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Exigibilité des allocations de chômage et droit aux intérêts

Commentaire de Cass., 27 septembre 2010, R.G. S.09.0101.F

Mis en ligne le mercredi 23 février 2011


Cour de cassation, 27 septembre 2010 - R.G. n° : S.09.0101.F

TERRA LABORIS

Dans un arrêt du 27 septembre 2010, la Cour de cassation rappelle que la créance d’allocation de chômage est exigible dès la naissance du droit aux prestations. La circonstance que la reconnaissance du droit aux allocations dépend d’une décision judiciaire dans une instance nouée entre le chômeur et l’O.N.S.S. suite à une décision de non-assujettissement de cet organisme ne modifie pas cette règle.

Les faits de la cause

M. S.M. bénéficiait d’une décision d’admission aux allocations de chômage avec effet au 11 juin 1993. Le 29 mars 1995, l’O.N.Em. annule cette décision d’octroi suite à une décision de non-assujettissement prise par l’O.N.S.S.

Par un arrêt du mois de septembre 2003, la cour du travail de Liège donne raison à M. S.M. dans le litige contre l’O.N.S.S.

Celui-ci introduit alors auprès de l’O.N.Em une demande de révision qui est accueillie le 13 janvier 2004.

Il entend obtenir les intérêts sur les allocations de chômage à partir du 1er janvier 1997, date d’entrée en vigueur de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la Charte de l’assuré social.

L’arrêt de la cour du travail de Bruxelles du 14 août 2009

La cour du travail de Bruxelles statuait comme juridiction de renvoi ensuite d’un arrêt de la Cour de cassation du 9 juin 2008. Elle fait droit à la prétention de M. S.M. : il était admissible avant que la décision de non-assujettissement soit prise. En vertu de l’article 20 de la Charte, les intérêts sont dus de plein droit à partir de leur exigibilité, c’est-à-dire de la date à laquelle les prestations auraient dû être payées, qu’elles soient accordées en vertu d’une décision administrative ou d’une décision judiciaire. L’O.N.Em., institution de sécurité sociale, ne peut invoquer comme cause étrangère un retard imputable à une autre institution de sécurité sociale. Les articles 145, 149 et 163bis de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, moins favorables à l’assuré social, ne peuvent être invoqués pour faire échec à l’article 20 de la Charte.

La procédure devant la Cour de cassation

La requête en cassation soutient en substance que l’article 21bis de la Charte permet au Roi de déterminer les modalités relatives au calcul des intérêts – ce que le Roi a fait par les articles 145, 149 et 163bis de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. Par application de ces dispositions, les intérêts courraient à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel le sieur S.M. avait introduit un dossier complet sur la demande de révision, en d’autres termes avait produit la copie de l’arrêt rendu dans le litige O.N.S.S.

En toute hypothèse, soutient l’O.N.Em., les dispositions de l’arrêté royal sont compatibles avec l’article 20 de la Charte et ne constituent pas des dispositions moins favorables. En effet, une créance n’est exigible que quand le créancier est en droit d’en réclamer l’exécution immédiate. Or, en cas de contestation judiciaire de la qualité de travailleur, le droit aux allocations de chômage est conditionnel. Avant l’arrêt de la cour du travail de Liège, le chômeur ne remplissait dès lors pas la condition nécessaire à son admissibilité qu’est le statut de salarié.

La Cour rejette le pourvoi : la créance d’allocations de chômage est exigible dès la naissance du droit à ces prestations et il ne se déduit pas de la circonstance que la reconnaissance de ce droit dépende d’une décision judiciaire que la créance ne serait pas exigible dès sa naissance.

Intérêt de la décision

La Cour de cassation apporte un enseignement clair sur l’article 20 de la Charte. En rejetant le pourvoi en ce qu’il invoquait la violation des articles 145, 149 et 163bis, § 1er, alinéa 2, 3°, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, la Cour confirme aussi implicitement que ceux-ci établissent une règle moins favorable pour l’assuré social que l’article 20 de la Charte (sur ce que l’article 163bis de l’arrêté royal, censé concrétiser le principe établi par la Charte, s’emploie en réalité à le restreindre, cf. B. Graulich et P. Palsterman, Les droits et obligations du chômeur, Etudes pratiques de droit social, 2003, n°° 785 à 790 ; B. Graulich, « L’application de la Charte en matière de chômage et de pension », in Dix ans d’application de la Charte de l’assuré social, Actes de l’après-midi d’étude du 19 octobre 2007, Etudes pratiques de droit social, n° 157). Il était déjà acquis de la jurisprudence de la Cour de cassation que la date d’exigibilité était la date à partir de laquelle les prestations auraient dû être payées, peu importe qu’elles soient accordées en exécution d’une décision administrative ou d’une décision judiciaire (cf., not., Cass., 10 février 2003, Pas., 2003, I, p. 285 ; cf. ég., les arrêts de la Cour Constitutionnelle et notamment les arrêts n°° 78/2002 du 8 mai 2002, J.T.T., 2002, p. 501 et 35/2005 du 16 février 2005, Chron. Dr. Soc., 2006, p. 6). L’intérêt est ici que la décision judiciaire porte sur une contestation contre la décision de non-affiliation de l’O.N.S.S.

Référence : site Juridat, n° Justel F-20100927-2.


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