Terralaboris asbl

Récupération d’indu en AMI : prévalence des dispositions de la Charte sur les autres dispositions légales

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 28 octobre 2009, R.G. 49.168

Mis en ligne le mercredi 23 décembre 2009


Cour du travail de Bruxelles, 28 octobre 2009, R.G. n° 49.168

TERRA LABORIS ASBL – Pascal Hubain

Dans un arrêt du 28 octobre 2009, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que les dispositions de la Charte prévalent sur celles des lois particulières de sécurité sociale ainsi que sur les dispositions du Code civil relatives à la récupération de l’indu.

Les faits

Un travailleur salarié tombe au chômage en décembre 1996. Il interrompt celui-ci rapidement et exerce une activité indépendante à titre principal, à partir du 1er janvier 1997. Il met fin à cette activité au 1er décembre 2000. Il tombe alors deux mois en incapacité de travail (incapacité qui sera reconnue ultérieurement dans le régime des travailleurs indépendants). Il sollicite à partir de mars 2001 les allocations de chômage et les obtient. Suite à un accident de la circulation le 26 avril 2001, il est en incapacité de travail. En mai 2001, il renvoie à sa mutualité la feuille de renseignements. Son organisme de paiement des allocations de chômage y mentionne comme dernier jour de chômage complet le 25 avril 2001 (veille de l’accident). Il ne reprend cependant aucun jour de chômage ou assimilé pour les 3e et 4e trimestres de l’année 2000.

Les indemnités d’incapacité de travail sont payées par la mutualité sur la base de ces renseignements et les soins de santé sont remboursés, et ce dans le régime des travailleurs salariés.

En avril 2002, une lettre est cependant adressée à l’intéressé demandant de rembourser un montant de l’ordre de 5.500 € correspondant aux indemnités pour la période du 26 avril 2001 (date de l’accident) au 31 mars 2002, et ce au motif de l’absence de perception d’allocations de chômage pendant la période du 1er janvier au 5 mars 2001 (la demande d’allocations ayant été faite le 6 mars). Pour l’organisme assureur, n’est pas remplie la condition de stage prévue à l’article 206 de l’arrêté royal du 3 juillet 1996 portant exécution de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 sur l’assurance soins de santé et indemnités.

La position de l’organisme assureur

La mutualité fait valoir l’absence de stage, au sens de l’article 206 ci-dessus, stage indispensable dans le cas d’un travailleur indépendant devenant salarié au chômeur. Il en résulte que les indemnités (ainsi que le remboursement des soins de santé) doivent être payées dans le régime des travailleurs indépendants. C’est la différence entre les sommes perçues et celles auxquelles il aurait droit qui fait l’objet de la demande de récupération de l’indu.

La décision de la Cour du travail

La Cour considère que la demande de récupération d’indu est une décision au sens de l’article 2 8° de la Charte de l’assuré social. Il s’agit en effet d’une décision prise par une institution de sécurité sociale, en l’occurrence une institution coopérante (art. 2 1° b de la Charte). Cette décision a été prise à l’égard d’un assuré social, étant une personne physique qui a droit à des prestations de sécurité sociale, qui y prétend ou peut y prétendre. Il s’agit dès lors d’un acte juridique unilatéral de portée individuelle émanant d’une institution de sécurité sociale qui a pour but de produire des effets juridiques à l’égard d’un ou de plusieurs assurés sociaux.

Il s’agit d’une décision de revision au sens de l’article 17 de la Charte. La Cour constate que la loi coordonnée le 14 juillet 1994 traite en son article 164 de la récupération de l’indu, question également traitée par les articles 1376 et 1377 du Code civil. Aucune de ces dispositions ne règle cependant les effets des décisions de revision dans le temps. Il en découle qu’il n’y a pas de dérogation à l’article 17 de la Charte et la Cour rappelle ici la volonté du législateur de régler de manière générale les matières abordées dans celle-ci.

En règle générale donc, pour la Cour, les dispositions de la Charte prévalent sur celles des lois particulières de sécurité sociale ainsi que sur les dispositions du Code civil ci-dessus relatives à la récupération de l’indu. Il faut dès lors, en application de l’article 17 de la Charte, considérer que la nouvelle décision va produire ses effets, en cas d’erreur due à l’institution de sécurité sociale, le premier jour du mois qui suit la notification lorsque le droit à la prestation est inférieur à celui qui avait été reconnu auparavant.

En l’occurrence la Cour constate que l’imprécision dans les renseignements qui avaient été donnés à la mutualité sont notamment le fait de l’organisme de paiement et que celle-ci pouvait aisément vérifier les renseignements donnés par la consultation de la banque carrefour de la sécurité sociale. Il s’agit dès lors bien d’une erreur de l’institution, qui n’a pas procédé à la vérification auprès de la banque carrefour d’une déclaration imprécise et non confirmée, par ailleurs, par l’assuré social. Il ne peut y avoir d’effet rétroactif à la décision en cause, qui ne produira, dès lors, ses effets, que le premier jour suivant sa notification.

Intérêt de la décision

La Cour du travail rappelle dans cet arrêt ce qu’il faut entendre par décision au sens de la Charte de l’assuré social. Elle considère par ailleurs qu’il y a erreur d’une institution de sécurité sociale lorsque celle-ci omet de vérifier une déclaration imprécise, auprès de la banque carrefour de la sécurité sociale et qu’elle alloue, sur ces bases, une prestation qui s’avérera ultérieurement indue.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be