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Calcul de l’indemnité compensatoire de préavis : questions diverses et applicabilité d’une clause sectorielle de stabilité d’emploi après transfert conventionnel d’entreprise entrainant un changement de secteur

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 16 mars 2010, R.G. 9.342/08

Mis en ligne le mardi 21 septembre 2010


Tribunal du travail de Bruxelles, 16 mars 2010, R.G. 9.342/08

TERRA LABORIS A.S.B.L.

Dans un jugement du 16 mars 2010, le Tribunal du travail de Bruxelles est appelé à trancher quant à la base de calcul d’une indemnité compensatoire de préavis (avantages inclus), mais également sur l’applicabilité des dispositions en matière de sécurité d’emploi du secteur des assurances à une entreprise qui relève de la C.P. 218 dans un contexte de transfert conventionnel d’entreprise, le travailleur bénéficiant initialement des C.C.T. conclues au sein de la C.P. 306.

Les faits

Monsieur R. est initialement engagé par une entreprise relevant du secteur des assurances, au sein de la direction immobilière de celle-ci.

Suite à des réaménagements successifs du groupe, l’entité dans laquelle il preste fait l’objet de divers transferts conventionnels d’entreprise, de sorte que, in fine, l’entreprise employeur ne relève plus du secteur des assurances mais bien de la commission paritaire 218.

Deux transferts conventionnels d’entreprise sont intervenus et des conventions collectives d’entreprise ont été conclues, visant à modaliser ces transferts et consacrant le maintien des avantages contractuels et sectoriels liés à l’engagement initial.

Alors que l’intéressé ne fit l’objet d’aucun avertissement et que la dernière évaluation de ses prestations se clôtura positivement (entrainant d’ailleurs l’octroi d’une gratification élevée), il est licencié fin 2007, moyennant le paiement d’une indemnité de rupture, et ce sans que les procédures prévues par les dispositions en matière de stabilité d’emploi du secteur des assurances n’aient été respectées par l’employeur.

Vu le désaccord sur la base de calcul des diverses indemnités (l’employeur ayant proposé de payer l’indemnité de stabilité d’emploi), une procédure judiciaire est engagée et, dans celle-ci, il y a contestation quant aux avantages rémunératoires, mais également quant à l’applicabilité des dispositions du secteur des assurances relatives à la stabilité d’emploi.

Position des parties devant le Tribunal

Sur la question de la base de calcul des indemnités, les parties s’opposent quant à l’inclusion, dans la rémunération de base, de l’évaluation de l’avantage en nature que constitue l’usage privé du véhicule, du caractère rémunératoire de l’usage privé du GSM, mais également de l’intervention de l’employeur dans les frais de stage et encore du caractère rémunératoire des frais forfaitaires payés par la société.

Sur la question de l’indemnité de stabilité d’emploi, l’employeur fait valoir qu’il n’existerait aucune base légale à l’application des conventions collectives existant au sein de la commission paritaire des assurances, dès lors qu’il relève lui-même d’une autre commission paritaire, au sein de laquelle aucune disposition en matière de stabilité d’emploi n’existerait.

Le travailleur oppose à cette argumentation que les clauses de stabilité d’emploi prévues au sein de la commission paritaire initialement compétente sont des clauses normatives individuelles, qui se sont intégrées à son contrat, lequel n’a jamais été modifié sur ce point. Par ailleurs, il se repose sur le mécanisme du transfert conventionnel d’entreprise, qui emporte le maintien des avantages existants au sein du cédant, en ce compris les dispositions en matière de stabilité d’emploi, telles que prévues par l’article 20 de la loi du 5 décembre 1968, ainsi que la convention collective n° 32bis. Il rappelle par ailleurs que le maintien des dispositions des conventions collectives de travail a été explicitement confirmé par les conventions collectives d’entreprise conclues.

Position du Tribunal

Sur la question de l’applicabilité des dispositions en matière de stabilité d’emploi de la commission paritaire des assurances, le Tribunal fait sienne l’argumentation développée par le travailleur, relevant en outre que, par la convention collective d’entreprise, la société s’est engagée à respecter les dispositions de stabilité d’emploi, engagement qu’elle pouvait parfaitement souscrire, s’agissant d’aggraver ses obligations et tandis que la commission paritaire dont elle dépend (218) ne contient aucune disposition similaire en matière de stabilité d’emploi.

Le Tribunal fait donc droit à la demande liée à l’indemnité de stabilité d’emploi.

Par ailleurs, concernant les litiges sur la base de calcul, le Tribunal reconnaît qu’il y a avantage en nature quant à l’utilisation privée du GSM, puisque le travailleur a pu faire l’économie des frais d’acquisition du GSM ainsi que des frais d’abonnement et de communications. Ceux-ci sont évalués à 600 € par an.

Une autre contestation porte sur le caractère rémunératoire des frais forfaitaires. A cet égard, le Tribunal fait siens les principes dégagés par la jurisprudence en matière de cotisations de sécurité sociale, à savoir qu’il y a lieu de vérifier, pour maintenir le caractère forfaitaire des frais, qu’il s’agit de frais effectifs correspondant à des dépenses réellement encourues ou supportées par le travailleur et dont le caractère forfaitaire est suffisamment raisonnable sur la base des éléments concrets apportés. Le Tribunal relève encore que les frais ou dépenses doivent être consécutifs à l’exécution du contrat de travail et ne peuvent conduire à un enrichissement dans le chef du travailleur. En l’espèce, faute d’établir les dépenses qui seraient visées par le forfait, le Tribunal admet le caractère rémunératoire des sommes versées quant à ce.

Relevons enfin que le Tribunal tranche encore d’autres questions, étant d’une part la rémunération due pour les jours fériés tombant dans les 30 jours de la rupture, relevant que la charge de la preuve d’une nouvelle occupation pendant ce délai est à charge de l’employeur, ainsi que la base de calcul des intérêts, retenus sur le brut.

Intérêt de la décision

Cette décision confirme le mécanisme applicable en cas de transfert conventionnel d’entreprise concernant les clauses de stabilité d’emploi qui seraient issues d’une commission paritaire dont dépendait le premier employeur. Rappelons à cet égard que les dispositions normatives individuelles s’intègrent au contrat de travail et suivent donc le travailleur lors des différentes transmissions de plein droit de son contrat. La réglementation applicable au transfert, qu’elle soit contenue dans la C.C.T. 32bis ou la directive européenne ou encore dans l’article 20 de la loi du 5 décembre 1968, confirme également le maintien des dispositions normatives des conventions collectives applicables au cédant.


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