Terralaboris asbl

Importance de l’individualisation des conditions d’exposition

Commentaire de C. trav. Mons, 25 février 2008, R.G. 19.094

Mis en ligne le jeudi 6 novembre 2008


Cour du travail de Mons, 25 février 2008, R.G. n° 19.094

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 25 février 2008, la Cour du travail de Mons a rappelé que l’exposition à un risque professionnel n’implique aucune durée minimum ni autres critères généraux de référence.

Les faits

M.G. a presté pendant une période de 24 ans, soit l’essentiel de sa carrière en qualité de pontier. Précédemment, il avait travaillé comme soudeur pendant quelques années.

Il faut ainsi admis en prépension en septembre 2001. Dans le cours de son activité professionnelle, en 1996, il avait introduit une demande de réparation auprès du Fonds de maladies professionnelles pour une maladie figurant sur la liste, étant l’exposition au risque d’une maladie ostéo-articulaire due aux vibrations mécaniques affectant la région lombaire.

Le Fonds rejeta sa demande et il introduisit un recours devant le tribunal du travail de Mons.

Une expertise fut ordonnée, afin de savoir si le demandeur avait été exposé durant sa carrière au risque professionnel d’une maladie professionnelle et de préciser les normes qu’il y avait lieu d’appliquer à cet effet. En cas de réponse affirmative, le tribunal demandait à l’expert de préciser et de décrire la maladie professionnelle avec ses complications éventuelles, son point de départ, le taux, la durée, ainsi que la nature permanente ou non des incapacités dont il serait encore atteint en suite de la maladie, et ce sans préjudice de la prise en considération éventuelle de facteurs socio-économiques.

L’intéressé interjeta appel du jugement.

Moyens des parties en appel

L’appel portait sur la modification de la mission d’expertise. L’intéressé considérait en effet que telle qu’elle était libellée, la mission de l’expert n’aurait pas tenu compte de la particularité de l’organisme de la victime afin de déterminer l’exposition au risque de la maladie professionnelle, étant, ainsi que repris sous les codes 1605.01 ou 1605.02 de la liste de l’arrêté royal du 28 mars 1969, une maladie ostéo-articulaire ou angio-neurotique provoquée par les vibrations mécaniques.

La Cour fit droit à la demande et, dans un premier arrêt du 3 mai 2000, réforma le jugement entrepris en ce qu’il visait la mission de l’expert et cet arrêt lui demandait, en conséquence, de dire, après s’être entouré de tous renseignements utiles y compris un rapport demandé à un expert technique et après avoir déterminé le type d’activité professionnelle du demandeur ainsi que les engins utilisés et leur durée d’utilisation, si oui ou non il avait été exposé, au cours de l’exercice de la ou desdites activités au risque professionnel d’une maladie ostéo-articulaire due aux vibrations mécaniques.

L’affaire fut renvoyée devant le premier juge.

La position du tribunal du travail de Mons après expertise

Le tribunal statua par jugement du 18 mai 2004 demandant un avis complémentaire à l’expert. Celui-ci avait en effet conclu que, l’expertise technique ayant abouti à la constatation que l’intéressé n’avait pas été exposé au risque d’une maladie professionnelle ostéo-articulaire due aux vibrations mécaniques affectant la région lombaire au cours de son activité professionnelle, la partie de la mission en cause devenait caduque. Le tribunal souhaita des précisions de la part de l’expert. En effet, le demandeur contestait que le représentant des travailleurs de l’usine ait été présent à la deuxième séance d’expertise, chose qu’il considérait importante et le tribunal du travail souhaita, plutôt que d’écarter le rapport de l’expert, une précision sur ce fait. L’intéressé interjeta de nouveau appel.

La position des parties devant la Cour du travail

Pour l’appelant, il y avait lieu à écartement du rapport, et ce même indépendamment du fait de la présence ou non du délégué lors d’une séance. Pour l’intéressé, l’expert n’avait en effet pas tenu compte de la mission d’expertise telle que modifiée par l’arrêt du 3 mai 2000 et souhaitait la désignation d’un nouvel expert, qui devrait prendre en considération non seulement l’aspect purement technique d’études effectuées par un ingénieur sur un pont déterminé (sans d’ailleurs être certain qu’il s’agirait du même pont) mais également qu’il prenne en considération notamment la constitution propre de la victime.

Pour le Fonds des maladies professionnelles, il y avait lieu de déclarer l’appel non fondé.

La position de la Cour

Dans son arrêt du 25 février 2008, la Cour redésigna un expert et l’intérêt essentiel de la décision n’est pas uniquement d’avoir accueilli la demande du travailleur sur cette question mais d’avoir rappelé les principes relatifs à l’exposition au risque.

L’article 32, alinéa 2 des lois coordonnées le 3 juin 1970 donne en effet une définition générale de celle-ci : il y a risque professionnel lorsque l’exposition à l’influence nocive est inhérente à l’exercice de la profession et est nettement plus grande que celle subie par la population en général et que cette exposition, selon les connaissances médicales généralement admises, est de nature à provoquer la maladie.

Pour la Cour, qui confirme une jurisprudence constante, il n’y a dans la définition légale aucune indication de durée minimum, voire d’intensité minimum. La définition ne contient ni critères, ni diagnostics médicaux d’évaluation ou de prévention.

Rappelant la doctrine (DE BRUCK, D., G.S.P., partie I, livre V, titre II, chapitre II, 2, 130), la Cour fait siennes les considérations selon lesquelles cette absence de critère met la victime à l’abri d’une nomenclature rigide de « conditions ». Ceci aurait pour effet pernicieux que ceux-ci étant à un moment donné figés dans des normes strictes devant s’appliquer impérativement à tous les travailleurs, l’on ne s’inscrirait pas dans la philosophie générale de la réparation du risque professionnel, qui postule tant pour les maladies professionnelles que pour les accidents du travail un dédommagement évaluable au cas par cas. On est donc en présence d’une formule souple et celle-ci assure du point de vue scientifique un débat toujours ouvert et multidisciplinaire, permettant la confrontation des recherches et les revisions nécessaires.

La Cour conclut de cette position doctrinale que l’exposition professionnelle au risque de la maladie doit être mesurée non tant par référence à des normes générales qu’en considération de chaque cas individuel, et ce tenant compte de la constitution du travailleur, de la sensibilité de son organisme et de son état antérieur. Rappelant les principes en matière d’état antérieur, elle souligne que les prédispositions pathologiques du travailleur doivent également être prises en compte pour apprécier l’importance de l’exposition professionnelle au risque de la maladie, cette exposition étant suffisante quand elle a aggravé l’état antérieur ou quand elle a contribué à déclencher ou à accélérer la survenance de la maladie.

Intérêt de la décision

Cette décision contient un bref mais important rappel des principes relatifs à l’exposition au risque professionnel d’une maladie de la liste : exigence de la prise en considération de chaque cas particulier, en fonction de la constitution du travailleur, de la sensibilité de son organisme et de son état antérieur. En outre, elle rappelle qu’aucune durée minimum ne peut être exigée.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be