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Chômage économique dans le secteur de la construction : importance de la notification portant sur le premier jour de chômage effectif de chaque mois civil

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 3 décembre 2009, R.G. 2008/AB/51.207

Mis en ligne le mercredi 2 juin 2010


Cour du travail de Bruxelles, 3 décembre 2009, R.G. 2008/AB/51.207

TERRA LABORIS ASBL – Sophie REMOUCHAMPS

Dans un arrêt du 3 décembre 2009, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que, dans le secteur de la construction, l’employeur qui recourt à la suspension du contrat pour manque de travail pour raisons économiques supporte, pour l’intervention de l’ONEm, une double obligation de notification. La Cour se prononce sur la seconde obligation, portant sur la notification du premier jour de chômage effectif pour chaque mois civil. A défaut, les allocations de chômage ne peuvent être octroyées pour la période qui précède la notification. La Cour confirme par ailleurs qu’elle est sans pouvoir pour accorder une dérogation, elle-même non prévue par la réglementation.

Les faits

La S.P.R.L. M., qui relève du secteur de la construction, procède à la notification d’une mise au chômage temporaire pour raisons économiques d’un ouvrier, pour la période du 7 mai au 1er juin 2007. Vu le départ de l’employé qui s’occupait des démarches administratives, le gérant omet de procéder à la seconde notification imposée par la réglementation applicable (article 51, §3 quater de la loi du 3 juillet 1978 et article 3 de l’arrêté royal du 3 mai 1999).

La notification du premier jour de suspension effective du mois civil n’est effectuée, pour le mois de mai, qu’en date du 31 mai (alors que le premier jour de suspension effective est le 7 mai).

Vu la communication tardive, l’ONEm notifie, par décision du 1er juin 2007, son refus d’indemniser la période de chômage temporaire à partir du 7 mai 2007. Une dérogation à l’obligation de communication du premier jour du chômage est également refusée.

Le gérant de la société saisit en conséquence le Tribunal du travail d’un recours à l’encontre de cette décision.

Le Tribunal annule la décision notifiée et considère dès lors que la période de chômage temporaire dans son intégralité devait être acceptée par l’ONEm.

Position des parties en appel

L’ONEm interjette appel de cette décision, faisant valoir que le premier juge n’a pas respecté la réglementation, qui impose à l’employeur une double obligation en matière de notification, étant d’une part une notification préalable aux ouvriers et à l’ONEm de la date prévue de la suspension et, d’autre part, la communication, chaque mois, du premier jour de chômage effectif. L’ONEm, constatant que cette seconde notification n’a pas été effectuée dans les délais, considère que sa position est fondée.

Le gérant de la société fait quant à lui valoir qu’il s’agissait de la première erreur commise en 25 ans, erreur due au départ de l’employé habituellement chargé des formalités administratives. Il précise par ailleurs l’impact de la décision de l’ONEm, qui le contraint à prendre en charge la rémunération du travailleur (correspondant à 2 mois).

Décision de la Cour

La Cour du travail, rappelant le prescrit de l’article 51 de la loi du 3 juillet 1978, de même que l’arrêté royal du 3 mai 1999, constate que, dans le secteur de la construction, les employeurs supportent en effet deux obligations de notification distinctes, à savoir d’une part la notification à l’avance de la date et des motifs de la suspension et, ensuite, la notification, pour chaque mois, du premier jour de chômage effectif (premier jour de suspension effective du contrat).

La Cour constate que le respect de cette double obligation n’a pas été constaté par le premier juge, de sorte que le jugement ne peut être confirmé.

La Cour rappelle par ailleurs l’attention du législateur ayant présidé à l’introduction d’un ajout dans l’article 51, §3 quater, qui permet au Roi d’imposer la seconde notification, et ce en vue de contrer les fraudes. La Cour en conclut que cette formalité est considérée comme importante par le législateur.

Si elle constate par ailleurs que le libellé de l’arrêté royal du 3 mai 1999 n’est pas d’une clarté parfaite, elle considère néanmoins que cette double notification doit être opérée et ne peut l’être avec effet rétroactif.

La seconde notification n’ayant été effectuée que le 31 mai, la Cour rappelle que, en application de l’article 51, §7 de la loi du 3 juillet 1978, l’employeur supporte effectivement l’obligation de payer la rémunération du travailleur pour la période précédant la date effective de la seconde notification.

Enfin, elle considère que, la réglementation ne prévoyant pas la possibilité de demander une dérogation à cette notification, elle est elle-même sans pouvoir pour examiner si l’ONEm aurait dû accorder pareille dérogation.

Le jugement est en conséquence réformé.

Intérêt de la décision

L’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle toute l’importance des formalités reposant sur l’employeur en matière de suspension du contrat de travail pour manque de travail résultant de causes économiques. Dès lors que les notifications imposées à l’employeur vis-à-vis de l’ONEm ne sont pas respectées, l’employeur supporte la charge du salaire.

La Cour se prononce ici plus précisément sur une obligation qui peut être imposée dans certains secteurs, à savoir celle de la communication du premier jour de chômage effectif de chaque mois civil. Cette obligation existe dans le secteur de la construction. Elle n’est pas prévue en tant que telle par le régime subsidiaire prévu par la loi (qui délaisse au Roi le soin d’imposer pareille formalité).


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