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Représentant de commerce : possibilité pour l’ONSS de se prévaloir de la présomption légale en vue d’assujettir un travailleur

Commentaire de C. trav. Mons, 20 mars 2011, R.G. 2010/AM/125

Mis en ligne le mardi 7 juin 2011


Cour du travail de Mons, 24 mars 2011, R.G. n° 2010/AM/125

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 24 mars 2011, la Cour du travail de Mons rappelle que l’ONSS peut se prévaloir de la présomption légale de statut de salarié dans le chef d’un représentant de commerce.

Les faits

Une SPRL ayant pour activité l’achat, la vente, la représentation et la commercialisation de mobilier engage un manutentionnaire, qui deviendra au fil du temps vendeur. Il est déclaré à l’ONSS en qualité d’employé à temps partiel.

Ultérieurement, il devient intermédiaire commercial avec le statut d’indépendant. Aucun écrit n’est signé entre parties et l’intéressé fait toutes les démarches habituelles en vue d’exercer son activité dans le cadre du statut social des travailleurs indépendants.

Il introduit, ainsi, des factures mensuelles auprès de la société.

Suite à un contrôle, il est amené à exposer qu’il effectue un travail de représentant de commerce pour la société, qui est son seul client. Il donne d’autres explications relatives au mode de fonctionnement (le matériel appartenant à la société, le gérant poursuivant, à l’occasion, des contacts entamés par le représentant lui-même, etc.).

Le gérant est également entendu et confirme la répartition du travail et les responsabilités du représentant.

L’ONSS conclut à l’assujettissement et lance citation en paiement de cotisations. Trois procédures sont ainsi initiées et c’est un montant de l’ordre d’environ 40.000€ qui est réclamé au titre de cotisations, majorations et intérêts.

La position du tribunal du travail

Le Tribunal du travail de Charleroi conclut, dans un jugement du 7 janvier 2000, que la présomption légale n’est pas renversée et confirme, en conséquence, la position de l’ONSS.

La position des parties en appel

La société interjette appel et considère que les éléments produits par l’ONSS ne permettent pas de conclure que la qualification donnée par les parties à leur relation de travail serait inexacte. Elle s’appuie sur toute une série d’indices permettant de conclure à une large autonomie dans le chef du représentant.

Quant à l’ONSS, il postule la confirmation du jugement.

La position de la cour du travail

La cour du travail rappelle les pouvoirs de l’ONSS en matière d’assujettissement : même en l’absence de dispositions particulières, il peut décider d’office de l’existence ou de l’inexistence d’un contrat de travail. C’est la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 7 décembre 1998, J.T.T., 1999, p. 77). La loi sur les contrats de travail contient des présomptions d’existence d’un contrat de travail et, en dehors de ces hypothèses, la partie qui invoque l’existence d’un tel contrat doit apporter la preuve de ses éléments constitutifs.

En ce qui concerne le contrat de représentant de commerce, il s’agit, selon l’article 4 de la loi du 3 juillet 1978, du contrat par lequel le représentant s’engage contre rémunération à prospecter et visiter une clientèle en vue de la négociation ou la conclusion d’affaires (sauf assurances) sous l’autorité, pour le compte et au nom d’un ou plusieurs commettants.

La loi contient une présomption selon laquelle, nonobstant toute stipulation expresse du contrat ou en cas de silence de celui-ci, il y a présomption de contrat de travail.

L’ONSS peut se prévaloir de celle-ci (Cass., 23 novembre 1992, Larcier, Cass., 1992, n° 1054) et c’est à la société d’apporter la preuve contraire. Celle-ci ne porte par sur l’intention commune des parties de conclure un contrat d’entreprise. Cet élément est indifférent. Ce sont les circonstances de l’exécution effective du contrat qui doivent être examinées : tant qu’il n’est pas constaté qu’elles excluent le lien de subordination, le contrat est présumé être un contrat de travail. Il peut y avoir un lien de subordination, même dans l’hypothèse où les parties avaient l’intention de conclure un contrat de collaboration indépendante ou si elles avaient donné à leur convention une qualification autre que celle d’un contrat de travail.

La portée de la présomption implique que celui qui veut apporter la preuve contraire doit établir que les circonstances de l’exécution du contrat excluent le lien de subordination et sont dès lors incompatibles avec l’existence du contrat de travail.

La cour rappelle ensuite les principes relatifs au lien de subordination ainsi que les contours du pouvoir patronal : pouvoir de déterminer la prestation de travail dans son contenu et pouvoir d’organiser l’exécution même de cette prestation.

Elle va ensuite examiner les éléments produits par la société en vue de renverser la présomption et conclure que ceux-ci sont insuffisants. Il s’agit essentiellement de (i) l’inscription au registre de commerce et l’affiliation à une caisse d’assurances sociales, (ii) l’absence de liste de clients donnée par la société, (iii) la rémunération négociée entre parties, (iv) la possibilité pour le représentant d’accorder des remises (celles-ci étant en réalité remises après autorisation des gérants) ainsi que (v) la liberté organisationnelle (la société n’établissant, selon la cour, rien d’autre que l’autonomie habituelle dont bénéficie un représentant dans l’organisation de son travail).

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Mons rappelle les conditions dans lesquelles la présomption de l’existence d’un contrat de travail, dans le chef d’un représentant de commerce, peut être renversée. La charge de la preuve est ici importante puisqu’il s’agit pour la société d’établir que les éléments du contrat et son exécution excluent le lien de subordination et que, en conséquence, ils sont incompatibles avec l’existence d’un contrat de travail, et ce sans égard à la commune volonté des parties.


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