Terralaboris asbl

Une demande introduite auprès du FMP dans le système fermé peut être étendue, devant le tribunal, au système ouvert

Commentaire de Trib. trav. Liège, 1er avril 2009, R.G. 378.535

Mis en ligne le mardi 4 août 2009


Tribunal du travail de Liège, 1er avril 2009, R.G. n° 378.535

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un jugement du 1er avril 2009, le tribunal du travail de Liège a admis la recevabilité d’une demande nouvelle, introduite dans le système ouvert, faisant également grief au FMP de ne pas s’être montré assez proactif dans l’examen de la demande administrative, et ce vu la modification de la réglementation.

La demande

Le Fonds des maladies professionnelles avait pris une décision le 23 juin 2008, dans le cadre d’une demande de revision suite à une demande en aggravation de la réparation d’une maladie professionnelle (Code 1.605.012). Cette demande avait été introduite le 21 novembre 2007. Le Fonds maintint le taux d’incapacité précédemment reconnu.

Objet de la demande devant le tribunal

Le demandeur, contestant la décision litigieuse, sollicite une expertise avec la mission habituelle, et ce sur la base d’un rapport médical qu’il produit. Dans ses conclusions, il étend sa demande sur pied de l’article 807 du Code judiciaire en sollicitant, le cas échéant, réparation dans le système ouvert.

Le FMP rétorque, dans le cadre de sa position développée à titre subsidiaire, que, si un expert judiciaire est désigné, ce doit être uniquement avec une mission dans le système de la liste.

Position du tribunal

Le tribunal statue, d’abord, quant à la recevabilité de la demande nouvelle, formée par voie de conclusions.

Se référant à l’arrêt de la Cour de cassation du 30 novembre 2000 (Cass., 30 novembre 2000, S000026Nt), rendu en matière d’allocations aux personnes handicapées, qui avait conclu que le lien entre l’examen administratif et l’examen judiciaire des demandes avait été rompu en raison de la modification de l’article 582, 1° du Code judiciaire (par la loi du 19 avril 1999), le tribunal relève que le libellé de l’article 579, 1° du Code judiciaire est aussi large que celui de l’article 582 ci-dessus. En conséquence, il considère que le lien entre l’examen administratif et l’examen judiciaire d’une demande en réparation de maladie professionnelle est rompu.

Il relève en outre que le principe du préalable administratif n’est pas mis à mal, dans la mesure où la maladie dont la réparation a été demandée a fait l’objet d’une demande en réparation dans le système fermé. Cependant, il fait grief au Fonds de ne pas avoir, alors qu’il s’agit d’une institution de sécurité sociale ayant des obligations en matière d’information notamment, examiné la demande du 21 novembre 2007 eu égard aux conditions de l’arrêté royal du 25 février 2007, qui était venu modifier le système de réparation de l’aggravation de la maladie en cause. Pour le juge, le FMP aurait dû être davantage proactif et ne pas se réfugier derrière une interprétation très restrictive de l’article 8bis de l’arrêté royal du 26 septembre 1996 (qui énonce que le Fonds limite l’examen de la demande à l’affection pour laquelle celle-ci est introduite). Le tribunal considère par ailleurs que le terme ’affection’ vise la maladie présentée par l’assuré social plutôt que le code particulier repris dans l’arrêté royal du 28 mars 1969 (le tribunal citant à plusieurs reprises M. DELANGE, « Le pouvoir du juge dans le droit de la sécurité sociale », CUP, Sept. 2002, Volume 56, Questions de droit social, p 25 à 27 et 65 & 66).

En ce qui concerne le fond, le tribunal examine le fondement de la demande tant dans le système fermé que dans le système hors liste.

Sur le système fermé, il relève les modifications intervenues dans les codes relatifs aux affections de la colonne lombaire et en retient que la disparition de certaines maladies de la liste était susceptible de rompre le principe d’équité, situation à laquelle il a été mis un terme par l’arrêté royal du 25 février 2007 relatif aux droits des victimes atteintes d’affections dorsales résultant d’une exposition à des vibrations mécaniques. Celui-ci prévoit que l’indemnisation accordée pour les affections dorsales sur la base du code 1.605.012 (introduit par l’arrêté royal du 2 août 2002) et retirée ultérieurement (arrêté royal du 27 décembre 2004) ne peut être revue en cas d’aggravation que si l’affection et l’exposition au risque prises en compte pour cette indemnisation correspondent à la maladie reprise dans le code 1.605.03 (inscrit sur la liste depuis le 19 février 2005 par l’arrêté royal du 27 décembre 2004).

Le demandeur est dès lors dans les conditions pour bénéficier d’une indemnisation correspondant à une aggravation éventuelle. Le litige étant d’ordre médical, le tribunal désigne un expert.

Quant au système ouvert, le tribunal reprend les principes constants sur la notion de cause directe et déterminante requise à l’article 30bis des lois coordonnées le 3 juin 1970, principes dégagés par l’arrêt du 2 février 1998 de la Cour de cassation (Cass., 2 février 1998, S9700109N), étant que le risque professionnel ne doit pas être la cause exclusive ou principale de la maladie, aucune monocausalité n’étant requise.

Sur l’exigence de la cause déterminante, le tribunal se livre à un examen sémantique, étant que cet adjectif a deux sens, d’une part de déterminer une action ou d’autre part d’être décisif. Mais c’est le recours au texte néerlandais qui pousse le juge liégeois à opter pour le premier sens, puisque, dans sa version néerlandaise, le législateur a retenu le terme ’déterminerende’ soit un participe présent, impliquant ce qui exprime une action et non pas le terme ’determinant’, dont le tribunal relève qu’il existe pourtant en néerlandais, non plus que celui de ’beslissend’ (traduction de ’décisif’, selon le Robert & van Daele, 1992).

Le litige étant ici aussi d’ordre médical, le tribunal désigne un expert avec une double mission, d’une part relative à l’existence d’une aggravation dans le système fermé et d’autre part sur les conditions de l’article 30bis de la loi. Le tribunal insiste ici sur le fait que l’expert, qui devra dire si la maladie trouve sa cause directe et déterminante dans l’exercice de la profession, devra retenir que le lien de causalité prévu par l’article 3bis ne requiert pas que l’exercice de la profession soit la cause exclusive de la maladie, la loi n’excluant pas une prédisposition et n’imposant pas au demandeur ou à l’ayant droit d’établir l’importance de l’influence exercée par celle-ci.

Intérêt de la décision

La décision statue après la dernière modification de la réglementation en la matière.

Cette décision est, comme d’autres déjà commentées, l’occasion de rappeler que l’examen administratif de la demande ne peut se faire dans le strict cadre de l’arrêté royal du 26 septembre 1996 mais que le Fonds, étant une institution de sécurité sociale avec des obligations en matière d’information, au sens de la Charte de l’assuré social, doit être proactif et examiner la demande dans les deux systèmes.


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