Terralaboris asbl

L’exercice d’une activité accessoire pendant une période de chômage : quelles conditions sont à remplir pour que celle-ci ne fasse pas obstacle au droit aux allocations de chômage ?

C. trav. Mons, 8 juin 2006, R.G. 18.501

Mis en ligne le vendredi 28 décembre 2007


Cour du travail de Mons, 8 juin 2006, R.G. 18.501

Terra Laboris asbl – Sophie Remouchamps

En principe, l’exercice d’une activité, quelle qu’elle soit - même non rémunérée - fait obstacle au droit aux allocations de chômage (le travailleur n’étant pas privé de travail, qui est l’une des conditions d’octroi des allocations). Une exception est cependant prévue en cas d’activité exercée à titre accessoire. Dans son arrêt du 8 juin 2006, la cour du travail de Mons a eu l’occasion de rappeler les principes applicables en la matière et de préciser le contour de certains de ceux-ci.

Les faits

Monsieur X prestait comme ouvrier magasinier au sein d’une société Y depuis 1991. Suite à un accident de roulage, il est mis en incapacité temporaire de travail à partir du 20 juillet 2000.

Il est par la suite autorisé à reprendre un travail adapté en avril 2001. Faute de pareil poste au sein de l’entreprise, son contrat de travail est suspendu pour force majeure le 9 avril 2001. Le travailleur sollicite alors le bénéfice des allocations de chômage temporaire, qui lui sont octroyées jusqu’au 29 octobre 2001.

A cette date, le bureau de chômage de Charleroi refuse en effet de poursuivre l’indemnisation dans le cadre du chômage temporaire, et ce en raison d’une décision du médecin agréé par l’ONEm, qui a considéré le travailleur comme définitivement inapte à reprendre le travail chez son employeur.

Le travailleur introduit alors une demande d’allocations de chômage complet avec effet au 1er octobre 2001.

Dans le cadre de cette demande, le travailleur déclare, par le biais du formulaire ad hoc, exercer une activité accessoire de vente et placement de châssis depuis avril 1994 et avoir l’intention de l’exercer pendant son chômage, chaque jour de la semaine après 18 heures, ainsi que les samedi, dimanche et jours fériés.

Après audition, le bureau de chômage refuse l’octroi des allocations de chômage, au motif que le travailleur n’aurait pas exercé effectivement l’activité pendant une période de trois mois précédant la demande d’allocations.

Le travailleur introduit dès lors un recours devant le tribunal du travail de Charleroi.

La décision du tribunal

Le tribunal déboute le travailleur de sa demande, estimant qu’il n’établit pas à suffisance l’exercice réel d’une activité accessoire de vente et pose de châssis durant les mois d’avril à juillet 2000 (c’est-à-dire pendant la période de trois mois précédant son incapacité de travail).

Position des parties

Le litige, qui concerne initialement une des conditions édictées au maintien du droit aux allocations de chômage en cas d’activité accessoire (exercice de l’activité accessoire pendant une occupation à temps plein en qualité de travailleur salarié) s’est étendu à d’autres conditions dans le cadre de la procédure d’appel.

En effet, après avoir abandonné l’argument de l’absence d’exercice effectif de l’activité accessoire pendant la période d’activité salariée, l’ONEm fait alors valoir que l’activité ne présenterait pas le caractère d’une profession accessoire, et ce au regard du montant des bons de commande et des revenus perçus. Il semble ainsi que, pour conclure au caractère non accessoire de l’activité, l’ONEm se soit saisi des éléments de preuve apportés par le travailleur afin établir l’exercice de l’activité pendant la période de référence.

Par ailleurs, le ministère public soulève la question de savoir si l’activité ne constituerait pas une activité visée par la loi du 6 avril 1960 concernant l’exécution de travaux de construction, c’est-à-dire une activité qui fait obstacle à l’octroi des allocations.

Position de la cour

Vu que le litige se noue, au stade de l’appel, sur des conditions et circonstances différentes de celles reprises dans la décision entreprise, la cour est amenée à rappeler que sa saisine n’est pas limitée au seul motif notifié de refus et que, vu que le travailleur demande à être réintégré dans ses droits aux allocations de chômage, il y a lieu d’examiner, au-delà de la motivation de l’acte administratif, si le travailleur remplit effectivement l’ensemble des conditions d’octroi.

A l’examen de celles-ci, la cour rappelle le prescrit de l’article 48 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, qui prévoit que le travailleur peut conserver le droit aux allocations de chômage lorsqu’il exerce une activité accessoire, s’il satisfait aux conditions requises (en faire la déclaration préalable ; avoir déjà exercé cette activité durant une période pendant laquelle il était occupé comme travailleur salarié, et ce durant au moins les trois mois précédant sa demande d’allocations ; exercer cette activité principalement entre 18 heures et 7 heures ; ne pas exercer certains types d’activité).

La cour du travail examine dès lors en premier lieu si l’activité a été exercée antérieurement à la demande d’allocations de chômage. Elle rappelle que la période de trois mois prescrite est prolongée par les périodes de chômage temporaire dans la profession principale et par les périodes d’impossibilité de travailler pour des raisons de force majeure. En conséquence, la période de trois mois précédant la demande du 1er octobre 2001 doit être prolongée de la durée de l’incapacité de travail débutant le 20 juillet 2000. Ainsi, le travailleur doit prouver l’existence de l’exercice effectif de l’activité accessoire du 20 avril 2000 au 30 septembre 2001. Sur ce point, la cour estime que la preuve est établie à suffisance de droit par les bons de commande, factures d’achat, relevés TVA et pièces relatives aux taxes professionnelles déposées par le travailleur. La condition examinée est, en l’espèce, remplie.

La cour examine ensuite si l’activité accessoire est l’une des activités exclues, étant en l’espèce de savoir s’il s’agit d’une activité qui, en vertu de la loi du 6 avril 1960 concernant l’exécution des travaux de construction, ne peut être exercée. Le champ d’application défini par l’article 1er de la loi fait l’objet d’exceptions reprises à l’article 3. Parmi ces exceptions figurent les prestations fournies par le travailleur indépendant, seul ou assisté d’aidants familiaux, si ce travailleur indépendant est immatriculé au registre de commerce ou au registre de l’artisanat comme entrepreneur ou s’il se présente comme tel au public par enseigne, publicité ou autrement. Relevant que l’activité accessoire exercée par le travailleur répond à ces conditions, la cour estime la condition prévue par l’article 48 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 remplie. Elle rappelle que l’activité visée par cette disposition est définie non par sa nature mais par l’interdit contenu dans la loi du 6 avril 1960. L’intéressé étant exclu du champ d’application de la loi, il ne peut être concerné par cet interdit, de sorte que son activité accessoire est compatible avec le bénéfice des allocations de chômage.

Enfin, la cour se penche sur le caractère accessoire de l’activité. Elle rappelle ainsi que l’article 48 prévoit que le droit aux allocations de chômage est refusé au chômeur dont l’activité, en raison du nombre d’heures de travail ou du montant des revenus, ne présente pas ou ne présente plus le caractère d’une activité accessoire. En l’espèce, le travailleur a pu concilier, pendant près de 7 ans, l’exercice de son activité complémentaire avec l’exercice d’un emploi salarié à temps plein et les bons de commandes ne suffisent pas à établir le caractère non accessoire, le texte légal se référant aux critères du nombre d’heures de travail et/ou du montant des revenus.

La cour du travail accueille ainsi l’appel du travailleur.

Importance de la décision

Le mérite de cette décision est de préciser le contour des différentes conditions imposées par l’article 48 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, que le travailleur doit remplir pour pouvoir cumuler l’exercice d’une activité accessoire avec le bénéfice des allocations de chômage.

Par ailleurs, la cour rappelle que c’est bien sur l’ONEm que repose la charge de la preuve du caractère non accessoire de l’activité et que ce dernier doit se fonder sur les critères prévus par la réglementation pour étayer sa position (c’est-à-dire se fonder sur le nombre d’heures de travail imposés par l’activité accessoire et/ou sur l’importance des revenus générés par celle-ci). A juste titre, la cour se fonde sur la circonstance que le travailleur a pu, pendant de nombreuses années, cumuler l’activité accessoire avec un emploi salarié à temps plein. Cet élément est en effet un élément d’appréciation non négligeable du caractère accessoire ou non de l’activité.


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