Terralaboris asbl

Illégalité de grilles d’évaluation I.N.A.M.I. et SPF Affaires sociales

Commentaire de Trib. trav. Liège, 16 juin 2009, R.G. 373.169

Mis en ligne le mardi 1er décembre 2009


Tribunal du travail de Liège, 16 juin 2009, R.G. n° 373.169

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un jugement du 16 juin 2009, le tribunal du travail de Liège examine les grilles applicables en matière d’évaluation d’aide de tiers : seule celle figurant dans l’Arrêté Ministériel du 30 juin 1987 peut être retenue.

Les faits

Madame P. bénéficie d’une aide de tierce personne à charge de l’I.N.A.M.I. pour diverses périodes totalisant treize ans, soit depuis le 1er avril 1994 jusqu’au 31 juillet 2007.

Le 30 novembre 2007, l’I.N.A.M.I. prend une décision considérant qu’elle ne répond plus aux critères de l’article 93 de la loi coordonnée sur l’assurance maladie invalidité du 14 juillet 1994 et de son arrêté d’exécution du 3 juillet 1996. En conséquence, l’I.N.A.M.I. considère que, le degré de besoin d’aide étant de 10 points sur 18, il n’y a plus lieu de renouveler l’aide de tiers. L’I.N.A.M.I. renvoie à l’arrêté ministériel du 30 juin 1987 fixant les catégories et le guide pour l’évaluation du degré d’autonomie en vue de l’examen du droit à l’allocation d’intégration, selon lequel le degré de besoin d’aide de tiers doit être apprécié sur la base d’un nombre de points, atteignant 11 points minimum sur 18. Il a effectué son évaluation sur la base de la grille I.N.A.M.I.

La procédure

Par jugement du 8 juillet 2008, le tribunal du travail de Liège ordonne une expertise médicale.

L’intéressée avait, en effet, produit à l’appui de sa contestation deux documents, étant d’abord le formulaire F4 rempli par le médecin de recours (soit celle annexée à l’arrêté ministériel) et faisant état d’un total de 13 points et d’autre part un rapport médical circonstancié établi par le même médecin, ultérieurement, et aboutissant au même résultat.

L’expert judiciaire conclut que le médecin de recours a donné son avis sur la base d’une grille d’évaluation qui n’est plus d’application selon les médecins conseils de l’I.N.A.M.I. La nouvelle grille en vigueur aurait, selon lui, à partir des mêmes données cliniques, abouti à un résultat en points moins élevé. Il en conclut que la diminution du nombre de points obtenus par l’intéressée n’est pas due à une amélioration de son état de santé mais au fait que les difficultés qu’elle rencontre au quotidien ne sont plus évaluées et cotées de la même manière.

Le tribunal reprend que l’expert a comparé trois grilles, étant le Formulaire 4 (grille du SPF Affaires sociales annexée à l’arrêté ministériel), la nouvelle grille du même SPF et la nouvelle grille de l’I.N.A.M.I. Les résultats sont respectivement de 13, 9 et 8 points.

Le tribunal examine, en conséquence, les dispositions légales applicables et la hiérarchie des normes. Le pouvoir conféré au Roi de fixer les conditions de l’aide forfaitaire pour l’aide de tiers figure dans l’article 93, alinéa 8 de la loi. Cette évaluation du degré de nécessité de l’aide de tiers s’effectue, sur la base de l’article 215bis, alinéa 2 de l’arrêté royal d’exécution, sur la base du nombre total de points attribués en fonction du guide utilisé pour l’évaluation du degré d’autonomie par la législation relative à l’octroi d’allocations aux handicapés, un minimum de 11 points étant exigé (le tribunal rappelle que l’article 215bis a été introduit par l’arrêté royal du 10 juillet 1998, lui-même étant remplacé par un arrêté du 29 janvier 2007).

Se tournant vers la réglementation en matière de protection des personnes handicapées, le tribunal reprend les conditions relatives à la mesure de l’autonomie. C’est l’article 5 de l’arrêté royal du 6 juillet 1987 relatif à l’allocation de remplacement de revenus et à l’allocation d’intégration, qui dispose que celle-ci s’effectue à l’aide d’un guide et d’une échelle médico-sociale fixée par arrêté ministériel. Il faut tenir compte, dans celle-ci, de cinq critères : les possibilités (i) de se déplacer, (ii) d’absorber ou de préparer sa nourriture, (iii) d’assurer son hygiène personnelle et d’accomplir des tâches ménagères, (iv) de vivre sans surveillance ainsi que d’être conscient des dangers et d’être en mesure de les éviter et, enfin (v) de communiquer et d’avoir des contacts sociaux.

Les conditions du droit à l’allocation d’intégration sont contenues dans l’arrêté ministériel du 30 juillet 1987, qui fixe les catégories et le guide pour l’évaluation du degré d’autonomie. C’est cet arrêté qui, en son article 5, définit les points, ceux-ci allant de 0 à 3, selon les difficultés croissantes rencontrées pour chacune des fonctions examinées.

Le même arrêté royal ministériel renvoie à un guide annexé, qui détermine l’évaluation du degré d’autonomie à prendre en considération. Ce guide, publié au Moniteur Belge du 6 août 1987, est le « Formule 4 », auquel s’est référé à bon droit le médecin de recours de la demanderesse.

Le tribunal en conclut que les textes n’ayant pas été modifiés depuis, il faut en effet se fonder sur l’appréciation faite selon les critères de la Formule 4. Vu l’absence de modification des arrêtés royaux et ministériels concernés ainsi que, comme le souligne le tribunal, l’absence de coordination entre le SPF et l’I.N.A.M.I. et l’absence de modification par l’I.N.A.M.I. des formulaires de décision, il faut retenir un principe général de sécurité juridique. Le tribunal considère dès lors être tenu d’écarter en l’espèce les grilles d’évaluation qui n’ont reçu aucune publicité légale requise.

Intérêt de la décision

Ce jugement du tribunal du travail de Liège a le mérite de relever, d’abord, la modification des critères intervenus dans les grilles d’évaluation « nouvelles » du SPF Affaires sociales et de l’I.N.A.M.I. et, ensuite, de rappeler que seul est valable, en l’état actuel de la réglementation, le document « Formule 4 », dont il s’avère, en l’espèce, qu’il aboutit (sans être contesté) à une évaluation bien supérieure et donnant, en tout état de cause, le droit à une aide de tiers, ce que les deux autres grilles n’auraient pas permis.


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