformément à l’article 48 de l’arrêté royal et qu’il y a eu admission aux allocations. Celle-ci implique que, si l’intéressée souhaitait conserver le droit aux allocations, elle ne pouvait exercer cette activité principalement en journée. Or, il s’est avéré qu’elle a été amenée à travailler pendant cette plage horaire, de telle sorte que la chômeuse a biffé sa carte de contrôle, ce qui a signifié qu’elle renonçait aux allocations de chômage. Ce faisant, elle s’est conformée aux instructions administratives qui lui étaient données.

La cour examine, à partir de cet édifice de faits, la motivation de la décision de l’ONEm étant que ce type d’activité (activité occasionnelle déclarée via la biffure de la carte de contrôle) ne pourrait être exercée par un chômeur qui a été admis au bénéfice des allocations de chômage après avoir déclaré qu’il exerçait une activité accessoire au sens de la réglementation. La cour balaie cette argumentation, retenant qu’elle n’a aucune base légale. Elle précise que l’on ne peut déduire de l’article 48 (qui précise que l’activité accessoire ne peut être exercée principalement en journée) qu’une autre activité, exercée en dehors de ce cadre, et ce tout en respectant l’obligation de biffure de la carte de contrôle, ne puisse être exercée occasionnellement. La cour rappelle qu’il s’agit de deux régimes d’activité fondamentalement distincts. Ceci est d’ailleurs confirmé par l’indemnisation au niveau des allocations de chômage : celle-ci est conservée dans le cadre de l’exercice d’une activité accessoire (hors régularisation à opérer en fonction des revenus) alors qu’aucune allocation n’est payée en cas d’exercice d’une activité occasionnelle, le chômeur renonçant, du fait de la biffure de la carte de contrôle, à son allocation journalière.

La cour précise encore que, dès lors que le chômeur respecte les obligations qui lui sont faites dans l’un et l’autre régime, il ne peut être exclu de les appliquer concomitamment et elle pose d’ailleurs – sur le plan théorique – la question d’une différence de traitement qui serait ainsi appliquée aux chômeurs ayant déclaré exercer une activité accessoire et qui se trouveraient privés de la possibilité d’une autre activité occasionnelle.

Enfin, la cour précise que, au regard de l’article 134 de l’arrêté royal, le fait de biffer certains jours de la carte de contrôle ne constitue pas un événement modificatif visé par la réglementation et ne requiert donc pas une déclaration modificative.

En conséquence, la cour réforme le jugement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt – limpide – de la cour du travail semble contenir une conclusion plus que logique. Il faut cependant constater que, tout en ayant respecté la totalité des obligations mises à sa charge, la chômeuse a dû introduire une procédure judiciaire qui aura duré cinq ans et attendre la décision de la cour pour être rétablie dans ses droits. Sur le plan des principes, cet arrêt rappelle clairement les deux régimes distincts d’exercice d’une activité pendant le chômage, avec leurs conséquences sur le plan du droit aux allocations.


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