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Quid en cas de séparation consécutive au remariage du parent survivant ?

Commentaire de C. trav. Liège, 9 mars 2009, R.G. 34.069/06

Mis en ligne le mercredi 26 août 2009


Cour du travail de Liège, 9 mars 2009, R.G. n° 34.069/06

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 9 mars 2009, la Cour du travail de Liège tranche deux questions importantes, d’une part les conditions dans lesquelles le taux majoré peut être rétabli en cas de séparation consécutive à un remariage et, par ailleurs, la prescription de l’action contre une décision de récupération.

Les faits

Une mère de deux enfants, ayant divorcé, se remarie en 1989. En 1994, son premier mari décède et elle se sépare du second, le juge de paix de la résidence conjugale rendant une ordonnance dans le cadre de l’article 223 du Code civil, avec effets limités dans le temps (15 mars 1995). Suite au décès de son premier époux, elle a obtenu les allocations familiales d’orphelin. La décision du juge de paix ayant été transmise à l’ONSSAPL (débiteur).

Quatre ans plus tard, le 5 novembre 1999, l’ONSSAPL conclut qu’il n’y avait plus séparation à partir de la date fixée dans l’ordonnance. Les allocations au taux ordinaire auraient, dès lors, dû être payées à partir du 1er avril 1995. Il envoie à l’intéressée une lettre simple notifiant un indu supérieur à 12.500€. Près de trois ans plus tard, le 21 mars 2002, c’est un courrier recommandé qui est envoyé, aux fins « d’interrompre » la prescription de l’article 120bis des lois coordonnées.

Un recours est dès lors introduit le 7 novembre 2002. Dans le cadre de celui-ci, l’ONSSAPL introduit une demande reconventionnelle le 25 avril 2003, portant sur le remboursement de la somme en cause.

La position du tribunal

Dans un jugement du 17 mars 2006, devant ici appliquer l’article 56bis, § 2 des lois coordonnées dans sa version antérieure à sa modification par l’article 34 de la loi programme du 27 décembre 2004 (selon lequel une ordonnance judiciaire assignant une résidence séparée aux époux était exigée), le tribunal du travail rappelle l’arrêt de la Cour Constitutionnelle du 10 décembre 2003 (arrêt n° 159/2003) qui a décidé que cette exigence violait les articles 10 et 11 de la Constitution. Le tribunal a dès lors constaté que cette disposition ne pouvait être appliquée et a déclaré la demande principale fondée.

La position des parties en appel

L’ONSSAPL interjette appel, demandant l’application de la disposition en cause et confirmant sa demande de condamnation introduite par voie de conclusions.

La position de la Cour

La Cour est d’abord saisie, vu l’ancienneté des faits, d’une question de prescription, puisque, dans son action introduite le 7 novembre 2002, la mère conteste d’une part la décision du 21 mars 2002 mais également celle du 5 novembre 1999, celle-ci étant la vraie décision administrative (la seconde ne portant que sur les modalités d’exécution de la première).

Si, en vertu de l’article 23, § 1er de la Charte, les décisions administratives doivent être contestées à peine de déchéance dans les trois mois de leur notification ou de leur prise de connaissance, ce délai n’est pas le seul applicable, puisque son but est d’élargir les droits des assurés sociaux, auxquels la plupart des lois organisant la sécurité sociale accordaient auparavant un délai de recours d’un mois. Ce délai de trois mois est un délai minimum imposé sous réserve d’un délai plus long. Or, dans les lois coordonnées, il n’y a pas de délai particulier, de telle sorte que, rappelant la doctrine (B. Graulich et P. Palsterman, « La Charte de l’assuré social », Chron. Dr.s., 1998, pp. 269-279 ; C. Livoti, « La Charte de l’assuré social et son application par les institutions de sécurité sociale », R.B.S.S., 1999, pp. 526-529), le tribunal conclut qu’il y a lieu de se reporter au délai de dix ans prévu par l’article 2262bis, alinéa 1er du Code civil, pour toutes les actions personnelles. C’est ce délai qui est applicable et non l’article 120 des lois coordonnées, qui est un délai de paiement d’allocations dues ou d’allocations qui doivent être versées. En l’espèce, elles l’ont déjà été et l’objet du recours est de contester la décision de l’ONSSAPL, selon laquelle elles n’auraient pas dû l’être.

En ce qui concerne le fond, la Cour confirme la conclusion du tribunal du travail qui a écarté l’exigence d’une ordonnance judiciaire et confirme, en réponse à l’argumentation de l’ONSSAPL, qu’à supposer même que cette disposition doive être appliquée, l’Office a été avisé de la séparation judiciaire et que, très souvent, même si une décision de prolongation n’intervient pas, il est fréquent, dans le cadre de cette séparation provisoire, d’en poursuivre les conditions telles que fixées par le juge de paix. L’ONSSAPL devait dès lors tenir compte des résidences séparées tant qu’elles étaient avérées.

Intérêt de la décision

La décision rappelle que les lois coordonnées ont dû être modifiées, sur la question de la séparation de fait en cas de remariage d’un parent survivant, pour exiger, actuellement, que cette séparation apparaisse par la résidence principale séparée des personnes en cause et non plus par l’exigence d’une ordonnance judiciaire. Par ailleurs, l’arrêt est également intéressant sur l’application de l’article 2262bis, alinéa 1er, étant la prescription ordinaire, dans l’hypothèse commentée et non l’application de l’article 120 des lois coordonnées, qui vise une action en paiement.


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