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Critères de l’appréciation de la disposition au travail

Commentaire de Trib. trav. Charleroi, 19 janvier 2010, R.G. 09/2754/A

Mis en ligne le mardi 30 mars 2010


Tribunal du travail de Charleroi, 19 janvier 2010, R.G. 09/2754/A

A.S.B.L. TERRA LABORIS – Mireille JOURDAN

Dans un jugement du 29 janvier 2010, le tribunal du travail de Charleroi rappelle les contours de la notion de disposition au travail au sens de la loi du 26 mai 2002 sur le droit à l’intégration sociale.

Les faits

Un demandeur, d’origine roumaine, effectue en 2008 des démarches pour obtenir le droit au séjour (ressortissant de l’Union Européenne). Il a, précédemment, séjourné illégalement pendant plusieurs années sur le territoire belge avec sa famille.

Parallèlement à ses démarches pour obtenir le droit au séjour, il s’inscrit à la Banque Carrefour des Entreprises en qualité de travailleur indépendant et s’affilie auprès d’une Caisse d’assurances sociales.

Il bénéficie, en conséquence, d’une attestation d’enregistrement de la part de l’administration communale de Charleroi et, ensuite, d’une carte de séjour de type E (droit au séjour en qualité de ressortissant d’un Etat membre de l’Union Européenne).

Le 31 mars 2009, il met un terme à ses activités, celles-ci ayant stagné, et se présente au CPAS aux fins d’obtenir une aide financière.

Le CPAS refuse, au motif que l’activité professionnelle d’indépendant aurait été clôturée dès l’obtention de l’autorisation de séjour et que, par ailleurs, n’étant pas titulaire d’un permis de travail B, l’intéressé ne pouvait ni occuper une activité salariée ni être inscrit au FOREM.

Un recours est introduit contre cette décision.

Position du Tribunal du travail

Le Tribunal est amené à examiner les conditions dans lesquelles un demandeur peut prétendre au bénéfice de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale. Il relève ainsi les conditions reprises à l’article 3 de la loi du 26 mai 2002, relevant que les CPAS ont pour mission d’assurer le droit à l’intégration sociale, dès lors que les conditions qui figurent dans ces dispositions sont remplies.

Parmi celles plus spécifiquement visées par le présent cas d’espèce, il y a lieu de vérifier que le demandeur ne dispose pas de ressources suffisantes ou qu’il ne peut y prétendre ni être en mesure de se les procurer, soit par ses efforts personnels soit par d’autres moyens (article 3, 4°) et, par ailleurs, qu’il est disposé à travailler à moins que des raisons de santé ou d’équité ne l’en empêchent (article 3, 5°).

Pour le Tribunal, la disposition à travailler au sens de l’article 3, 5° doit être appréciée de façon raisonnable et individualisée, tenant compte des capacités personnelles du demandeur du revenu d’intégration. Il ne peut, ainsi que le rappelle le juge, notamment être question de transposer sans plus les critères applicables en matière d’assurance chômage (et le jugement de renvoyer d’une part à un arrêt de la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, sect. Namur, 12e Chambre, 6 mars 1995, R.G. 4.669/93) et aux travaux de la Commission Université Palais (Formation Permanente CUP, Volume VIII, 26 avril 1996, « Questions relatives au minimex et à l’aide sociale », p. 95).

Le Tribunal insiste encore plus particulièrement sur un autre arrêt de la Cour du travail de Liège du 18 décembre 2006 (R.G. 33.638/04), qui a jugé que, au sens de la loi du 26 mai 2002, la notion de disposition au travail doit s’apprécier non plus seulement au regard des efforts déployés par le demandeur mais en considération des démarches faites par celui-ci comparées à celles mises en œuvre par le CPAS pour l’assister dans sa recherche. Le droit à l’intégration sociale par l’emploi ne dispense certes pas de chercher du travail mais la loi du 26 mai 2002, rompant avec le système en vigueur dans le cadre de la loi sur le minimex de 1974, construit expressément la réforme qu’elle instaure sur la mission d’insertion professionnelle dévolue au CPAS. Cet arrêt a relevé en outre qu’il n’appartient pas au CPAS de refuser le droit à l’intégration sociale à un demandeur en raison d’un défaut de disponibilité au travail aussi longtemps qu’il n’a pas mis lui-même en œuvre les moyens à sa disposition pour aider à cette réinsertion professionnelle, et ce le cas échéant par l’établissement d’un projet individualisé d’intégration sociale. Celui-ci peut tenir compte des possibilités de mise au travail.

Le Tribunal du travail va relever qu’en l’espèce le CPAS n’a pas mis en place les moyens ou les services afin d’assister le demandeur dans sa recherche d’emploi. Il n’a pas davantage proposé l’établissement d’un projet individualisé d’intégration sociale, s’étant au contraire limité à constater que le demandeur du revenu d’intégration était dans l’impossibilité d’obtenir un emploi salarié ou de s’inscrire comme demandeur d’emploi du fait de l’absence de permis de travail. C’est sur ces bases qu’il a été écarté du droit au revenu d’intégration ainsi qu’à toute autre forme d’aide.

Le Tribunal insiste, ensuite, sur le fait qu’il appartenait au CPAS, dans sa mission générale d’aide et d’assistance, d’avoir un rôle proactif : conseiller et orienter le demandeur en ses démarches afin soit de trouver du travail soit d’obtenir le permis nécessaire, ou encore, si possible, lui proposer un emploi dans le cadre des possibilités offertes par la loi du 8 juillet 1976 organique des Centres publics d’Action sociale, en son article 60.

La condition de disposition au travail est dès lors rencontrée, d’une part vu la carence du CPAS et, d’autre part vu les démarches effectuées par l’intéressé, qui s’était malgré tout installé comme travailleur indépendant.

Intérêt de la décision

Le Tribunal du travail de Charleroi rappelle dans ce jugement d’une part que les critères relatifs à la disponibilité sur le marché de l’emploi tels qu’exigés dans le cadre de la réglementation chômage ne sont pas transposables en revenu d’intégration sociale et d’autre part que la disposition au travail au sens de la loi du 26 mai 2002 doit être appréciée de façon raisonnable et individualisée et qu’il y a lieu de tenir compte des capacités personnelles du demandeur d’aide.


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