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Obligations de la caisse de paiement et de l’ONEm en matière de constitution du dossier

Commentaire de Cass., 25 octobre 2010, R.G. S.09.0057.F

Mis en ligne le mercredi 16 mars 2011


Cour de cassation, 25 octobre 2010 R.G. n° : S.09.0057.F

TERRA LABORIS

Dans un arrêt du 25 octobre 2010, la Cour de cassation rappelle les principes relatifs à la constitution du dossier chômage : le dossier est complet lorsqu’il contient tous les éléments nécessaires pour permettre au directeur du Bureau régional de l’ONEm de statuer sur le droit aux allocations et pour fixer le montant de celles-ci. Lorsque le Bureau régional reçoit un tel dossier, il ne commet pas une faute en ne le renvoyant pas à l’organisme de paiement pour vérifier si un complément d’ancienneté ne doit pas être accordé.

Les faits de la cause

Le sieur Q.R. aurait dû percevoir, vu son passé professionnel de salarié, un complément d’ancienneté à partir du 30 juin 1997. Ce complément d’ancienneté ne lui a pas été accordé. A la suite d’une demande d’explication sur le calcul des allocations en 2001, l’ONEm a revu sa décision en lui attribuant le bénéfice dudit complément à partir du 1er octobre 1998. L’ONEm a en effet considéré qu’il n’avait reçu les données complètes relatives à la carrière professionnelle du chômeur que dans le courant du quatrième trimestre de l’année 2001 et a fait application de la prescription de trois ans. L’ONEm a ensuite revu sa décision de révision en portant à la baisse le montant du complément d’ancienneté.

Le chômeur a contesté cette limitation de ses droits au complément d’ancienneté devant le tribunal du travail de Tournai, dirigeant son recours à la fois contre l’ONEm et la CAPAC.

Les décisions des juridictions de fond

Par jugement du 1er décembre 2009, le tribunal décide que l’ONEm a fait une juste application de la réglementation mais a commis une faute résultant d’un manque d’information à l’égard du chômeur et d’un manque d’instruction ou à tout le moins d’une information erronée à l’organisme de paiement. Il a accordé au chômeur des dommages et intérêts équivalents au complément d’ancienneté pour la période allant du 30 juin 1997 au 30 septembre 1998. Il a décidé que la responsabilité de l’organisme de paiement n’était pas engagée.

L’ONEm a interjeté appel de cette décision, dirigeant cet appel tant contre le chômeur que contre la CAPAC.

Cet organisme a soutenu en degré d’appel que seule la responsabilité de l’organisme de paiement pouvait être mise en cause ; en effet il ne ressortait pas du dossier qui lui a été transmis que le chômeur pouvait se prévaloir d’un passé professionnel de 20 ans. Il a donc statué sur un dossier complet mais qui ne permettait pas d’établir le droit au complément. Il appartenait la CAPAC de réclamer au chômeur les documents complémentaires permettant d’établir que les conditions du droit au complément d’ancienneté étaient remplies.

Subsidiairement, l’ONEm a soutenu qu’allouer les dommages et intérêts équivalents aux montants qui n’ont pas été accordés au chômeur par application de la prescription reviendrait à priver cette prescription de sens. La prescription a donc interrompu le lien causal entre la faute et le dommage.

La CAPAC a soutenu qu’il appartenait à l’ONEm, informée que le chômeur avait 50 ans et avait commencé à travailler en 1965, de vérifier s’il avait tous les documents nécessaires pour statuer sur le droit aux allocations en ce compris le complément d’ancienneté et de lui renvoyer le dossier s’il était incomplet.

Le chômeur a maintenu sa demande de complément d’ancienneté et subsidiairement sa demande de dommages et intérêts à titre principal contre l’ONEm, à titre subsidiaire contre la CAPAC par la voie d’un appel incident.

Après un arrêt de réouverture des débats, la cour du travail, par un arrêt du 1er avril 2009, statuant sur la recevabilité de l’appel :

  • dit la requête d’appel irrecevable contre la CAPAC, aucun lien d’instance n’ayant été noué entre parties. En effet même s’ils sont conclu en s’imputant réciproquement la responsabilité éventuelle du dommage allégué par le chômeur, l’ONEm et la CAPAC n’étaient pas adversaires en première instance ;
  • dit l’appel incident du chômeur recevable.

Sur le fond, elle décide tout d’abord que la succession de révisions n’est pas prohibée par l’article 149 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

Elle considère ensuite que le chômeur n’a commis aucune faute. Il a répondu à la question posée sur le C1 qui est : « Quand avez-vous commencé à travailler comme salarié ou indépendant ? ». Il était en droit de considérer que son dossier était complet.

Par contre l’ONEm a commis une faute. Si la mention que le chômeur avait commencé son activité en 1965 ne lui suffisait pas, il lui appartenait de renvoyer le dossier à l’ONEm en mentionnant les documents manquants, ce qu’il n’a pas fait.

Pour la cour du travail, l’obligation d’information et d’instruction du dossier par l’organisme de paiement n’évince pas celle de l’ONEm qui élabore les documents prescrits, documents qui doivent permettre de recueillir auprès du chômeur les informations nécessaires notamment sur son passé professionnel. C’est à l’ONEm qu’incombe la mission première d’instruire les demandes.

Sur la thèse subsidiaire de l’ONEm, la faute que cet organisme a commise a engendré un dommage, précisément parce que la prescription est intervenue. Si tel n’avait pas été le cas, les arriérés auraient été payés. La prescription n’a donc pas rompu le lien causal avec la faute.

L’arrêt de la Cour de cassation

L’ONEm proposait un premier moyen dirigé contre la décision disant irrecevable son appel contre la CAPAC. Ce moyen est accueilli : il existe une instance liée entre deux parties, de nature à justifier la recevabilité de l’appel, lorsque ces parties ont déposé au premier degré de juridiction des conclusions l’une contre l’autre sur un point en litige. Tel était bien le cas en l’espèce dès lors que l’ONEm et la CAPAC ont conclu en s’imputant réciproquement la responsabilité éventuelle du dommage allégué par le chômeur.

Le second moyen faisait grief à l’arrêt d’avoir décidé que l’ONEm avait manqué à son obligation d’instruction.

L’ONEm invoquait la violation de différentes dispositions légales et plus spécialement celles qui régissent les missions respectives des organismes de paiement et de l’ONEm. Selon l’ONEm, le dossier reçu était complet dès lors qu’il permettait l’admission du chômeur au bénéfice des allocations de chômage. Cet organisme n’a pas pour obligation de se renseigner d’initiative auprès de chaque assuré social pour vérifier s’il n’a pas plus de droits que ce que révèle le dossier. C’était à l’organisme de paiement chargé d’instruire correctement la demande de joindre toutes les pièces susceptibles de justifier du droit à un complément.

La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Aux termes de l’article 90 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d’application de la réglementation du chômage, pour être complet, le dossier doit contenir tous les documents qui sont nécessaires pour statuer sur le droit aux allocations et pour fixer le montant de celles-ci. Or il ressort des constatations de l’arrêt et des pièces auxquelles la Cour de cassation peut avoir égard que les allocations ont été accordées sur la base d’un dossier complet.

Ce n’est que si le dossier est incomplet qu’en vertu de l’article 93, § 2, alinéa 1er, de l’arrêté ministériel il doit être renvoyé à l’organisme de paiement.

Dès lors que le dossier n’a en l’espèce pas été renvoyé à l’organisme de paiement et qu’il est constaté que les allocations ont été payées sans tenir compte du complément d’ancienneté, l’arrêt pouvait conclure à l’existence d’une faute dans le chef de l’ONEm uniquement.

Intérêt de la décision

L’arrêt de la cour du travail de Mons contient d’intéressantes conclusions sur la succession des décisions de révision et le devoir de révision. Nous n’abordons pas cet aspect du litige.

Précisions également que le pourvoi n’attaquait pas la décision en ce qu’elle fixait le montant des dommages et intérêts aux compléments d’ancienneté que le chômeur aurait dû recevoir, ce qui, soutenait l’ONEm, revenait à priver d’effet les règles de prescription.

Pour le surplus, cet arrêt de la Cour de cassation quant au rôle respectif de l’ONEm et l’organisme de paiement reste d’actualité, même si l’article 24 de l’arrêté royal a depuis lors été complété pour tenir compte de la Charte de l’assuré social (arrêté royal du 30 avril 1999).

Cet arrêt est donc l’occasion de souligner une nouvelle fois l’importance de mettre à la cause à la fois l’ONEm et l’organisme de paiement lorsqu’un chômeur n’a pas été complètement rempli de ses droits.

Sources

  • C.T. Mons, 4e ch., Juridat, F-20090401-8 – R.G. n° 20.491
  • Cass., 3e ch., Juridat, F-201001025-5 – R.G. n° S.09.0057.F

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