Terralaboris asbl

Rémunération variable : prise en compte du simple pécule pour le calcul du double pécule de l’année suivante

Commentaire de C. trav. Mons, 9 mars 2011

Mis en ligne le lundi 26 septembre 2011


Cour du travail de Mons, 9 mars 2011, R.G. n° 2010/AM/26

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 9 mars 2011, statuant après l’arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2009, la Cour du travail de Mons reprend, dans un long arrêt très motivé, les bases légales permettant de conférer au simple pécule de vacances un caractère rémunératoire et de le prendre ainsi en compte pour le calcul du pécule de l’année suivante.

Les faits

Une Dame A., ayant la qualité d’employée, perçoit une rémunération variable pour partie. Il s’agit de gratifications sur résultats et d’une prime qualifiée « d’appréciation ».

Un litige surgit, en ce qui concerne la base de calcul des pécules de vacances, eu égard à ces montants variables, l’employeur omettant le simple pécule de vacances de l’année précédente correspondant à ces rémunérations.

La procédure

Un premier jugement, rendu par le Tribunal du travail de Bruxelles le 19 février 2002, conclut au non-fondement de la demande.

De même, la Cour du travail, dans un arrêt du 19 octobre 2004, déclare l’appel non fondé et confirme le jugement.

Madame A. introduit un pourvoi en cassation.

L’arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2009

Dans son arrêt, la Cour de cassation répond à un moyen unique, tiré d’un considérant de l’arrêt de la cour du travail, selon lequel le pécule de vacances n’entre pas dans la notion de rémunération brute prévue à l’article 39 de la l’arrêté royal du 30 mars 1967. Selon le pourvoi, la cour du travail de Bruxelles ne pouvait dès lors ne pas en tenir compte pour déterminer le simple et double pécule de vacances. Il y a violation de l’article 19, § 1er, alinéa 1er de l’arrêté royal du 29 novembre 1969.

La Cour de cassation va suivre cette argumentation, en rappelant les articles 39, 41 et 42 de l’arrêté royal du 30 mars 1967. Pour la Cour Suprême, il s’ensuit de ces dispositions que l’assimilation de journées d’interruption de travail à des journées de travail effectif pour le calcul du montant du pécule de vacances n’a de sens que si ces journées d’interruption de travail ne donnent pas lieu à une rémunération soumise au prélèvement de cotisations de sécurité sociale. Par ailleurs, vu les termes de l’article 19, § 1er de l’arrêté royal du 28 novembre 1969, selon lequel la partie du pécule de vacances qui correspond à la rémunération normale des jours de vacances est prise en considération pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, la Cour conclut que, même si les journées de vacances sont des journées d’interruption et qu’elles ne sont pas assimilées par l’article 41 de l’arrêté royal du 30 mars 1967 ci-dessus à des journées de travail effectif, le simple pécule de vacances correspondant à celles-ci doit être considéré comme de la rémunération. Il s’agit d’une rémunération effectivement gagnée et non une rémunération fictive de journées assimilées.

Décision de la cour du travail de Mons

La cour du travail est saisie, malgré la décision ci-dessus, d’une contestation, qui demeure persistante dans le chef de l’employeur. Celui-ci considère que la position de la Cour de cassation, dans l’arrêt ci-dessus (ainsi que dans un précédent arrêt du 15 janvier 1996 – Cass., 15 janvier 1996, n° S.95.0093.N), est contraire au texte de l’arrêté royal du 30 mars 1967 et particulièrement à son article 42, selon lequel deux conditions cumulatives sont exigées pour qu’une journée d’interruption de travail soit considérée, pour le montant du pécule de vacances, comme une journée de travail effectif : ((i) elle doit figurer dans la liste de l’article 41 – ce qui n’est pas le cas –, et (ii) l’employeur doit être tenu de déclarer la rémunération pour le calcul du montant des cotisations sociales). L’employeur se fonde en outre sur l’article 39 du même arrêté, pour considérer que la notion de rémunération qui est contenue ne se confond pas avec la notion de rémunération au sens de la sécurité sociale.

La cour du travail est, ainsi, amenée à répondre, malgré l’enseignement clair des deux arrêts de la Cour de cassation, à la position développée par l’employeur. Elle relève que ni les lois coordonnées du 28 juin 1971 ni l’arrêté royal d’exécution du 30 mars 1967 ne définissent la notion de rémunération à prendre en compte en matière de calcul du pécule de vacances des employés. La réponse à la question doit dès lors, pour la cour, être trouvée dans la doctrine et dans la jurisprudence, étant entendu que l’on ne peut, à cet égard, limiter cette notion au sens qu’elle a généralement au droit du travail, étant la contrepartie du travail fourni.

La cour se livre ensuite à l’analyse de différents arrêts de la Cour de cassation rendus à propos des articles 38 et 46 de l’arrêté royal, où elle avait conclu à la nécessité de se référer à la notion générale de rémunération applicable dans le droit du travail, mais constate que ceci n’est pas en contradiction avec la position dégagée dans les deux arrêts ci-dessus spécifiquement consacrés à la question du simple pécule de vacances, dans la mesure où, dans les autres arrêts, la Cour Suprême s’est penchée sur l’examen de la notion de « rémunération brute » figurant dans l’arrêté royal et qu’elle en a conclu qu’il s’agit de tout avantage accordé par l’employeur en contrepartie des prestations de travail, et ce à l’exclusion des avantages qui n’entrent pas en ligne de compte pour le calcul des cotisations de sécurité sociale. La jurisprudence de la Cour de cassation en matière d’articles 38 et 46 de l’arrêté royal du 30 mars 1967 n’est dès lors pas incompatible avec l’enseignement issu de l’arrêt de renvoi. En outre, la Cour souligne que le pécule de vacances constitue effectivement une contrepartie de prestations de travail, puisque la durée des vacances est proportionnelle au travail exécuté pendant l’année de référence.

Parmi d’autres arguments invoqués par la société et rejetés par la cour figure celui selon lequel le pécule de vacances n’aurait pas été « gagné » au cours des 12 mois précédant le mois pendant lequel les vacances sont prises. La cour balaie cet argument, rappelant que, dans l’arrêt du 29 juin 2009, la Cour Suprême a expressément considéré qu’il s’agissait d’une rémunération réellement gagnée et, en outre, elle rappelle que le pécule de vacances est inclus dans la période de 12 mois qui est la période de référence.

Enfin, elle relève avec la société « l’effet boule de neige » et souligne que rien ne permet d’affirmer que le législateur ait entendu éviter celui-ci et que, à défaut de dispositions expresses contraires, rien ne s’oppose à la prise en compte du pécule de la période de référence pour le calcul de celui de la période subséquente.

Intérêt de la décision

Outre que cet arrêt de la Cour du travail de Mons, qui statue après renvoi de l’arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2009, permet de rappeler la conclusion de la Cour Suprême sur la question, il a le mérite de répondre, de manière circonstanciée, aux arguments habituels débattus sur la question.


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