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Disposition au travail : les démarches en vue d’obtenir l’équivalence d’un diplôme étranger constituent-elles un motif d’équité ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 17 avril 2008, R.G. 50.329

Mis en ligne le jeudi 6 novembre 2008


Cour du travail de Bruxelles, 17 avril 2008, R.G. n° 50.329

TERRA LABORIS Asbl – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 17 avril 2008, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé les conditions mises par la loi du 26 mai 2002 en ce qui concerne l’obligation de disposition au travail pour l’obtention du revenu d’intégration sociale.

Les faits

Le demandeur de revenu d’intégration est apatride et a obtenu une autorisation de séjour en août 2006 pour une durée illimitée. Il et en possession d’un certificat d’inscription au registre des étrangers (CIRE). Il s’est marié en 1988 à Bucarest avec une roumaine et le couple a trois enfants. Il bénéficie de l’aide du CPAS de Bruxelles depuis 2003 et reçoit le revenu d’intégration au taux charge de famille depuis le 1er mai 2006.

Lors du réexamen du dossier en octobre 2006, le CPAS conclut que l’intégration socioprofessionnelle du demandeur est difficile, celui-ci n’entendant pas exercer d’autres professions que celle pour laquelle il dispose d’un diplôme. Il s’agit d’un diplôme de médecin obtenu en Roumanie. Un emploi de distributeur de médicaments dans un dispensaire lui ayant été proposé par Job Office, l’intéressé l’a refusé.

En conséquence, le CPAS a supprimé le revenu d’intégration sociale, et ce à partir du 1er avril 2007.

Position du tribunal

Le demandeur ayant déposé un document confirmant l’équivalence en Belgique du diplôme étranger en juin 2007, ainsi qu’une attestation médicale faisant état de certains problèmes de santé, le tribunal fait droit au recours.

Position des parties en appel

Le CPAS fait grief au premier juge de s’être contenté d’une apparence de preuves relatives aux difficultés de l’état de santé (ceux-ci n’ayant pas été évoqués par l’intéressé notamment lors de son audition par le Comité) et surtout d’avoir considéré que la reconnaissance de l’équivalence du diplôme de médecin constituait un préalable indispensable à toute recherche d’emploi permettant son insertion professionnelle durable.

Le demandeur contestait, par sa part, être tenu d’accepter un travail largement en-dessous de ses qualifications et pour lequel il signalait d’ailleurs ne pas disposer des aptitudes requises.

Position de la Cour

La Cour examine tout d’abord les conditions mises par l’article 3, 5° de la loi du 26 mai 2002 instituant le droit à l’intégration sociale, étant l’obligation de disposition au travail, sauf raisons de santé ou d’équité.

Après avoir considéré que le motif de santé n’était pas suffisamment établi, la Cour s’attache davantage à la question de l’équivalence de diplôme. Elle considère que toute situation particulière peut justifier une dérogation à la condition de disposition au travail pour motif d’équité et que celle-ci doit s’apprécier au cas par cas. Elle relève, notamment, que ne constitue pas en soi un motif d’équité le simple fait de ne pas pouvoir exercer en Belgique un métier acquis à l’étranger et pour lequel le demandeur ne dispose pas d’une autorisation d’exercice en Belgique. Cependant, les démarches effectuées pour obtenir l’équivalence du diplôme et, de ce fait, l’autorisation d’exercer en Belgique le métier correspondant à celui-ci, reviennent à optimaliser l’accession sur le marché de l’emploi, ce qui est un des objectifs du droit à l’intégration sociale.

Elle conclut que les démarches pour obtenir l’équivalence du diplôme peuvent, selon les circonstances, constituer un motif d’équité au sens de l’article 3, 5°, et ce dans la mesure où ces démarches feraient obstacle temporairement à la recherche d’un emploi ou à leur aboutissement. Or, en l’espèce, ces difficultés ne sont pas établies, étant que ni les démarches elles-mêmes, ni leur ampleur ne sont précisées par le demandeur. La Cour relève encore que, celui-ci restant en défaut d’établir en quoi les démarches éventuelles ont pu faire obstacle à la possibilité de rechercher ou d’occuper temporairement un emploi, le fait qu’il soit actuellement détenteur d’un diplôme reconnu en Belgique ne résulte pas de ses démarches personnelles mais de l’entrée de la Roumanie dans la Communauté Européenne.

Aucun élément n’étant produit permettant de constater en quoi des démarches concrètes auraient fait obstacle au cours de la période litigieuse à la recherche temporaire d’un autre emploi compatible avec les fonctions et capacités de l’intéressé, la Cour réforme le jugement.

En ce qui concerne les autres emplois offerts, pour lesquels le demandeur considérait ne pas disposer de la capacité physique, la Cour relève d’abord que le CPAS était en droit de lui demander d’occuper de manière temporaire un emploi exigeant d’autres qualifications, et ce même s’il s’agissait de qualifications moindres que celles de médecin. Il en va ainsi, notamment, d’un emploi d’infirmier, qui aurait pu être occupé pendant la poursuite de démarches devant aboutir à la reconnaissance du diplôme.

La Cour relève encore que le demandeur ne pouvait ignorer qu’il lui faudrait un certain temps avant de pouvoir exercer son métier en Belgique et qu’en outre, en dépit de l’équivalence du diplôme, il devait savoir que des études complémentaires allaient être nécessaires pour obtenir le droit d’exercer effectivement la médecine en Belgique.

En conclusion, le demandeur, qui avait toute liberté de chercher un emploi compatible avec ses capacités et ses compétences (puisqu’il ne pouvait pas dans l’immédiat occuper un emploi de médecin) ne démontre pas ce qui aurait empêché une occupation temporaire dans une autre fonction, même compte tenu des démarches pour l’obtention de l’équivalence du diplôme. Pour la Cour, cette attitude relève d’un refus d’occuper tout autre emploi que celui qui résultera de l’autorisation d’exercer la médecine sur le territoire belge.

En conséquence, elle dit ne pouvoir écarter – pour le motif que le demandeur souhaite exercer le métier pour lequel il a obtenu un diplôme à l’étranger – l’application des conditions légales relatives à l’octroi du revenu d’intégration.

Intérêt de la décision

L’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles ci-dessus explore la notion d’équité, au sens de l’article 3, 5°, de la loi du 26 mai 2002 et son enseignement est important puisqu’elle considère que toute situation particulière peut justifier une dérogation à la condition de disposition au travail pour motif d’équité : il s’agit d’une dérogation à apprécier au cas par cas.


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