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Indemnités de mutuelle et accident réparé en droit commun : conditions d’opposabilité à l’organisme assureur d’une transaction intervenue

Commentaire de C. trav. Mons, 27 janvier 2011, R.G. 1997/AM/14.812

Mis en ligne le mardi 7 juin 2011


Cour du travail de Mons, 27 janvier 2011, R.G. n° 1997/AM/14.812

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 27 janvier 2011, la Cour du travail de Mons rappelle à la fois les obligations d’un assuré social, s’il bénéficie d’autres indemnités que celles de l’organisme assureur, couvrant son dommage et les conditions d’opposabilité d’une transaction intervenue sur la réparation du préjudice en droit commun.

Les faits

Monsieur R. en incapacité de travail est victime d’un accident de la route. Dans le cadre de la procédure de règlement de l’accident devant le tribunal correctionnel, un expert est désigné et celui-ci dépose un rapport selon lequel persiste une incapacité permanente partielle de 50% avec une répercussion économique de 50% également.

Suite à ce rapport d’expertise, Monsieur R. et la compagnie d’assurances du tiers responsable concluent une transaction. Un montant de l’ordre de 80.000€ est versé forfaitairement et définitivement pour solde de tout compte. Il comprend notamment un peu moins de 40.000€ de dommage matériel. Ce montant est précisé comme « résultant de l’I.P.P. en raison des efforts accrus sans perte de rémunération + atteinte à l’intégrité physique ».

La transaction que Monsieur R. a signée stipule également qu’il exonère la compagnie d’assurances pour tout paiement effectué par sa mutuelle à partir de la date de la transaction et qu’il s’engage le cas échéant à rembourser les débours effectués par elle après cette date.

L’organisme assureur va, effectivement, continuer à indemniser Monsieur R. pendant près d’un an.

Il va, ensuite, le contacter et lui demander, vu que sa situation avait été régularisée, de rembourser le montant journalier des indemnités versées depuis la date de la signature. Pour ce qui est de la période antérieure, l’organisme assureur, qui a payé les indemnités à titre provisionnel, les récupère directement auprès de la compagnie d’assurances du tiers responsable.

Un litige va dès lors surgir entre Monsieur R. et sa mutuelle, celle-ci demandant le remboursement des indemnités versées et Monsieur R. introduisant une demande reconventionnelle afin d’obtenir les indemnités entières pour la période postérieure à la signature de la transaction.

La procédure

Le Tribunal du travail de Mons rend un jugement faisant droit à la demande principale au motif que les interventions de l’organisme assureur et celles de la compagnie d’assurances du tiers responsable couvrent le même dommage.

L’appel

La Cour du travail de Mons rend un premier arrêt, confirmant que la règle de l’interdiction de cumul des deux réparations doit trouver à s’appliquer. L’arrêt reprend les principes, étant que l’article 70, § 2, alinéa 1er, de la loi du 9 août 1963 (soit 136, § 2, alinéa 1er de la loi coordonnée le 14 juillet 1994) dispose que les prestations prévues par la loi sont refusées lorsque le dommage découlant d’une maladie, de lésions, de troubles fonctionnels ou du décès est réparé en vertu d’une autre législation (belge ou étrangère) ou du droit commun.

Si les sommes accordées en vertu de cette législation ou du droit commun sont inférieures aux prestations de l’assurance, l’assuré social a droit à la différence à charge de l’assurance. L’alinéa 5 de la même disposition dispose expressément que la convention intervenue entre le débiteur de la réparation et le bénéficiaire n’est pas opposable à l’organisme assureur sans son accord. L’arrêté royal d’exécution (arrêté royal du 4 novembre 1963 et actuellement arrêté royal du 3 juillet 1996) prévoit que l’octroi des prestations prévues à l’article 70, § 2 (ci-dessus) est subordonné à la condition que celui qui, pour lui-même ou pour les personnes à sa charge, fait appel aux prestations de l’assurance, mette son organisme assureur dans la possibilité d’exercer son droit.

La cour rappelle que l’assuré social est tenu à un triple devoir : (i) information de ce que le dommage qui motive cet appel est susceptible d’être couvert autrement, (ii) communication de tous les éléments ainsi que de toutes les circonstances de nature à établir si le dommage doit être réparé autrement, y compris les informations ou actes judiciaires dont lui-même ou les personnes à sa charge seraient l’objet à propos de ce dommage ainsi que (iii) information de toute action ou procédure engagée en vue d’obtenir pour lui-même ou pour les personnes à sa charge la réparation du dommage autrement.

Ces obligations sont claires et la cour précise encore qu’il résulte de ces dispositions que non seulement la transaction intervenue n’est pas opposable à l’organisme assureur, qui n’a pas marqué accord sur celle-ci, mais qu’en outre, si l’assuré social conclut une telle transaction à l’insu de son organisme assureur, il ne remplit pas les conditions d’octroi ci-dessus.

Il n’est pas contesté en l’espèce que ladite transaction est intervenue à l’insu de l’organisme assureur. Celui-ci signale cependant s’en tenir à sa réclamation initiale, qu’il a limitée au montant résultant du calcul effectué sur la base de la règle anti-cumul.

La cour va, en conséquence, considérer que l’appel n’est pas fondé.

Intérêt de la décision

Cet arrêt est l’occasion de rappeler une règle importante, en cas d’accident de roulage, notamment, où il est fréquent qu’une transaction soit proposée par l’assureur en droit commun. Si la victime bénéficie par ailleurs d’indemnités de mutuelle, elle est dès lors tenue de faire montre de la plus grande prudence et, par ailleurs, elle doit savoir qu’elle a des obligations en ce qui concerne les informations à communiquer à son organisme assureur.


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