Terralaboris asbl

Conditions de remboursement de l’indu en cas d’erreur due à l’institution de sécurité sociale

Commentaire de C. trav. Liège, 14 septembre 2009, R.G. 34.941/07

Mis en ligne le jeudi 10 décembre 2009


Cour du travail de Liège, 14 septembre 2009, R.G. n° 34.941/07

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 14 septembre 2009, la Cour du travail de Liège rappelle que s’il est de mauvaise foi, l’assuré social peut se voir réclamer l’ensemble de l’indu, en cas de révision, même si la décision rectificative est justifiée par l’erreur commise par l’institution de sécurité sociale.

Les faits

Une Dame L. perçoit des indemnités de mutuelle pendant une période d’environ 21 mois, période qui couvre en partie un congé de maternité.

Au début de l’incapacité de travail, elle avait deux employeurs pour qui elle prestait à temps partiel. Les indemnités qui lui sont versées atteignent pratiquement le montant du total des deux salaires qu’elle percevait.

Quinze mois après le début de l’octroi des indemnités, la mutuelle informe l’intéressée qu’il y a eu une erreur dans le calcul de celles-ci et, que suite à celle-ci, un trop perçu de l’ordre de 5.300€ est constaté. Le remboursement en est demandé.

La position du tribunal

Sur recours de l’intéressée, qui conteste devoir restituer l’indu, le tribunal du travail de Liège constate, de la circonstance que le montant des indemnités était quasi équivalent à la rémunération et même que – avec les allocations familiales majorées -, elle avait perçu plus pendant sa période d’incapacité que pendant sa période de travail. Le tribunal conclut que la bonne foi n’était pas établie, l’intéressée ayant dû se rendre compte du caractère anormal de la situation.

L’appel

Appel est interjeté de cette décision, sur la base de l’article 17 de la Charte de l’assuré social, le caractère rétroactif de la décision rectificative étant contesté par l’intéressée.

La position de la Cour

La Cour rappelle le libellé de l’article 17, relatif à l’hypothèse d’une décision entachée d’une erreur de droit ou matérielle. Dans cette hypothèse, la Charte dispose en son alinéa 1er que la nouvelle décision prise par l’institution de sécurité sociale va produire ses effets à la date à laquelle la décision rectifiée aurait dû elle-même prendre effet mais, en vertu de la même disposition, en son alinéa 2, la nouvelle décision ne produit ses effets, dans cette hypothèse, que le premier jour du mois qui suit la notification si le droit à la prestation est inférieur à celui qui avait été reconnu initialement.

L’alinéa 3 du même article prévoit cependant que cette mesure n’est pas d’application si l’assuré social savait ou devait savoir qu’il n’avait pas ou plus droit à l’intégralité d’une prestation. Pour apprécier s’il savait ou devait savoir, il faut se référer à l’arrêté royal du 31 mai 1933 concernant les déclarations à faire en matière de subventions, indemnités et allocations.

La Cour reprend les thèses en présence étant d’une part que l’appelante demande l’application de l’alinéa 1, qui implique l’absence d’effet rétroactif de la décision rectificative et donc l’absence d’indu, et d’autre part que l’organisme assureur, se fondant sur l’alinéa 3, considère que l’intéressée devait savoir qu’elle n’avait pas droit à des indemnités aussi élevées.

La Cour va donc devoir interpréter les termes « savait ou devait savoir ».

Elle précise que l’article 17, alinéa 3 n’exige pas une intention frauduleuse, non plus que le recours à des manœuvres frauduleuses. Ceci ressort du rapprochement avec l’arrêté royal du 31 mai 1933 ci-dessus, auquel le texte légal se réfère. L’arrêté prévoit une infraction dont l’élément moral consiste dans un dol général et non un dol spécial. Il utilise en effet le terme « sciemment » et n’exige pas une intention de fraude.

Rappelant les circonstances de l’espèce, la Cour retient que l’intéressée aurait dû avoir des indemnités d’incapacité de travail de 60% des rémunérations perdues (ayant deux enfants à charge). Elle a cependant perçu quasi la totalité. Elle devait, dès lors pour la Cour, savoir qu’elle percevait trop. La Cour se fonde sur le fait que l’ensemble des travailleurs engagés sur le marché de l’emploi savent que les indemnités sont normalement inférieures à la rémunération en période d’activité. Il s’agit, pour elle, « d’une donnée élémentaire relevant des connaissances collectives ».

Ne résiste donc pas son argument selon lequel elle avait fait confiance à des professionnels de la matière et qu’elle ne pouvait, par ailleurs, comparer ses salaires avec des indemnités journalières. En outre, un argument tiré de la modification de sa situation familiale est également rejeté.

Pour la Cour l’honnêteté eût voulu qu’elle informe la mutuelle.

L’appel n’est dès lors pas fondé.

Intérêt de la décision

La reconnaissance du caractère rétroactif d’une décision rectificative en cas d’erreur d’une institution de sécurité sociale n’est pas fréquente. Il est en effet exigé que soit admise la mauvaise foi de l’assuré social. La Cour interprète ici la condition exigée par l’alinéa 3 de l’article 17 pour qu’il y ait rétroactivité, étant que le bénéficiaire savait ou devait savoir qu’il percevait une prestation qui n’était pas due.


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