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Le nouveau régime en matière d’indemnité de procédure ne s’applique pas à la première instance lorsque les plaidoiries ont eu lieu avant l’entrée en vigueur de la loi

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 18 novembre 2008, R.G. 8.314/2007

Mis en ligne le vendredi 20 février 2009


Cour du travail de Liège (Section Namur), 18 novembre 2008, R.G. n° 8.314/2007

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 18 novembre 2008, la Cour du travail de Liège (Sect. Namur) est appelée à se prononcer sur l’application du nouveau régime des indemnités de procédure tel que mis en place par la loi du 21 avril 2007. Elle considère que, dès lors que les plaidoiries ont eu lieu en première instance avant l’entrée en vigueur de la loi, il y a lieu d’appliquer l’ancien régime, et ce même si le juge a réservé à statuer sur les dépens. La Cour se prononce par ailleurs sur les critères et les pouvoirs du juge permettant de majorer ou de diminuer le montant de l’indemnité dans le cadre du nouveau régime.

Les faits

Monsieur G. a introduit une procédure devant les juridictions du travail de Bruxelles aux fins d’obtenir la condamnation de son employeur au paiement notamment d’une indemnité compensatoire de préavis et d’une indemnité pour abus de droit (le montant de ces demandes étant de +/- 120.000 €).

Le tribunal du travail fit droit à la demande portant sur l’indemnité compensatoire de préavis (un montant de 34.114,32 €). Par ailleurs dans le cadre de la procédure, la société employeur a introduit une demande reconventionnelle.

Le fond de l’affaire ne fut pas totalement vidé par le tribunal dans le jugement dont appel et les dépens furent réservés. S’estimant insatisfait du jugement, l’employeur a interjeté appel. La Cour du travail a statué sur cet appel par un premier arrêt du 13 décembre 2007, réformant le jugement. Cet arrêt a également réservé à statuer sur un poste (rémunération) et sur les dépens.

La position de la Cour

Dans son arrêt du 18 novembre 2008, la Cour du travail de Liège (Sect. Namur) limite son examen à la question des dépens.

La première question qui est posée est la taxation des dépens de première instance qui avaient été réservés par le jugement dont appel. La Cour est ainsi amenée à se prononcer sur l’application dans le temps du nouveau régime des indemnités de procédure en vigueur au 1er janvier 2008, régime introduit par la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et frais d’avocat.

Selon l’article 13 de la loi, le régime s’applique aux affaires en cours au moment de son entrée en vigueur.

Pour la Cour du travail, les dépens de première instance doivent être taxés selon l’ancien régime, dès lors que les plaidoiries ayant mené au jugement se sont déroulées avant l’entrée en vigueur de la loi (1er janvier 2008). La Cour s’appuie sur des arrêts de la Cour d’appel de Mons des 14 janvier 2008 (J.L.M.B. , 2008, p. 132) et 26 février 2008 (J.L.M.B., 2008, p. 1138) ainsi que sur des arrêts de la Cour du travail de Liège (Sect. Namur) des 8 janvier 2008 (J.L.M.B., 2008, p. 488) et 5 août 2008 (R.G. n° 8.516/2008). La Cour du travail précise encore que cette solution s’applique même si le premier juge n’a pas vidé sa saisine sur la question des dépens.

La seconde question tranchée par la Cour porte sur la détermination du montant de l’indemnité de procédure d’appel qui peut être réclamée, de même que sur les critères d’appréciation de la majoration ou de la diminution du montant de l’indemnité de base.

La Cour est amenée à rappeler différents principes quant à ces critères, étant que :

  • le montant de l’indemnité de procédure est déterminé par référence à la demande principale, sans prise en compte de la demande reconventionnelle, laquelle n’ouvre par ailleurs pas le droit à une indemnité de procédure distincte ;
  • les critères permettant de majorer ou de réduire l’indemnité de base sont énumérés d’une manière limitative par la réglementation ;
  • la capacité financière de la partie qui succombe ne peut intervenir qu’en vue de diminuer le montant de l’indemnité de base et non pour le majorer. Par ailleurs, concernant ce critère, il ne s’agit pas de comparer la capacité financière de chacune des parties, que ce soit pour majorer ou diminuer l’indemnité. Ainsi, ce n’est pas parce que la partie qui gagne a plus de moyens que celle qui perd qu’il y a lieu de diminuer l’indemnité de procédure due par celle-ci ;
  • le critère relatif à la complexité de l’affaire permet de majorer l’indemnité sans que le juge doive d’office fixer celle-ci à son montant maximum, celui-ci restant libre de déterminer un montant dans la fourchette fixée par l’arrêté royal.

Enfin, la Cour du travail confirme que la compensation des dépens reste possible, même dans le cadre du nouveau régime. Cette compensation intervient après que le juge a fixé le montant de l’indemnité de base, sur la base des critères pré rappelés.

Appliquant ces principes, la Cour fixe l’indemnité de procédure de première instance selon les montants en vigueur avant le 1er janvier 2008. Elle alloue, par ailleurs, à la partie appelante une indemnité de procédure légèrement majorée par rapport au montant de base, et ce eu égard à la « complexité relative » de l’affaire. Elle prend en considération ici les demandes principale et reconventionnelle, la complexité du dossier se déterminant, aux yeux de la Cour, en fonction de l’intégralité des débats. Elle refuse par ailleurs de prendre en considération la capacité financière de l’employeur (qui obtient gain de cause), cette circonstance ne pouvant diminuer le montant de l’indemnité.

Enfin, sur la compensation la Cour constate que chaque partie a succombé dans ses demandes respectives. Elle compense alors partiellement les dépens : considérant que le demandeur est à l’origine de l’action, elle lui délaisse ses dépens et le condamne aux deux tiers des dépens de la société.

Intérêt de la décision

La décision contient toute une série d’éléments de principe quant à l’application du nouveau régime des indemnités de procédure.


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