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Responsabilité solidaire du paiement des dettes sociales du cocontractant non enregistré : le nettoyage de chambres d’hôtel est-il visé ?

Commentaire de C. trav. Mons, 13 janvier 2011, R.G. 2009/AM/21.494

Mis en ligne le vendredi 17 juin 2011


Cour du travail de Mons, 13 janvier 2011, R.G. n° 2009/AM/21.494

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 13 janvier 2011, la Cour du travail de Mons répond à la question de savoir si l’ONSS est autorisé à réclamer des dettes sociales d’une société faillie au gérant d’un établissement hôtelier, qui lui avait confié le nettoyage des chambres de l’hôtel.

Les faits

Le gérant d’un hôtel de Charleroi confie en 1999 les travaux de nettoyage des chambres à une SPRL qui n’est pas enregistrée.

Elle tombera en faillite trois ans plus tard et a une importante dette vis-à-vis de l’ONSS.
Celui-ci se retourne contre l’exploitant de l’hôtel, dans le cadre de la responsabilité solidaire, lui réclamant un montant de l’ordre de 26.000€, majoré de 16.000€ pour absence de retenues lors des paiements au cocontractant.

Un litige survient, l’exploitant considérant que les travaux de nettoyage des chambres ne sont pas visés par l’article 30bis de la loi du 27 juin 1969.

La position du tribunal

Le tribunal du travail de Charleroi décide par jugement du 30 juin 2008 que ces travaux ne sont pas visés par la loi, considérant que l’entretien d’une chambre d’hôtel comprend, outre le nettoyage de parties immeubles par nature ou par incorporation, l’entretien de meubles meublants et d’autres activités ne consistant pas en du nettoyage à proprement parler (rangement, remplacement, vérifications, …).

La position des parties en appel

L’ONSS fait valoir, comme devant le premier juge, un arrêt de la Cour de cassation du 9 octobre 2006 (Cass., 9 octobre 2006, R.G. S.05.0099.F) qui a visé des travaux de nettoyage d’une cafétéria (comprenant les sols, les sanitaires, les escaliers, les portes vitrées, les frigos …).

Il conteste la position du tribunal, considérant que celui-ci a donné sa propre définition du nettoyage de chambres d’hôtel et qu’il faut examiner la réalité des prestations effectuées par le sous-traitant pour compte de l’hôtel.

Le gérant demande, pour sa part, comme escompté, la confirmation du jugement.

La position de la cour

La cour a rendu un premier arrêt en date du 22 avril 2010, aux fins d’être éclairée sur la nature des travaux concernés (production de factures, etc.).

Dans son arrêt du 13 janvier 2011, elle rappelle les principes applicables, statuant dans le cadre de l’article 30bis en sa mouture à l’époque des faits (année 2000).

Celui-ci énonce le principe de la responsabilité solidaire du commettant qui fait appel à un entrepreneur non enregistré au moment de la conclusion de la convention, en ce qui concerne les dettes sociales de ce cocontractant. La cour rappelle l’obligation de retenir et de verser 15% du montant dont le cocontractant est redevable, au moment du paiement de tout ou de partie du prix des travaux, paiement à destination de l’ONSS, obligation dont le non-respect est assorti de sanctions financières (majoration égale au montant à payer).

En ce qui concerne la nature des activités visées, se pose la question de la définition du travail immobilier. L’arrêté royal du 26 décembre 1998 dispose qu’il faut entendre par là tout travail de construction, de transformation, d’achèvement, d’aménagement, de réparation, d’entretien, de nettoyage et de démolition de tout ou partie d’un immeuble par nature, de même que toute opération qui comporte à la fois la fourniture d’un bien meuble et son placement dans un immeuble de manière telle que ce bien meuble devienne immeuble par nature.

La cour examine ensuite l’arrêt rendu par la Cour de cassation sur cette notion de « travail immobilier » dans l’arrêt du 9 octobre 2006 dont question ci-dessus. Selon cet enseignement, il faut entendre tout travail de nettoyage de tout ou partie d’un immeuble par nature. Pour la Cour de cassation, la disposition vise tout travail de nettoyage sans distinction suivant la nature ou l’importance de ce travail, seul étant exclu le nettoyage d’une habitation individuelle existante (situation visée au § 6 de l’article 30bis).

Dans cet arrêt du 9 octobre 2006, la Cour de cassation a cassé un arrêt de la Cour du travail de Liège (1er février 2005) qui concernait le nettoyage d’une cafétéria. La Cour du travail de Liège avait considéré – à tort selon la Cour suprême – que ce type de travaux n’était pas visé car la notion de « travail » dans cet arrêté royal vise une opération particulière touchant à l’immobilier et non une suite journalière d’opérations identiques ayant pour objet non de modifier ou d’entretenir tout ou partie d’immeuble mais de le maintenir propre par un nettoyage quotidien.

Reprenant ces appréciations, la Cour du travail de Mons fait grief au tribunal du travail d’avoir conclu que cet enseignement n’était pas transposable au cas d’espèce, au motif qu’il y aurait dans un hôtel non seulement du nettoyage de parties immeubles par nature ou par incorporation mais également des meubles meublants ainsi que d’autres activités qui ne consisteraient pas en du nettoyage, le tribunal s’étant basé sur la description des missions du personnel hôtelier relevant autant du service d’hôtel que du nettoyage.

La cour précise que, ayant voulu vérifier concrètement la nature des prestations facturées, elle avait demandé dans le cadre de la réouverture des débats un dépôt de documents : factures, conventions conclues, etc. Elle constate qu’aucun élément probant ne lui est soumis permettant de considérer que la nature des travaux est différente, à savoir qu’il y aurait eu essentiellement des missions de service d’hôtel et que le nettoyage de l’immeuble n’aurait été qu’accessoire.

Elle en conclut dès lors au bien-fondé de la position de l’ONSS et elle réforme le jugement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Mons rappelle une nouvelle fois le risque encouru en cas de prestations confiées à une société non enregistrée. L’arrêt précise également dans la ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation le sens à donner à la notion de travail immobilier, visant ainsi une situation très fréquente, qui touche à la sous-traitance de travaux de nettoyage.


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