Terralaboris asbl

Régularisation des cotisations provisoires (activité exercée par un pensionné)

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 13 novembre 2009, R.G. 47.165

Mis en ligne le mardi 30 mars 2010


Cour du travail de Bruxelles, 13 novembre 2009, R.G. n° 47.165

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 13 novembre 2009, la Cour du travail de Bruxelles examine le caractère rétroactif ou non d’un arrêté royal du 14 novembre 2002 venu modifier le montant des cotisations dues dans le cadre de l’activité autorisée exercée par un pensionné

L’objet du litige

Le litige porte sur un complément de cotisations au statut social des travailleurs indépendants, pour les années 2002 à 2004, réclamé à un pensionné exerçant une activité autorisée.

Un premier arrêt de la Cour du travail (12 décembre 2008) a réglé le sort des cotisations elles-mêmes étant des cotisations dont l’intéressée considérait qu’elles avaient été payées en trop, de même que le point relatif à la base de calcul.

La Cour a cependant rouvert les débats sur un problème spécifique à l’année 2002, étant un supplément de cotisations, majorations et frais et, particulièrement au vu de l’arrêté royal du 14 novembre 2002 s’appliquant pour les cotisations de cette année. L’objet de la réouverture des débats porte essentiellement sur la rétroactivité de cet arrêté royal et, à la supposer établie, sur la conformité de celui-ci à l’article 159 de la Constitution.

L’arrêté royal du 14 novembre 2002 a, en effet, augmenté le montant des revenus pouvant être cumulés avec une pension, et ce avec effet rétroactif au 1er janvier 2002. Il a donc fixé un nouveau plafond de revenus pour l’activité autorisée des pensionnés et en conséquence a ainsi augmenté les cotisations sociales dues pour toute l’année 2002, pour ceux-ci.

Position de la Cour dans son arrêt du 13 novembre 2009

Dans son arrêt du 13 novembre 2009, la Cour rappelle qu’une loi n’a point d’effet rétroactif car elle ne peut disposer que pour l’avenir. Le principe général de la non rétroactivité des lois et des arrêtés réglementaires est garant des intérêts individuels ainsi que de la sécurité juridique.

La Cour va ensuite définir ce qu’il faut entendre par effet rétroactif, étant qu’une loi nouvelle s’applique non seulement aux situations qui naissent à partir de son entrée en vigueur mais également aux effets futurs de situations nées sous l’empire de la loi antérieure qui se produisent ou se prolongent sous l’empire de la loi nouvelle et pour autant que cette application ne porte pas atteinte à des droits déjà irrévocablement fixés. La Cour reprend plusieurs arrêts de la Cour de cassation dont celui du 27 avril 2007 (Cass., 27 avril 2007, Pas., 2007, I, p. 213).

La question est dès lors de savoir si, en l’occurrence, à la date de la publication de l’arrêté royal, le montant des cotisations sociales 2002 était irrévocablement fixé. Si oui, il y a effet rétroactif.

Reprenant alors les règles en matière de calcul des cotisations reprises à l’arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants, la Cour retient que les cotisations sont dues par quart dans le courant de chaque trimestre civil (art. 15 § 1er), ce qui implique qu’elles sont en principe calculées en début d’année de manière à pouvoir être réclamées à concurrence d’un quart dès le premier trimestre. Une confirmation de cette appréciation réside dans l’article 14, § 1er du même arrêté, qui précise que le montant des revenus de base est lié à l’évolution de l’indice des prix à la consommation. Ceci confirme que les cotisations sont dues sur une base annuelle et doivent être fixées en début d’année.

Il en découle que, dans la mesure où l’arrêté royal a modifié le montant des cotisations dues pour l’ensemble des trimestres de l’année 2002, il a un effet rétroactif puisqu’il y a modification des cotisations irrévocablement fixées.

La Cour rejette ici l’argument de la caisse, selon lequel les cotisations auraient été réclamées de manière provisoire et que l’attention des pensionnés aurait été attirée sur le fait que ces cotisations pourraient être revues. Pour la Cour, ceci ne figure dans aucun texte, la seule hypothèse dans laquelle les cotisations peuvent être réclamées à titre provisoire visant le début d’activité. La caisse se référant à cet égard à une note du Ministère des classes moyennes (du 25 janvier 2002), elle relève qu’une telle source ne peut imposer une nouvelle hypothèse de cotisations provisoires, dans la mesure où une circulaire ministérielle ne contient pas de règles obligatoires pour les administrés et ne peut prévaloir sur un arrêté royal. La Cour cite l’arrêt de la Cour de cassation du 4 septembre 1995 (Cass., 1995, Pas., 1995, I, p.757). En outre le caractère provisoire ne peut être déduit du fait que, à postériori, la caisse peut vérifier si la règle de cumul a été respectée. Ce contrôle n’a pas pour conséquence de modifier le caractère en principe définitif des cotisations initiales.

Examinant enfin la justification de l’effet rétroactif, la Cour rappelle que si la non rétroactivité n’est pas un principe absolu, seul le pouvoir législatif peut y déroger. Elle renvoie ici à un autre arrêt de la Cour de cassation (Cass., 24 février 1977, Pas., 1977, I, p. 672). Ceci ne peut donc être le fait du pouvoir exécutif en l’absence d’habilitation du législateur.

Intérêt de la décision

Très intéressant rappel, dans cet arrêt, à la fois des principes en matière de rétroactivité ainsi que des obligations des pensionnés exerçant une activité autorisée soumise à cotisations sociales dans le statut des travailleurs indépendants.


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