Terralaboris asbl

A quand la fin de la contestation du caractère rémunératoire des quotes-parts patronales de l’assurance de groupe ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 3 novembre 2008, R.G. 49.875

Mis en ligne le mardi 14 avril 2009


Cour du travail de Bruxelles – 3 novembre 2008 – R.G. 49.875

TERRA LABORIS ASBL – Sophie REMOUCHAMPS

Dans un arrêt du 3 novembre 2008, la Cour du travail de Bruxelles rappelle la jurisprudence (constante) de la Cour de cassation, en ce qui concerne le caractère rémunératoire des quotes-parts patronales à des assurances d’entreprise. La Cour statue également sur la portée de l’article 68 de la loi du 10 avril 1971 en cas de mise à la cause du Fonds des Accidents du Travail.

Le litige soumis

Par citation, une entreprise d’assurances demande au Tribunal du travail de Nivelles de déclarer sa proposition d’indemnisation satisfactoire. Dans le cadre de cette procédure, la victime cite, de son côté, le Fonds des Accidents du Travail en intervention forcée et garantie afin que le jugement lui soit déclaré opposable.

Le premier juge entérine les propositions de l’assureur sauf en ce qui concerne la rémunération de base. Il ordonne à celui-ci de procéder à un nouveau calcul en y intégrant la valeur des primes patronales à l’assurance de groupe.

L’assureur interjette appel par requête du 23 mai 2007.

Position des parties devant la Cour

Devant la cour du travail, l’entreprise d’assurances maintient sa position, étant l’exclusion de la quote-part patronale dans la rémunération de base. Elle propose son calcul, ne tenant pas compte de celles-ci. Elle demande également à la cour de délaisser au Fonds des Accidents du Travail ses propres dépens.

Quant au Fonds, il demande à la Cour la confirmation du jugement, en ce compris l’inclusion des primes patronales dans le salaire de base.

Il sollicite également paiement de dommages et intérêts pour appel téméraire et vexatoire, ainsi que des dépens.

Position de la cour

Sur la question de l’inclusion des primes patronales, la Cour du travail rappelle sa propre jurisprudence, notamment un arrêt du 16 avril 2007 (R.G. 47.141), qui renvoie à l’arrêt de la Cour de cassation du 24 mai 2004 (R.G. S040004.F), rendu sur avis conforme de Monsieur le Premier Avocat Général J. F. LECLERCQ, qui a rappelé, en substance, après avoir repris l’article 35, alinéa 1er de la loi, que la prime d’assurance hospitalisation contractée en faveur d’un travailleur et destinée à lui procurer, en cas de survenance du risque, un avantage complémentaire au régime de la sécurité sociale, ne constitue pas un tel avantage, qui se trouverait exclu de la notion de la rémunération de base. La Cour de cassation a en conséquence confirmé le caractère rémunératoire de ces primes.

La cour du travail rappelle la jurisprudence de plusieurs cours, tant antérieure que postérieure à cet arrêt, confirmant également cette règle.

La cour du travail conclut, dans l’arrêt annoté, que la prime patronale à l’assurance de groupe est un avantage évaluable en argent, octroyé directement ou indirectement par l’employeur au travailleur en raison des relations de travail existant entre eux. Elle doit dès lors être prise en compte dans le salaire de base destiné au calcul des indemnités, allocations et rentes.

Sur la question des dépens et la demande de dommages et intérêts pour appel téméraire et vexatoire, la cour du travail, reprenant l’article 1017, alinéa 1er du Code judiciaire (selon lequel tout jugement définitif prononce même d’office la condamnation aux dépens, sauf si des lois particulières en disposaient autrement), constate que, si le Fonds des Accidents du Travail est à la cause, c’est à la demande de la victime, qui l’appelait en quelque sorte à l’aide pour justifier l’inclusion des primes patronales dans le salaire de base. Pour la Cour, le Fonds n’a introduit aucune demande contre l’entreprise d’assurances et celle-ci n’a, à aucun stade de la procédure, introduit une demande de condamnation contre lui. Elle n’a dès lors pas pu succomber à l’égard du Fonds. Pour la Cour, les dépens du Fonds ne peuvent être mis à charge de l’assureur, sur la base de l’article 1017, alinéa 1er du Code judiciaire.

Par ailleurs, sur la portée de l’article 68 de la loi du 10 avril 1971, qui met à charge de l’entreprise d’assurances toutes les actions nées sur la base de la loi (sauf procédure téméraire et vexatoire), elle rappelle que cette disposition n’est pas applicable aux litiges entre le Fonds des Accidents du Travail et un assureur-loi, concernant la fixation de la rémunération de base (la cour reprenant plusieurs arrêts de la Cour de cassation, dont le dernier, du 24 mai 2004, ci-dessus). L’article 68 n’est dès lors pas une « disposition particulière » au sens de l’article 1017 du Code judiciaire. La cour rappelle que cet article du Code judiciaire, en son alinéa 2, dispose que toute condamnation aux dépens est toujours prononcée à charge de l’institution de sécurité sociale mais qu’il ne s’applique que pour les demandes introduites par ou contre les assurés sociaux. Il ne vaut dès lors pas pour le Fonds des Accidents du Travail, qui doit supporter ses propres dépens.

Enfin, sur la demande de dommages et intérêts, la cour du travail relève que les arguments n’ont pas un caractère déraisonnable, de telle sorte que cette demande n’aboutit pas.

Intérêt de la décision

Même si la Cour relève, sur la question de l’absence de caractère téméraire et vexatoire de la demande, que les arguments de l’entreprise d’assurances n’étaient pas déraisonnables, l’on ne peut que s’interroger sur la persistance de ce contentieux, alors que la Cour de cassation a rendu deux arrêts, en matière d’assurance hospitalisation, qui auraient dû mettre un terme à la controverse antérieure sur la question du caractère rémunératoire des primes patronales des assurances d’entreprise. Il s’agit de celui du 24 mai dont référence dans l’arrêt de la Cour du travail ainsi que d’un autre arrêt, du 18 avril 2005(040133.F).

Depuis cette jurisprudence de la Cour Suprême, la contestation antérieure a disparu, plus aucune décision n’ayant, depuis, fait droit à la position des entreprises d’assurances. Il est donc étonnant de constater que celles-ci persistent à faire valoir un point de vue qui a été fermement condamné.

La problématique telle que tranchée par la Cour de cassation en ce qui concerne les primes patronales d’assurance hospitalisation se pose, en effet, dans des termes strictement identiques en matière d’assurance de groupe.


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