Terralaboris asbl

Soins de santé et indemnités : maintien de l’assurabilité en cas de résidence dans un autre Etat membre de l’UE

Commentaire de C. trav. Mons, 12 mai 2011, R.G. 2008/AM/21.377

Mis en ligne le lundi 1er août 2011


Cour du travail de Mons, 12 mai 2011, R.G. n° 2008/AM/21.377

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 12 mai 2011, la Cour du travail de Mons rappelle que, en application des règlements européens de coordination en matière de sécurité sociale, un travailleur assujetti à l’assurance maladie-invalidité belge qui réside dans un autre Etat membre maintient, en cas de survenance d’une incapacité de travail, ses droits aux prestations aussi longtemps que cette incapacité est reconnue en application des dispositions prévues à cet effet par la législation belge.

Les faits

L’UNMS met fin, par décision du 16 novembre 1984 à l’incapacité de travail admise pour une Dame B. résidant, à ce moment, en Italie.

Celle-ci introduit un recours devant le tribunal du travail de Charleroi.

Position du tribunal du travail

Le Tribunal du travail rend un jugement le 25 novembre 1985, désignant un expert judiciaire avec la mission habituelle, prévoyant cependant en outre qu’il pouvait avoir recours éventuellement à l’assistance d’un médecin en Italie.

Suite à un premier rapport et, à la demande du tribunal, à un rapport complémentaire, le tribunal du travail va admettre, par jugement du 6 avril 1992, la reconnaissance d’une incapacité de travail depuis le 3 décembre 1984.

Position de la Cour

Suite à l’appel du l’UNMS, la Cour du travail de Mons rend plusieurs arrêts. Le premier, du 24 décembre 1993, ordonne l’audition de l’expert afin de dissiper des incohérences relevées dans le dossier médical de l’intéressée. L’expert est entendu et précise les éléments de son appréciation.

Ultérieurement, par arrêt du 13 novembre 1998, la cour acte que l’intéressée a formé appel incident, demandant que, si elle devait être déclarée apte à la date initiale (1984), elle puisse en tout cas être déclarée inapte à partir des nouveaux éléments médicaux produits au dossier (1990).

Un nouvel arrêt est rendu le 8 décembre 2000, la cour posant à ce moment une question juridique, quant à la qualité exacte de l’assurance maladie-invalidité au regard du secteur de l’assurance indemnités. Commence, ainsi, un débat sur l’assurabilité.

Dans un arrêt ultérieur du 22 avril 2010, la cour ordonne une nouvelle réouverture des débats, afin de permettre à l’organisme assureur de verser les pièces qui pour lui ont mis à néant l’assurabilité de l’intéressée pendant la période litigieuse et de déterminer la date à partir de laquelle elle ne pouvait plus bénéficier d’indemnités d’incapacité de travail au regard des dispositions légales applicables. L’assurée sociale se voit également priée de déposer des pièces relatives à sa situation sociale et à celle de son époux (bénéfice d’une pension belge ou étrangère, demande d’allocations de chômage introduite, …) et de préciser en quoi elle aurait en tout état de cause maintenu son assurabilité au regard des dispositions légales applicables.

L’UNMS considère, en effet, à ce moment qu’à supposer que l’incapacité de travail soit reconnue, le droit aux indemnités serait limité dans le temps, dans la mesure où l’intéressée n’était plus en ordre d’assurabilité. Sur cette question, celle-ci fait valoir que les formulaires E121 produits ne seraient pas probants ou que, à tout le moins, ils ne lui seraient pas opposables. Subsidiairement elle plaide que, n’ayant pas été informée des conséquences juridiques découlant de ces décisions administratives, il y a faute dans le chef de la mutuelle, les conséquences de cette situation ne pouvant lui être préjudiciables.

Dans son arrêt du 12 mai 2011, vidant sa saisine, la cour du travail constate qu’avant de trancher la question médicale de la diminution de la capacité de gain, il faut vérifier l’assurabilité de l’intéressée depuis la date où la mutuelle a mis fin son incapacité de travail (3 décembre 1984) jusqu’au prononcé de l’arrêt à intervenir. La cour considère qu’il est d’autant plus justifié de procéder de la sorte que l’intéressée a donné peu d’informations sur l’évolution de sa situation sociale et qu’il y a absence de renseignements sur son état de santé depuis seize ans.

L’assurabilité n’étant pas contestée à la date du 2 décembre 1984, c’est la période postérieure qui doit faire l’objet de cet examen et, avec le ministère public, la cour rappelle que la charge de la preuve du respect des conditions d’admissibilité revient à l’intéressée elle-même. Le droit aux indemnités d’incapacité de travail expirant le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel le travailleur atteint l’âge de la pension, cette circonstance intervient en l’espèce puisque cet âge a été atteint en décembre 1998. Cette circonstance est dès lors de nature à limiter le droit aux indemnités à cette période.

Par ailleurs, constatant que l’intéressée réside en Italie depuis 1981, la cour se tourne vers le règlement CEE n° 1408/71 (article 13.2.a) relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté. En vertu de celui-ci, la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un Etat membre est soumise à la législation de cet état, même si elle réside sur le territoire d’un autre Etat membre.

La cour revient à l’enseignement de la Cour de justice dans son arrêt Ten Holder (CJCE, 12 juin 1986, affaire n° 302/84) dans lequel le juge européen a indiqué que cette disposition du règlement doit être interprétée en ce sens qu’un travailleur qui cesse ses activités exercées sur le territoire d’un Etat membre reste soumis à la législation de l’Etat membre de son dernier emploi, et ce quel que soit le temps écoulé depuis la cessation des activités en question et la fin de la relation de travail. En conséquence, si un travailleur est assujetti au régime des soins de santé et indemnités belge et réside dans un autre Etat membre, il maintient ses droits aux prestations en cas de survenance d’une incapacité de travail aussi longtemps que cette incapacité est reconnue en application des dispositions prévues par le législateur belge. Si l’incapacité prend fin, l’assuré doit se soumettre aux obligations imposées par la législation belge et, notamment, s’il ne reprend pas le travail, il doit s’inscrire au chômage. S’il ne s’inscrit pas au chômage, il perd le bénéfice de son assurabilité (art. 75 de la loi du 9 août 1963).

La cour constate que l’intéressée n’a pas respecté ces obligations et que, ainsi, elle a perdu le bénéfice de son assurabilité à une date fixée au plus tard au 30 juin 1985. Il s’agit de l’application de l’article 74 de la même loi. La période litigieuse se restreint dès lors encore et ne va plus concerner que la période du 3 décembre 1984 au 30 juin 1985.

Examinant, sur cette question, les diverses appréciations médicales au dossier, la cour va considérer que la preuve n’est pas suffisamment rapportée de l’état d’incapacité pendant cette période.

Le jugement du tribunal du travail est dès lors réformé en toutes ses dispositions.

Intérêt de la décision

C’est un point important que rappelle cet arrêt de la Cour du travail de Mons, dans une espèce qui a manifestement connu des développements inhabituels et dans laquelle la question primordiale, étant l’assurabilité, n’a pas été posée directement.

La cour rappelle dans cet arrêt que, si le principe des règlements de coordination est de permettre à un ressortissant d’un Etat membre de se déplacer à l’intérieur de la Communauté tout en restant soumis à la législation de l’état où il a exercé une activité salariée, celui-ci doit néanmoins remplir les conditions mises par le législateur national de cet Etat membre pour continuer à bénéficier des prestations sociales. Ainsi, en matière d’incapacité de travail, le droit aux prestations est conservé aussi longtemps que cette incapacité est reconnue en application des dispositions prévues à cet effet par le législateur belge. Ne s’étant pas inscrite au chômage, vu qu’il n’y a pas eu reprise du travail, l’intéressée a perdu le bénéfice de cette assurabilité.


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