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Récupération d’indu et règles en matière de prescription

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 22 juillet 2008, R.G. 8.520/08

Mis en ligne le mercredi 5 novembre 2008


Cour du travail de Liège, Section de Namur, 22 juillet 2008, R.G. n° 8.520/08

TERRA LABORIS

Dans un arrêt du 22 juillet 2008, la Cour du travail de Liège, section Namur, rappelle, à propos de la modification intervenue en matière d’allocations familiales sur le plan de la prescription de la récupération d’indu par la loi-programme du 20 juillet 2006, la portée des circulaires administratives.

Les faits

Un couple s’installe et conclut un contrat de cohabitation légale. Au moment de leur mise en ménage, chacun a des enfants. Après consultation du registre national, la caisse de la mère l’informe en 2001 de la possibilité de grouper les enfants et demande des renseignements administratifs. Le père des deux autres enfants fait une déclaration sur l’honneur, confirmant n’être ni salarié, ni bénéficiaire d’une indemnité, ni chômeur, ni travailleur indépendant ni encore exercer une activité professionnelle. La mère confirme dans sa propre déclaration que son partenaire est « sans profession ».
Ultérieurement, toujours pendant la cohabitation (qui cessera le 1er mai 2005), le père fait une déclaration à destination de l’U.C.M., faisant état cette fois d’une activité indépendante exercée depuis le 1er janvier 2002, activité qui variera dans le temps et se transformera en gérant d’une S.P.R.L. dont le siège est sis au domicile commun.
La caisse sociale de l’U.C.M. prend contact, ultérieurement, avec la caisse de la mère et celle-ci fait valoir dans un courrier à la caisse de l’U.C.M. que l’indépendant n’est pas marié avec la mère attributaire, de telle sorte qu’elle ne peut pas ouvrir un droit prioritaire.
Ayant fait des paiements jusqu’au 31 août 2005, la caisse demande remboursement à la caisse de l’U.C.M. Il s’agit d’un indu de l’ordre de 18.000 EUR. Elle réclame, ensuite, un indu à la mère, portant sur la période du 1er janvier au 30 septembre 2002, la caisse de l’U.C.M. ayant remboursé les allocations payées pour la période ultérieure. La réclamation de la caisse à la mère est fondée sur l’absence de paiement de cotisations sociales dans le chef de son partenaire pendant la période correspondante.

La mère introduit un recours contre la décision de récupération.

Le premier juge déclarera ce recours non fondé, eu égard aux articles 51, § 2 et 60, § 3, alinéa 1er, 3°, d) des lois coordonnées du 19 décembre 1939.

Position des parties en appel

L’appelante, se fondant précisément sur l’article 60, § 1er, alinéa 1er, 3°, d) des lois coordonnées, considère que lorsque l’enfant fait partie d’un ménage composé de deux attributaires dont l’un est une personne visée à l’article 51, § 2 (c’est-à-dire un attributaire dans le régime des salariés) et que l’autre ouvre un droit sur la base d’une activité indépendante (conformément à l’arrêté royal du 8 avril 1976 établissant le régime des prestations familiales en faveur des indépendants), le droit aux allocations familiales doit être examiné dans le cadre du régime des travailleurs indépendants mais ceci pour autant que ce droit soit ouvert précédemment dans le chef de l’indépendant, et ce avant que l’attributaire n’acquière cette qualité dans le régime des travailleurs salariés. En l’espèce, elle fait valoir qu’en début de cohabitation son partenaire avait fait une déclaration sur l’honneur certifiant notamment qu’il n’avait pas qualité d’indépendant et qu’il n’avait aucune activité professionnelle, ce qui correspondait à la stricte réalité.

Par ailleurs, elle demande à la Cour de déclarer l’action prescrite, argument qu’elle fait valoir pour la première fois en degré d’appel.

Par voie d’appel incident, la caisse demande la condamnation de l’appelante à un indu, réduit par rapport au montant initialement réclamé, compte tenu de retenues effectuées d’autorité par elle sur les allocations payées.

Position de la Cour

En ce qui concerne l’appel principal, la Cour, examinant les éléments de fait du dossier, conclut rapidement que le père ouvrait, dès le 1er janvier 2002, un droit aux allocations familiales dans le régime des travailleurs indépendants et que celles-ci étaient dès lors dues dans celui-ci. Elle confirme ainsi le jugement.

Sur l’appel incident, elle examine la règle de prescription figurant dans l’article 120bis des lois coordonnées, et ce dans sa mouture avant la modification par l’article 35 de la loi-programme du 20 juillet 2006 : dans son texte ancien, la disposition prévoyait que l’action en répétition des prestations payées indûment se prescrit par cinq ans à partir de la date à laquelle le paiement a été effectué. Dans sa mouture actuelle, cet article 120bis dispose que la répétition des prestations familiales indûment payées ne peut être réclamée après l’expiration d’un délai de trois ans prenant cours à la date à laquelle le paiement a été effectué. En cas de manœuvres frauduleuses ou de déclarations fausses ou sciemment incomplètes, cette règle n’était pas applicable. Dans le texte actuel, le délai de prescription est, dans ce cas, porté à cinq ans.

La Caisse se fondant, pour appuyer sa thèse, sur une circulaire de l’O.N.A.F.T.S. (n° CO 1360 du 1er août 2006), qui prévoit les modalités d’application du délai de prescription selon les débits effectués, la Cour rappelle qu’une circulaire ne peut prescrire une règle qu’à des services subordonnés à l’autorité dont elle émane. Elle ne peut être dirigée vers les personnes qui échappent à son pouvoir hiérarchique (C.E., 18 novembre 1993, n° 44.943). A défaut de disposition dérogatoire prise par le législateur, il faut retenir comme date de prise de cours du délai, conformément à l’article 120bis, alinéa 1er, « la date à laquelle le paiement a été effectué ».

La Cour relève que la caisse a pris l’initiative, en novembre 2001, et ce après consultation du registre national, d’adresser un courrier à la mère lui suggérant la possibilité de regroupement. Elle retient alors la possibilité dans les faits que la mère n’ait pas été au courant de la déclaration remplie par son partenaire à destination de l’U.C.M., et ce du fait de l’entente sérieusement perturbée entre eux. Tout en relevant que l’intéressée ne pouvait cependant ignorer l’activité de gérant de celui-ci, elle en conclut qu’il ne s’agit pas de manœuvres frauduleuses ou de déclarations fausses ou sciemment incomplètes.

La période pour laquelle l’indu est réclamé (1er janvier – 30 septembre 2002) se situe dès lors plus de cinq ans après la demande en justice, de telle sorte qu’elle déboute la Caisse de son appel incident.

Intérêt de la décision

Outre pour le rappel de la modification intervenue dans les règles de prescription par la loi-programme du 20 juillet 2006, l’arrêt ci-dessus retient l’intérêt en ce qui concerne la portée des circulaires administratives. Il fait également une appréciation nuancée de la condition de dol dans l’obtention des allocations familiales.


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