Terralaboris asbl

Ecartement préventif pour aide-soignante au service d’une maison de repos

Commentaire de C. trav. Mons, 11 mars 2008, R.G. 20.338

Mis en ligne le jeudi 6 novembre 2008


Cour du travail de Mons, 11 mars 2008, R.G. n° 20.338

TERRA LABORIS ASBL – Sandra CALA

Dans un arrêt du 11 mars 2008, la Cour du travail de Mons a rappelé que les dispositions en matière d’écartement préventif d’une travailleuse enceinte ne se limitent pas aux maladies reprises sur la liste et qu’il n’y a pas de distinction à faire entre une maison de repos et une maison de repos et de soins.

Les faits

Une dame B. est occupée en qualité d’aide-soignante au service d’une maison de repos pour personnes âgées. Le médecin du travail décide de son écartement, depuis le 18 avril 2005, aucune possibilité d’affectation à un autre poste de travail ne comportant pas de risques n’existant au sein de l’institution.

Une demande est aussitôt introduite auprès du F.M.P. en indemnisation pour écartement temporaire du risque de maladie professionnelle vu l’état de grossesse.

Le médecin du travail fait référence aux risques infectieux (code 1.404.03) dans son attestation médicale.

Le Fonds rejette la demande au motif de l’absence de raisons médicales suffisantes pour justifier une cessation temporaire ou définitive de l’activité, et ce au sens de l’article 37 § 1er des lois coordonnées.

L’intéressée introduit un recours devant le tribunal du travail de Charleroi.

La position du tribunal

Le tribunal fait droit à la demande et condamne le Fonds à payer à l’intéressée les indemnités lui revenant, dans les limites du prescrit légal. Il condamne également le Fonds aux intérêts légaux.

Le Fonds interjette appel.

Moyens des parties en appel

Le Fonds considère que Madame B. ne démontre pas une exposition au risque de contracter une maladie infectieuse dans le cadre de ses activités professionnelles.

Il s’attache particulièrement aux risques généraux rencontrés dans une maison de repos, dont il précise que celle-ci est destinée à l’accueil des personnes âgées qui, sans nécessairement être en parfaite santé, ne sont pas plus porteuses de maladies infectieuses que la population en général. Le Fonds fait la distinction avec les maisons de repos et de soins, qui hébergent des personnes malades. Il demande dès lors la réformation du jugement rendu.

Madame B. sollicite quant à elle la confirmation de celui-ci.

La position de la Cour

La Cour rappelle les principes en matière d’écartement, prévus aux articles 37 à 40 des lois coordonnées le 3 juin 1970 relatives à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles.

L’article 37 § 1er organise l’écartement temporaire ou définitif de tout travailleur. Le § 2 prévoit quant à lui l’indemnisation, dans le cadre d’indemnités d’incapacité temporaire, de la personne en écartement temporaire. Il prévoit en outre que, lorsqu’il s’agit de travailleuses enceintes, le droit aux allocations est limité à la période s’écoulant entre le début de la grossesse et le début des six semaines préalables à la date présumée de l’accouchement.

La première question est de savoir si cet article vise uniquement les maladies de la liste dressée par l’arrêté royal du 28 mars 1969. Ainsi que le relève la Cour, il n’y a aucun argument pour limiter cette indemnisation à ce type de maladie.

Il y a dès lors lieu d’apprécier concrètement si l’activité professionnelle exercée exposait l’intéressée au risque repris sous le code 1.404.03 ou, à défaut d’être en présence d’une maladie de la liste, de rechercher si elle indemnisable hors liste. Dans l’hypothèse, en effet, où une maison de repos ne pourrait être considérée comme « institution de soins », il conviendra de définir si l’activité professionnelle pouvait être la cause déterminante et directe d’une maladie infectieuse. Il s’agit des règles de l’article 30bis.

La Cour va, dès lors, examiner de près la réglementation fixant les normes pour l’agrément spécial comme maison de repos et de soins (ou comme centre de soins de jour). Il s’agit de l’arrêté royal du 21 septembre 2004, qui prévoit la possibilité d’un agrément spécial pour les institutions qui proposent une structure de soins de santé qui prend en charge des personnes fortement dépendantes et nécessitant des soins. La M.R.S. est destinée aux personnes nécessitant des soins et dont l’autonomie est réduite en raison d’une maladie de longue durée. La Cour énumérera, ensuite, divers critères relatifs à l’état de santé général de ces personnes pour être admises. Elle conclut que les M.R.S. sont destinées à accueillir une catégorie de personnes âgées fortement dépendantes et répondant à des conditions strictes. Cependant, il n’en demeure pas moins que les personnes âgées résidant en maison de repos nécessitent également des soins et qu’en conséquence les aides-soignantes sont amenées à manipuler régulièrement des urines, des selles, ainsi qu’à effectuer leur travail dans un milieu propice à la diffusion de microbes et bactéries.

Dès lors, la Cour retient ici que, pour donner un avis circonstancié, à joindre à la demande d’indemnisation, c’est le médecin du travail qui est le mieux placé : il connaît à la fois l’intéressée, le poste de travail et les risques qui y sont liés. Il effectue l’évaluation du risque (en collaboration avec l’employeur et le conseiller en prévention) et fixe les mesures à prendre.

En l’occurrence, l’avis du médecin du travail est clair en ce qui concerne la nécessité de l’écartement du poste de travail vu le risque de maladies infectieuses. La Cour en retient que ce risque est manifestement accru par la nature des tâches à accomplir.

Intérêt de la décision

Si cet arrêt n’est pas le premier qui admet la possibilité d’écartement pour tous types de maladies et non uniquement celles reprises sur la liste, il présente l’intérêt de se prononcer de manière claire sur l’augmentation du risque pour une aide-soignante prestant dans une maison de repos. Il place, par ailleurs, le médecin du travail au centre du dossier.


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