Terralaboris asbl

Indemnisation en cas d’accidents successifs

Note sous C. trav. Liège, 26 février 2003, Chron. D.S., 2004, p. 223

Mis en ligne le vendredi 28 décembre 2007


S. REMOUCHAMPS

Note sous C. trav. Liège, 26 février 2003, Chron. D.S., 2004, p. 223

Dans le cas d’espèce, Monsieur D. avait été victime d’un premier accident du travail en date du 4 octobre 1990. Cet accident avait causé une lésion au genou gauche et entraîné une IPP de 6 %.

Le 14 novembre 1996, le travailleur est victime d’un nouvel accident, blessant également le genou gauche. L’expert désigné par le Tribunal a estimé que le second accident avait augmenté les séquelles pré existantes au niveau du genou gauche, et ce dans un faible mesure. Il conclut à l’existence d’une IPP « complémentaire » de 3%.

Le premier Juge a considéré qu’il fallait évaluer la perte de capacité imputable au second accident du 14 novembre 1996 dans son ensemble et avait dès lors accordé, pour ce second accident, une IPP de 9%, résultant de l’addition du taux du taux accordé pour le premier accident (6%) et du taux complémentaire retenu par l’expert (3%).

L’entreprise d’assurance interjette appel de cette décision, dans la mesure où elle estime que seule peut être indemnisée dans le cadre du second accident la perte de capacité subie par rapport à la capacité de la victime au moment du second accident et non du premier accident.

La Cour du travail de Liège confirme le jugement attaqué.

Cette décision doit être approuvée.

En effet, en matière d’accident du travail, l’incapacité résultant d’un accident du travail est déterminée non seulement par rapport aux lésions découlant directement et/ou exclusivement de l’accident mais également en fonction de lésions, maladies, prédispositions pathologiques existants avant cet accident (sous les réserves relevées infra).

Cette prise en considération des effets incapacitants d’un état pathologique antérieure trouve son fondement dans le caractère forfaitaire du régime de réparation des accidents du travail. Comme le souligne la Cour de cassation « …. l’indemnité due pour une incapacité permanente de travail, ensuite d’un accident du travail, a pour objet de dédommager le travailleur dans la mesure où le sinistre a porté atteinte à sa capacité de travail, c’est-à-dire à sa valeur économique ; Que celle-ci est légalement présumée trouver sa traduction dans la rémunération de base de la victime pendant l’année précédant l’accident qui donne ouverture au droit à réparation ; Qu’il est, dès lors, indifférent que la capacité de travail de la victime ait antérieurement subi quelque altération » (Cass., 21 juin 1999, Pas., 1999, I, 380).

La règle selon laquelle la valeur concurrentielle de la victime trouve son expression légale dans la rémunération de base perçue l’année précédant l’accident implique en effet que la réduction de la capacité de gain de la victime résultant d’un état antérieur (par exemple un précédant accident) a déjà trouvé sa traduction dans une diminution de la rémunération de base de la victime. S’agissant d’une présomption irréfragable, la règle continue à jouer même si, in concreto, la rémunération de base n’a pas été diminuée du fait de l’état antérieur. La Cour d’arbitrage n’y a vu là aucune violation du principe d’égalité (C.A., 26 juin 2002, J.T.T., 2002, 357).

Les effets incapacitants de l’état pathologique antérieur de la victime ne seront cependant pris en considération que dans la mesure où l’accident du travail est, au moins en partie, la cause de cette incapacité. Il doit donc exister un lien causal entre l’accident et l’incapacité prise en considération. Ce lien causal est envisagé par la Cour de cassation au regard de la théorie de l’équivalence de conditions. Il convient donc d’examiner si l’incapacité se présenterait dans la même mesure sans l’existence de l’accident du travail et ce, même s’il existe d’autres causes déterminantes de cette incapacité. Rappelons qu’en vertu de l’article 9 de la loi du 10 avril 1971, le lien causal est présumé.

C’est la combinaison de ces deux principes qui sert de fondement aux règles dégagées par la Cour de cassation en matière de réparation des accidents successifs (« Attendu que lorsqu’un travailleur est victime d’accidents du travail successifs et que le dernier accident a aggravé les conséquences d’un accident précédent, le juge doit apprécier l’incapacité permanente de travail de la victime dans son ensemble, dès lors que l’incapacité de travail constatée après le dernier accident a celui-ci pour cause, même partielle » (Cass., 21 juin 1999, précité ; Voy. également Cass., 21 septembre 1987, J.T.T., 1988, p. 70 ; Cass., 1er avril 1985, R.W., 1985-1986, col. 1845 et note ; Cass. 11 décembre 1978, R.D.S., 1980, p. 17 ; Cass., 25 mai 1977, Bull., p. 1977, 981 ; Cass. 19 décembre 1973, Pas., 1974, I, p. 424 ; Cass., 6 mars 1968, R.G.A.R., 1968, n° 8063 et Pas., 1968, I, p. 846).

En l’espèce l’incapacité résultant des séquelles du premier accident ayant été aggravée par le second accident du travail, l’IPP résultant du second accident devait donc être évaluée en tant compte de l’ensemble de l’incapacité présentée par la victime.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be