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Prescription d’une demande reconventionnelle du travailleur en reconnaissance de l’accident

Commentaire de C. trav. Mons, 20 avril 2009, R.G. 21.230

Mis en ligne le jeudi 28 octobre 2010


Cour du travail de Mons, 20 avril 2009, R.G. n° 21.230

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 20 avril 2009, la Cour du travail de Mons rappelle que l’employeur (secteur public) qui introduit une demande afin qu’il soit dit pour droit qu’il n’y a pas eu d’accident du travail n’a pas d’intérêt à agir. La Cour se prononcé également sur la prescription de la demande reconventionnelle introduite par le travailleur, qui n’est pas interrompue par l’action principale de l’employeur.

Les faits

Monsieur D. est victime d’un accident du travail en date du 31 janvier 2002 alors qu’il faisait un effort pour placer un pot de peinture de 30 kg dans un camion dont la margelle de chargement était située à 1,50 m du sol.

Il fait l’objet d’une décision par le MEDEX en date du 14 juin 2002, lequel considère qu’il ne persiste pas de séquelles de l’accident.

Par décision du 5 août 2002, l’employeur (administration communale) adresse une décision de non reconnaissance des faits. L’employeur évoque en effet un geste normal dans le cadre des activités professionnelles, qui ne rentrerait pas dans la définition de l’accident du travail.

Monsieur D. n’introduit aucune procédure. Par contre, sa délégation syndicale conteste la position de l’employeur par courrier ce qui amène celui-ci à introduire devant le tribunal du travail de Charleroi une action en justice (citation du 27 octobre 2003) aux fins qu’il soit dit pour droit que l’intéressé n’a pas été victime d’un accident du travail en date du 31 janvier 2002.

Monsieur D. attend le 5 octobre 2005 pour introduire une demande reconventionnelle, sollicitant du tribunal qu’il dise pour droit que les faits du 31 janvier 2002 sont constitutifs d’un accident du travail.

La position du tribunal

Le tribunal déclare la demande principale de l’employeur irrecevable, faute d’existence, dans son chef, d’un intérêt né et actuel. Il déclare par ailleurs la demande reconventionnelle de Monsieur D. prescrite dès lors que, introduite par conclusions du 5 octobre 2005, elle intervient plus de trois ans après la décision administrative qui constitue le point de départ du délai de prescription.

La position des parties en appel

C’est Monsieur D. qui interjette appel du jugement, contestant l’irrecevabilité de la demande originaire de son employeur. Il invoque en effet que celui-ci aurait intérêt à agir, notamment en ce qui concerne la qualification des absences. Il demande en conséquence la réformation du jugement en ce qu’il a déclaré la demande de l’employeur irrecevable et en ce qu’il a déclaré sa propre demande reconventionnelle non fondée.

L’employeur sollicite pour sa part la confirmation du jugement, confirmant n’avoir aucun intérêt à l’introduction de la procédure. A titre infiniment subsidiaire, il conteste l’existence de l’accident, invoquant un geste anodin et normal entrant dans le cadre de l’exercice habituel de la profession exercée par Monsieur D.

La position de la Cour

La Cour du travail de Mons examine tout d’abord si la demande principale originaire de l’employeur est ou non recevable. La question porte sur l’intérêt que peut avoir l’employeur à l’action introduite. La Cour rappelle que l’intérêt, au sens de l’article 17 du Code judiciaire, consiste en tout avantage, qu’il soit matériel ou moral, effectif (mais non théorique) que le demandeur peut retirer de la demande, l’intérêt s’appréciant au moment de l’introduction de celle-ci. A défaut il y a irrecevabilité, le défaut d’intérêt étant une fin de non recevoir.

En l’espèce, la Cour constate qu’effectivement, l’employeur n’a aucun intérêt à introduire l’action, dès lors que sa décision est en tout état de cause devenue définitive une fois le délai de prescription écoulé. Elle confirme dès lors le jugement sur ce point.

Quant au fondement de la demande reconventionnelle introduite par la victime qui sollicitait la reconnaissance des faits comme accident du travail, la Cour rappelle tout d’abord que la recevabilité de cette demande reconventionnelle ne dépend pas de celle de la demande principale, la demande reconventionnelle étant autonome. En conséquence, sa recevabilité doit être examinée au regard des éléments qui lui sont propres.

Par contre, la Cour rappelle, en raison de cette autonomie, que la demande reconventionnelle ne bénéficie pas de l’effet interruptif attaché à la demande principale.

Rappelant le délai prescrit par l’article 20, alinéa 1er de la loi du 3 juillet 1967, la Cour constate que le délai de prescription est de trois ans, prenant cours au jour de la décision de refus de reconnaissance des faits par l’employeur, refus notifié par lettre du 5 août 2002.

Le délai de prescription s’étend donc du 6 août 2002 au 5 août 2005, de sorte que la demande, introduite par voie reconventionnelle le 5 octobre 2005, intervient tardivement.

La Cour confirme en conséquence le jugement.

Intérêt de la décision

Dans la mesure où dans le secteur public, c’est à l’employeur de prendre une décision sur l’existence des faits, de même que sur l’indemnisation, l’employeur n’a pas à faire reconnaitre l’absence d’accident du travail par les juridictions du travail. C’est ce que confirme la Cour du travail de Mons dans l’arrêté annoté.

Elle précise par ailleurs que la demande reconventionnelle ne bénéficie pas de l’effet interruptif attaché à la demande principale. En l’espèce, l’application de ces deux principes conduit au rejet de la demande de reconnaissance des faits introduite par le travailleur, celui-ci ayant laissé passer le délai de prescription.


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