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Irrecevabilité de l’action ayant mis à la cause la « mauvaise » entreprise d’assurances : conséquences sur la prescription

Commentaire de C. trav. Mons, 1er décembre 2008, R.G. 20.858 et 20.876

Mis en ligne le jeudi 18 juin 2009


Cour du travail de Mons, 1er décembre 2008, R.G. 20.858 et 20.876

TERRA LABORIS ASBL – Mireille JOURDAN

Dans un arrêt du 1er décembre 2008, la Cour du travail de Mons, devant statuer sur la recevabilité d’une action en revision (accident du travail) considère que l’action dirigée contre une autre entreprise d’assurances que celle légalement débitrice des indemnités est irrecevable et n’a pas entraîné d’effet interruptif à l’égard de cette dernière.

Les faits

Monsieur G. est victime d’un accident du travail en date du 16 février 1996, accident qui fait l’objet d’un règlement judiciaire (jugement du 27 décembre 2002), fixant le taux d’IPP à 30 %.

Pendant le délai de revision, Monsieur G. estime que s’est produite une aggravation de son état, justifiant une augmentation du taux accordé. Le délai pour agir dans ce cadre expirait le 5 avril 2006.

Le 3 avril 2006, il cite l’entreprise d’assurances ETHIAS « droit commun », qui soulève immédiatement l’irrecevabilité, faisant valoir qu’elle dispose d’une personnalité juridique distincte du débiteur légal des indemnités (à savoir l’entreprise d’assurances couvrant l’accident du travail), qui est ETHIAS « accident du travail ». Monsieur G. cite alors, le 26 mai 2006, ETHIAS « accident du travail », qui estime l’action irrecevable dès lors qu’introduite au-delà du délai de 3 ans.

La position des parties

Les entreprises d’assurances soutenaient disposer de personnalités juridiques distinctes et contestaient avoir entretenu la moindre confusion entre elles.

Monsieur G. estimait pour sa part avoir été induit en erreur, notamment parce que la correspondance lui adressée reprenait l’ensemble des numéros d’agrément d’ETHIAS, qui se présente comme un groupe. Il soutenait par ailleurs que l’accident avait été pris en charge par la SMAP et qu’il n’avait pas été avisé de changement de structure. Pour lui, aucun élément ne prouve que ETHIAS « droit commun » ou « accident du travail » ait repris les droits et obligations de la SMAP ni qu’elles aient une personnalité juridique distincte. Enfin, il estimait que, vu les liens étroits entre les entités, celles-ci n’ont pu se méprendre sur la portée de son action.

La décision du tribunal

Le Tribunal estima l’action dirigée contre ETHIAS « droit commun » irrecevable et accueillit l’action dirigée contre ETHIAS « accident du travail ». Il estime en effet que la première citation a valablement interrompu la prescription, aux motifs que l’intéressé a pu légitimement ignorer l’existence de deux sociétés distinctes, que la correspondance était équivoque et que la 1er citation a dû être redirigée en interne, de sorte qu’ETHIAS « accident du travail » n’a pas subi de préjudice.

La décision de la Cour

La Cour commence par rappeler que la qualité à agir de la personne assignée relève de l’ordre public et est sanctionnée par le régime des fins de non recevoir, auxquelles ne s’applique pas la théorie des nullités. Elle cite à cet égard un arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2006 (Pas., I, p. 1544). En conséquence, l’existence ou non d’un préjudice n’a aucune influence.

En l’espèce, elle constate qu’il résulte des publications au Moniteur Belge et des données de la Banque Carrefour des entreprises que la transformation de la SMAP en ETHIAS est une simple modification de dénomination et, qu’avant celle-ci, il existait déjà plusieurs associations d’assurances mutuelles, dont la SMAP-Caisse commune contre les accidents du travail et la SMAP-Caisse commune pour l’assurance contre les accidents « droit commun » et « responsabilité civile ». Ces différentes associations d’assurances mutuelles avaient une personnalité juridique distincte, situation qui ne s’est nullement modifiée en 2003 lors du changement de dénomination (la SMAP devant ETHIAS). Pour la Cour, il n’existe en conséquence aucune ambiguà¯té quant à l’existence d’entités distinctes, ayant une personnalité juridique distincte.

La Cour examine ensuite si Monsieur G. peut se prévaloir d’une confusion créée par les sociétés ETHIAS dans le courrier adressé pour signaler les conditions d’exercice de l’action en revision. La Cour relève que cette correspondance s’inscrit dans les obligations d’information et de conseil imparties aux entreprises d’assurances par la réglementation sur les accidents du travail (article 49 de la loi du 10 avril 1971 et A.R. du 24 novembre 1997) et la Charte de l’assuré social. Après avoir rappelé le contenu des obligations imposées, la Cour constate que la correspondance litigieuse n’a pas pu créer de confusion, dès lors qu’elle portait l’en-tête du groupe ETHIAS et reprenait ses différentes branches avec les numéros d’agrément. La Cour relève que ce n’est en effet pas le « groupe » qui a été mis à la cause mais l’une des entités de celui-ci. La Cour relève par ailleurs que, si l’intéressé avait un doute, il aurait pu s’adresser au gestionnaire de son dossier (dont le nom était indiqué dans la correspondance).

Au vu de ces éléments, la Cour estime que l’action n’est pas recevable, dès lors que les irrégularités en matière d’intérêt et de qualité à agir (condition d’exercice de l’action) doivent être sanctionnées par une fin de non recevoir.

Intérêt de la décision

Cette décision met en lumière toute la nécessité de bien vérifier l’identité de la partie assignée ou mise à la cause. Depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2006, cité par l’arrêt, il faut en effet considérer qu’une erreur commise dans l’identité de la personne assignée aboutissant à mettre à la cause un autre être juridique que celui qui aurait dû l’être se résoud non par l’application de la théorie des nullités (qui suppose l’existence d’un grief) mais par une fin de non recevoir, soit l’irrecevabilité de l’action elle-même. Il y a donc lieu d’être particulièrement attentif sur ce point.


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