Terralaboris asbl

Conditions à remplir pour avoir la qualité d’allocataire

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 avril 2009, R.G. 46.694

Mis en ligne le jeudi 3 septembre 2009


Cour du travail de Bruxelles, 24 avril 2009, RG n° 46.694

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 24 avril 2009, la Cour du travail de Bruxelles rappelle ce qu’il y a lieu de retenir comme critère permettant d’avoir la qualité d’allocataire dans le cadre du régime de prestations familiales en faveur des enfants de travailleurs indépendants.

Les faits

Un couple a trois filles et l’ainée est elle-même maman. Le père des trois jeunes filles ouvre le droit aux prestations familiales en tant que travailleur indépendant ; son épouse perçoit donc les allocations familiales pour l’ensemble des enfants de leur ménage. L’oncle des deux filles ainées sollicite et obtient les allocations familiales pour celles-ci, pour une période déterminée. Il est employé à la SNCB et ouvre également le droit.

Les jeunes filles sont en effet domiciliées chez lui pour certaines périodes. L’une d’entre’ elles entre à l’internat et son père paye, pour cette année, la totalité de la pension. En outre, il vire chaque mois (sauf en juillet et août) un montant de l’ordre de 60€.

En ce qui concerne l’ainée, il apparaît que c’est son oncle qui « l’élevait », et ce ainsi qu’il ressort d’une attestation de la gendarmerie.

La Caisse d’allocations familiales va, dès lors, charger l’ONAFTS (qui payait désormais les allocations familiales à la mère) de récupérer pour son compte un montant de l’ordre de 4.000€ pour allocations payées indument pendant la période concernée.

La fille ainée va, dans le cadre de l’enquête, faire des déclarations complémentaires exposant les diverses périodes pendant lesquelles elle était domiciliée soit chez le père de son enfant, soit chez son oncle, soit encore chez ses parents et de nouveau chez son oncle. Il en ressortira que la Caisse admet, en fin de compte, qu’elle a réintégré le ménage de sa mère pendant une période déterminée et que l’indu est moins élevé.

Suite au décès ultérieur de la mère, la Caisse notifie au père une demande de remboursement, en fin de compte, d’un solde de l’ordre de 2.200€.

Le père introduit un recours devant le tribunal du travail aux fins de se voir reconnaître la qualité d’allocataire pour la période litigieuse.

La position de la Cour dans son arrêt du 24 avril 2009

Il s’agi d’un arrêt après réouverture des débats, la Cour ayant considéré dans un premier arrêt du 9 septembre 2005, qu’il y avait lieu au remboursement des allocations, le père étant solidairement tenu avec son épouse au remboursement de l’indu éventuel.

Un des points de la réouverture des débats concerne la question de savoir si le père a au cours de la période litigieuse élevé dans son ménage ou à ses frais ses deux filles ainées.

La Cour reprend, pour répondre à cette question, la réglementation applicable, étant l’arrêté royal du 8 avril 1976 établissant le régime des prestations familiales en faveur des enfants de travailleurs indépendants (tel qu’en vigueur à l’époque). Son article 31 § 1er dispose que sont allocataires, dans l’ordre, le père, la mère ou la personne qui élève l’enfant dans son ménage ou qui la fait élever principalement à ses frais si elle en exprime le désir et si le père ou la mère ne forment pas opposition.

Que signifie cependant « élever l’enfant » ? Pour la Cour, il s’agit d’exécuter l’ensemble des obligations que l’article 203 du Code civil impose aux parents. Selon le texte en vigueur à l’époque, il s’agissait de nourrir l’enfant (c’est-à-dire lui donner tout ce qui est nécessaire pour son existence matérielle), l’entretenir (c’est-à-dire pourvoir à son habillement et à son hébergement), l’élever (c’est-à-dire assurer ce qui est nécessaire sur le plan moral et intellectuel pour être élevé conformément à la catégorie sociale à laquelle l’enfant appartient). Le texte a été modifié en 1995 (soit après la période en cause) et traduit actuellement mieux, pour la Cour, la conception actuelle de l’éducation, puisqu’il précise qu’il s’agit d’héberger l’enfant, de l’entretenir, le surveiller, l’éduquer et le former.

En ce qui concerne l’ainée des deux filles, elle était élevée dans le ménage de son oncle. Pour la seconde, qui a été en internat, cette circonstance importe peu, la Cour retenant que, malgré l’éloignement temporaire, c’est la maison de l’oncle qui restait le point d’attache, puisqu’il la « surveillait, éduquait et formait ». Le fait que le père payait dans une très large mesure l’entretien de celle-ci n’y change rien. La Cour précise que payer l’entretien de l’enfant n’est pas la dimension d’éducation qui prévaut. En payant une pension alimentaire, le parent ne noue que des liens sporadiques avec l’enfant et ceci ne fait pas de lui l’allocataire des allocations familiales, celui-ci étant celui qui vit avec l’enfant au quotidien et assure son éducation, fût-ce avec l’aide financière d’un autre.

Intérêt de la décision

L’intérêt de la décision annotée, outre le rappel des principes en la matière, réside dans la question de savoir en faveur de qui il faut trancher, lorsqu’un enfant est à l’internat et qu’il conserve des liens avec deux allocataires possibles. La Cour rappelle qu’il faut privilégier la situation de fait, étant de tenir compte de la réalité quotidienne et du rôle joué par chacun. Sera allocataire celui qui surveille, éduque et forme, la circonstance qu’un autre parent paye l’entretien de l’enfant n’étant pas suffisante à faire de lui l’allocataire au sens légal.


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