Terralaboris asbl

Notion de bonne foi quant à la récupération des allocations de chômage

Commentaire de C. trav. Mons, 8 avril 2009, R.G. 21.113

Mis en ligne le mercredi 14 avril 2010


Cour du travail de Mons, 8 avril 2009, R.G. 21.113

TERRA LABORIS ASBL – Sophie REMOUCHAMPS

Dans un arrêt du 8 avril 2009, la Cour du travail de Mons est amenée à préciser la notion de bonne foi utilisée par l’article 169, alinéa 2 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, permettant de limiter la récupération des allocations de chômage indues aux 150 derniers jours. Elle retient qu’il y a lieu de prendre en considération l’ensemble des circonstances entourant le comportement du chômeur et que son ignorance de l’infraction constitue un élément important.

Faits et rétroactes

Monsieur H. devient gérant d’une société alors qu’il bénéficie d’allocations de chômage. Il s’associe en effet avec un tiers aux fins de racheter les parts sociales d’une entreprise. Il est nommé gérant, alors que, ouvrier de formation, il ne possède pas les compétences requises pour l’exercice de la fonction de gérant. Les documents sont préparés par l’associé, sur lesquels il appose alors sa signature.

Ignorant ses obligations vis-à-vis de l’ONEm, Mr H. ne fait aucune déclaration préalable de cette activité de gérant, qui a débuté en avril 2006.

A partir du mois de janvier 2007, il renonce aux allocations de chômage, ayant une activité (associé actif) au sein de la société.

Lors d’un contrôle opéré en mars 2007, sa qualité de gérant est « découverte ». Lors de son audition, l’intéressé soulignera la gratuité du mandat, l’absence de tout revenu tiré de l’activité ainsi que l’absence d’activité en elle-même, dès lors qu’il ne dispose d’aucune compétence en matière de gestion. Nonobstant ses explications, le directeur du bureau de chômage compétent décide de l’exclure du bénéfice des allocations de chômage d’avril 2006 à décembre 2006, de récupérer les allocations indument perçues pendant cette période et, enfin, d’exclure Mr H. du bénéfice des allocations de chômage à concurrence de 8 semaines. Les allocations à rembourser s’élèvent à plus de 8.000 €.

L’intéressé conteste la décision devant le Tribunal du travail de Mons qui le déboute et confirme la décision administrative.

Mr H. interjette en conséquence appel, limitant cependant celui-ci à la question de la récupération ainsi que de la sanction administrative. Pour ce qui concerne la récupération, il demande l’application de l’article 169, alinéa 3, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 (limitation de la récupération aux jours réellement prestés) et, à titre subsidiaire, limitation de la récupération aux 150 derniers jours (application de l’article 169, alinéa 2). Quant à la sanction, il en sollicite la réduction au minimum (une semaine).

La position de la Cour

La Cour examine d’abord la question de la prescription, sous l’angle de la limitation de la récupération aux jours réellement prestés. Elle commence par rappeler que le mandat de gérant au sein d’une société commerciale constitue une activité pour son propre compte au sens de l’article 45, alinéa 1er, 1°, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. La Cour précise encore, conformément à la jurisprudence que l’activité est exercée dans un but de lucre, même si elle ne rapporte pas de revenu.

Elle relève, sur le plan factuel, que l’intéressé ne prouve pas les allégations quant aux jours consacrés à l’activité de gérant, de sorte qu’il ne peut bénéficier de la limitation aux jours réellement prestés - faute d’établir ceux-ci. La Cour examine ensuite si la récupération peut être limitée en application de l’article 162, alinéa 2, soit en raison d’une perception de bonne foi des allocations de chômage (limitation 150 derniers jours).

La Cour examine ensuite la notion de bonne foi, relevant que celle-ci ne fait l’objet d’aucune définition et que son contenu est apprécié très diversement par les juridictions du travail, la notion apparaissant comme ouverte, vague et indéterminée, tributaire des jugements de valeur des uns et des autres.

Elle retient cependant qu’il y a bonne foi dès lors que le chômeur se comporte avec la loyauté et l’honnêteté dont pourrait faire preuve une personne normalement prudente et raisonnable. La Cour note ainsi qu’il y a lieu de prendre en considération les circonstances qui entourent le comportement du chômeur. Elle relève encore que, dès lors que l’ignorance d’être en infraction est raisonnable dans le chef du chômeur, la bonne foi peut être retenue. Elle souligne à cet égard la complexité de la réglementation, dont certains aspects sont même mal compris par les juristes spécialisés.

La Cour s’attache donc à examiner les éléments de fait et relève que l’intéressé dépose les éléments permettant d’établir que la société n’a pu entamer ses activités qu’en janvier 2007 (moment où il a renoncé volontairement au bénéfice des allocations de chômage). Elle retient encore la qualité de l’intéressé (ouvrier n’ayant pas les compétences requises pour exercer seul la fonction de gérant). Elle relève que l’intéressé soutient avoir ignoré ne pouvoir cumuler un mandat gratuit de gérant avec les allocations de chômage. Sur cette question, la Cour relève qu’effectivement, la situation des mandataires de sociétés commerciales a fait l’objet d’appréciations divergentes jusqu’à ce qu’un certain consensus s’instaure en jurisprudence. La Cour relève par ailleurs que l’activité de gérant n’est pas reprise sur les formulaires de l’ONEm en tant que telle.

La Cour admet dès lors la bonne foi et limite la récupération aux 150 derniers jours.

Sur base de cette bonne foi, de même que l’absence de sanction antérieure, la Cour ordonne également la réduction de la sanction à son minimum, soit à savoir, une semaine.

Intérêt de la décision

L’arrêt éclaire sur la notion de bonne foi et constitue une application pratique intéressante, notamment en ce qu’il se fonde sur l’ignorance du chômeur de ses obligations et d’éventuelles infractions qu’il commettrait.


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