Terralaboris asbl

Rémunération de base et tickets-repas

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 22 juin 2009, R.G. 50.446

Mis en ligne le vendredi 2 octobre 2009


Cour du travail de Bruxelles, 22 juin 2009, R.G. n° 50.446

TERRA LABORIS ASBL – Pascal Hubain

Dans un arrêt du 22 juin 2009, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que les tickets-repas peuvent être pris en compte dans le calcul de la rémunération de base en fonction de la date de l’accident.

Les faits

L’accident du travail dont la Cour examine le règlement date du 16 avril 2002. L’accident, survenu dans le secteur public, a été reconnu par l’employeur et une période d’incapacité temporaire totale est prise en charge jusqu’au 1er février 2003.

La procédure a dû être introduite, vu l’absence de toute décision de l’autorité quant aux séquelles.

La position du tribunal

Après avoir désigné, dans un premier jugement, un expert judiciaire, qui a proposé une consolidation à la date du 12 février 2003 avec un taux d’incapacité permanente de 12%, le tribunal du travail va entériner les conclusions de celui-ci dans un jugement du 7 décembre 2004 et, ayant réservé à statuer sur la rémunération de base, va fixer celle-ci, dans un jugement du 23 mai 2006 en retenant une rémunération de base à 100% à l’indice 138,01, l’allocation annuelle de 12% étant due à partir de la date de la consolidation et étant payable le 1er jour de chaque mois de l’année civile par 12es et par anticipation. Il ne retient pas la quote-part patronale des tickets-repas.

La position de la Cour

La Cour est saisie de l’appel de la victime, qui va notamment demander l’inclusion dans les rémunérations de base (incapacité temporaire et incapacité permanente) de la quote-part patronale des tickets-repas) et la correction d’une erreur du premier juge quant à l’époque de paiement de l’allocation annuelle.

Sur ce deuxième point, la Cour corrige effectivement, en un bref attendu, la question du paiement de l’allocation. Il ne s’agit pas de payer celle-ci par mois le premier jour de chaque mois de l’année civile par 12es et par anticipation, vu que l’arrêté royal du 24 janvier 1969 (article 20) auquel renvoie l’arrêté royal applicable, étant celui du 12 juin 1970, dispose que lorsque l’incapacité permanente n’atteint pas 16%, la rente est payée une fois par an, dans le courant du 4e trimestre.

En ce qui concerne par ailleurs la question de l’inclusion de la quote-part patronale dans les tickets-repas, la Cour rappelle d’abord que l’article 4 de la loi du 3 juillet 1967 prévoit que la rémunération de base servant au calcul de la rente est celle à laquelle l’agent a droit au moment de l’accident (le plafond étant celui applicable à la date de consolidation). En vertu de la règle posée par l’article 13 de l’arrêté royal du 24 janvier 1967, la rémunération annuelle est tout traitement, salaire ou indemnité tenant lieu de traitement ou de salaire acquis par la victime au moment de l’accident, augmenté des allocations ou indemnités ne couvrant pas des charges réelles et dues en raison du contrat de louage de service ou du statut légal ou réglementaire.

La Cour rappelle alors l’arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 1996 (J.T.T, 1997, p. 25), rendu dans le secteur privé et considère que celui-ci est applicable au secteur public. Cet arrêt pose une règle relative à la charge de la preuve : si l’autorité (en l’espèce) considère que l’avantage en cause ne peut être inclus, elle est tenue de prouver qu’il ne constitue pas un avantage faisant partie de la rémunération de base, et ce au regard de la réglementation applicable. Ceci n’est nullement établi en l’espèce, l’employeur ne justifiant pas l’exclusion de la part patronale des tickets-repas, que ce soit que la base d’une exclusion légale ou d’une démonstration en fait que ces chèques constituent un remboursement de frais qui seraient exposés par le travailleur en raison des conditions ou des circonstances de travail imposées à lui et normalement à charge de son employeur.

La Cour rejette ici l’argument de l’autorité selon lequel un arrêté royal du 1er juin 2001 (art. 3) a expressément exclu de la notion de rémunération de base les tickets-repas, dans le cadre de la loi du 10 avril 1971. En effet, la date d’entrée en vigueur de cet arrêté royal a été fixée par un autre arrêté royal (du 5 novembre 2002) au 1er janvier 2003. En l’espèce, l’accident du travail étant antérieur, la nouvelle réglementation n’est pas applicable aux faits en cause (la Cour renvoyant également à C. trav. Liège, 25 janv. 2006, R.G.A.R., 2006, P. 14.182 et C. trav. Liège, 23 mai 2005, inéd. R.G. 7.680/04).

L’employeur faisant également valoir que le droit au maintien de chèques-repas ne se conçoit pas en l’absence de prestations de travail effectif (pendant l’incapacité temporaire), la Cour précise que cet argument est non pertinent dès lors que la rémunération de base doit comprendre l’ensemble des avantages versés par l’employeur et tenant lieu de « traitement », la réglementation applicable visant expressément l’inclusion de tous les avantages.

Enfin, elle rejette également un argument tiré de l’article 35, alinéa 2 de la loi du 10 avril 1971, qui considère que ne constituent pas de la rémunération les avantages complémentaires au régime de la sécurité sociale à l’exception des pécules complémentaires de vacances. En vertu de l’arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 1996 ci-dessus, la Cour rappelle qu’il appartient à l’assureur-loi (ou l’employeur dans le secteur public) qui conteste l’incorporation d’un avantage à la rémunération de base d’apporter la preuve que celui-ci ne constitue pas une rémunération au sens où l’entend la loi du 10 avril 1971. S’agissant en l’espèce d’un accident du secteur public, la Cour relève qu’il n’est pas établi, en outre, que les exclusions visées par l’article 35 de la loi du 10 avril 1971 sont effectivement applicables aux accidents régis par la loi du 3 juillet 1967. Même dans cette hypothèse, il ne peut être considéré que les tickets-repas constituent un avantage complémentaire au régime de la sécurité sociale du seul fait de l’examen du régime social est fiscal plus favorable mis en place pour certains types de tickets-repas (étant ceux qui remplissent les conditions d’exonération).

Cette quote-part sera donc incluse.

Intérêt de la décision

L’espèce commentée concerne un accident survenu avant l’entrée en vigueur de l’arrêté royal du 10 juin 2001, qui a exclu, de manière expresse, les tickets-repas (quote-part patronale) de la notion de rémunération de base telle que déterminée à l’article 35 de la loi du 10 avril 1971. Pour tous les accidents survenus avant le 1er janvier 2003, les tickets-repas doivent dès lors normalement toujours être pris en compte.

En outre, la Cour pose la question - sans y répondre - de l’application au secteur public des exclusions visées à l’article 35 de la loi du 10 avril 1971. Question à approfondir …


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