Terralaboris asbl

L’élevage de lévriers constitue une activité (travail) au sens de la réglementation chômage

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 26 juin 2008, R.G. 50.052

Mis en ligne le vendredi 2 janvier 2009


Cour du travail de Bruxelles, 26 juin 2008, R.G. 50.052

TERRA LABORIS ASBL – Sandra CALA

Dans un arrêt du 26 juin 2008, la Cour du travail de Bruxelles a été saisie d’un litige relatif à une activité que le chômeur dit exercer comme hobby : l’élevage de lévriers afghans. Celle-ci est-elle un travail au sens des articles 44 et 45 ?

Les faits

Monsieur C. bénéficie d’allocations de chômage depuis le 1er avril 1999. Il déclare n’exercer aucune activité.

Lors d’un contrôle effectué le 1er octobre 2002, il est surpris au travail dans un salon de toilettage pour chiens. Il est seul à s’occuper du salon (et contrôle le travail d’un apprenti). Lors de ce contrôle, il déclare être indépendant depuis 7 ou 8 ans.

A cette époque, il dispose encore d’une immatriculation à la T.V.A. (présentée comme « suspendue »). Il procède à la radiation de celle-ci (déclaration de cessation d’activité au 1er janvier 2000) le 4 octobre.

L’ONEm organise un nouveau contrôle le 8 octobre. Sa présence dans le salon est à nouveau constatée. Il déclare alors n’avoir travaillé que les 28 août, 1er octobre (journée à l’essai) et 7 octobre. Il explique que le 1er octobre, il pensait qu’il serait engagé comme indépendant par la gérante, Mme P (ce qui expliquerait ses déclarations de ce jour). Son syndicat lui ayant déconseillé la formule, il aurait été question de conclure un contrat de travail à partir du 7 octobre. La carte de pointage est biffée pour les journées des 1er, 7 et 8 octobre. Il expose également qu’il a été convenu qu’il travaille à temps plein, du lundi au jeudi. Il précise ne pas vouloir travailler le vendredi ni le week-end parce qu’il participe à des expositions avec ses chiens. Mme P., entendue le même jour, confirme l’occupation.

L’ONEm poursuit l’enquête au domicile et constate qu’il s’occupe d’un élevage de chiens (lévriers afghans). Il découvre également qu’il figure dans l’annuaire commercial pour une activité de toilettage sous la dénomination « Au petit câlin ».

Il est alors exclu (décision du 9 février 2003) pour la non déclaration de l’activité du 28 août (8 semaines).

L’ONEm poursuit son enquête quant à la disponibilité. Dans ce cadre, Monsieur C. est à nouveau entendu le 19 août 2004. Il déclare ne plus avoir aucune activité de toilettage ou d’élevage de chiens depuis janvier 2000. Il expose avoir cessé l’activité de toilettage en janvier 2000 et être éleveur amateur, activité qu’il présente comme une passion (hobby) et qui ne serait pas lucrative. L’ONEm constate cependant l’existence de publicité (via des annonces et un site internet), pour lesquelles l’intéressé soutient qu’elles sont payées par sa mère. Le contrôle relève également que des pedigrees ont été reconnus (13 en 2000 et 14 en 2003).

L’ONEm décide alors, en date du 11 août 2005, d’exclure l’intéressé du bénéfice des allocations de chômage à partir de son admission (1er avril 1999) et de récupérer les allocations (dans les limites de la prescription, portée à 5 ans). Deux sanctions sont également prises, étant de l’exclure à dater du 15 août 2005 pour 8 semaines (vu la non déclaration de l’activité) et 10 semaines (pour ne pas voir noirci la carte de contrôle), sanctions cumulées.

La décision du tribunal

Le Tribunal estima que l’activité d’élevage devait être considérée comme un travail au sens de l’article 44 de l’A.R. et a ainsi confirmé la décision de l’ONEm.

La position des parties en appel

Monsieur C. affirme avoir cessé toute activité de toilettage en avril 1999 et n’avoir qu’une activité d’élevage, exercée en amateur, dont les frais sont pris en charge par sa mère. Il nie que cette activité présente un caractère spéculatif et précise qu’il s’agit essentiellement de participer à des expositions.

L’ONEm demande la confirmation du jugement et pointe les différentes contradictions dans les déclarations de l’intéressé pour justifier la fraude (permettant de porter la prescription à 5 ans).

La décision de la Cour

Après avoir rappelé le prescrit des articles 44, 45 (définition de la notion de travail au sens de l’article 44) et 48 (qui vise l’activité accessoire), la Cour considère que l’activité d’élevage est un travail dépassant la gestion normale des biens propres et qu’elle est de nature à procurer des revenus (chaque chiot valant 1.000 €). Elle constate en outre que le temps consacré à l’activité ne l’a pas été à la recherche d’un emploi.

Elle note par ailleurs, vu les mentions du site internet, qu’il y a bien une activité d’élevage et de toilettage et que, dès lors, l’on ne peut retenir que l’activité serait limitée à la participation à des expositions.

La Cour relève encore que, même à supposer qu’il s’agisse d’une activité accessoire, il faut constater qu’elle ne respecte pas les obligations légales visées par l’article 48, dont celle de la déclaration.

Enfin, elle retient la fraude.

Intérêt de la décision

La décision porte sur la notion d’activité (travail) au sens de la réglementation chômage, celle-ci étant exercée pour son propre compte. Un élevage de chiens, avec une perspective commerciale, dépasse, pour la Cour, la gestion du patrimoine propre.


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