Terralaboris asbl

Prestations de sécurité sociale : conditions pour la capitalisation des intérêts

Commentaire de C. trav. Mons, 28 avril 2009, R.G. 19.123

Mis en ligne le mardi 30 mars 2010


Cour du travail de Mons, 28 avril 2009, R.G. n° 19.123

TERRA LABORIS ASBL – Sophie REMOUCHAMPS

Dans un arrêt du 28 avril 2009, la Cour du travail de Mons a rappelé, en matière d’indemnités de soins de santé, que l’article 1154 du Code civil, qui énonce le principe de l’anatocisme, est applicable non seulement en matière contractuelle mais également en sécurité sociale.

Les faits

Une maison de repos demande condamnation d’un organisme assureur au paiement d’une somme de l’ordre de 5.000 euros à majorer des intérêts moratoires compensatoires et judiciaires pour le déclassement d’une résidente de la catégorie « B » vers la catégorie « O » pour une période d’un an. Elle sollicite également la capitalisation des intérêts échus chaque année depuis le début du litige. Par conclusions, elle précise que sa demande de capitalisation des intérêts se fonde sur les dispositions de l’article 1154 du Code civil.

La procédure

Les faits se rapportant aux années 1993 et 1994, la société, déboutée en première instance, interjette appel en décembre 1994. La Cour du travail de Mons va rendre plusieurs arrêts, le dernier arrêt du 28 avril 2009 portant essentiellement sur la capitalisation des intérêts et les dépens.

Position de la Cour du travail

La Cour examine d’abord la dernière demande de capitalisation des intérêts formée en date du 11 août 2007 et vérifie si sont présentes les conditions exigées pour qu’il puisse y avoir anatocisme.

Suivant en cela l’Avocat général, la Cour relève que la sommation n’autorise la capitalisation des intérêts que, si au moment où elle a lieu, il existe des intérêts échus. En outre, ceux-ci doivent porter sur au moins une année antérieure et la sommation doit tendre à ce que les intérêts portent à leur tour intérêt. Les intérêts produits sur les intérêts capitalisés ne vont à leur tour porter intérêt que si l’on renouvelle la sommation et que cette sommation renouvelée concerne les intérêts nouveaux échus dus au moins pour une année. C’est l’enseignement de la Cour de cassation dans ses arrêts du 7 septembre 1978 et 28 novembre 1985 (Cass., 7 sept. 1978, Pas., 1979, I, p. 17 et Cass., 28 nov. 1985, Pas., 1986, I, p. 391).

La Cour en conclut qu’il ne peut pas être admis que des demandes de capitalisation soient faites par anticipation, ce qui aboutirait à admettre que le premier acte de procédure serait suffisant, dans la mesure où il préciserait que la capitalisation est sollicitée et qu’il prévoirait à cet effet un calendrier « de dates anniversaires pour les années à venir ».

La Cour doit cependant également examiner si une autre demande d’anatocisme, contenue dans des observations – sommation, faites ultérieurement, mais après une réouverture des débats, peut être admise.

Cette question l’amène à rappeler la portée du nouvel article 775 du Code Judiciaire, qui ne fait plus référence à la possibilité pour les parties de prendre des « conclusions » mais uniquement des « observations ».

Reprenant la doctrine sur la question (J. ENGLEBERT « La mise en état de la cause et l’audience de plaidoiries » in Le procès civil accéléré ?, Premiers commentaires de la loi du 26 avril 2007 modifiant le Code judiciaire en vue de lutter contre l’arriéré judiciaire », Larcier, 2007, p. 166), la Cour considère que les observations doivent être entendues comme des conclusions visées à l’article 780, 3° du Code judiciaire. Pour la Cour, toute autre interprétation serait en contradiction avec cette disposition nouvelle, qui impose au juge de rencontrer les moyens développés par écrit par les parties et priverait l’article 775 du Code judiciaire de toute efficacité.

La Cour va alors, appliquant les conditions légales à la sommation, écarter une dernière demande faite dans celle-ci, au motif qu’elle ne concerne pas les intérêts nouveaux échus depuis au moins un an.

Enfin, les parties ayant répondu à l’avis du ministère public, la Cour considère que ces « conclusions sur avis » ne sont pas assimilables à des conclusions, n’étant qu’une réplique à l’avis du Ministère public et ne pouvant prolonger les débats après la clôture de ceux-ci.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail de Mons rappelle essentiellement que les prestations de sécurité sociale sont susceptibles de se voir appliquer l’article 1154 du Code civil, qui prévoit les conditions dans lesquelles les intérêts peuvent être capitalisés. La Cour étudie, en outre, scrupuleusement, si l’ensemble des conditions prévues dans l’article 1154 sont réunies, étant que, à défaut, la sommation faite n’est pas régulière et ne peut emporter capitalisation.


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