Terralaboris asbl

Les conséquences de l’inertie de la caisse sociale dans l’établissement des décomptes de cotisations

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8 février 2008, R.G. 49.486

Mis en ligne le vendredi 12 septembre 2008


Cour du travail de Bruxelles, 8 février 2008, R.G. 49.486

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 8 février 2008, la Cour du travail de Bruxelles, saisie d’une demande de fixation définitive de cotisations dues, estime que l’inertie de la caisse sociale dans la communication du décompte définitif est à l’origine du retard de paiement, de sorte que le cours des intérêts peut être suspendu. La Cour précise encore que, dès lors que le droit que l’appel tendait à faire reconnaître existe, celui-ci ne peut être déclaré non fondé du seul fait que plus de 10 ans se sont écoulés depuis le jugement lorsque celui-ci est introduit.

Les faits

Monsieur R. débute son activité d’indépendant au 2e trimestre 1988. Dès 1990, il doit honorer des régularisations, ce qui entraîne des non paiements de cotisations des trimestres en cours.

Il est assigné le 9 juin 1994 en paiement des cotisations pour l’année 1990 et 1993. Devant le premier Juge, la caisse demande la condamnation à une somme provisionnelle (350.000 Bef). L’intéressé ne conteste pas la demande mais formule une demande de termes et délais. Par jugement du 4 avril 1995, le Tribunal le condamne à la somme réclamée et fait droit à sa demande d’apurer l’arriéré par mensualités. Il omet cependant de préciser, en termes de dispositif, qu’il s’agit d’une condamnation provisionnelle.

Malgré les demandes répétées de Monsieur R., la caisse ne communique aucun décompte définitif. Il s’acquitte par ailleurs du montant fixé par le jugement, ainsi que des dépens.

Sans adresser aucun décompte à l’intéressé, la caisse sociale interjette appel du jugement par requête du 31 janvier 2007, reprochant au premier juge d’avoir vidé sa saisine alors que le montant de la condamnation était de nature provisionnelle, ainsi que le mentionne la motivation. Cette requête ne mentionne pas le montant définitif réclamé après imputation des paiements, cette indication n’étant donnée que par conclusions déposées le 13 juillet 2007.

La position des parties en appel

Monsieur P. avançe les arguments suivants :

  • non fondement de l’appel sur la base de la théorie de l’abus de droit. Il se fonde à cet égard sur le délai écoulé entre le jugement et l’appel (12 ans) ainsi que sur l’absence d’indication, dans la requête, du montant dû à titre définitif après paiement. Il estime qu’il y a « déchéance du droit d’agir » ;
  • non fondement de la demande. A cet égard, il fait valoir d’une part l’absence de détail de calcul et d’autre part, après réception du décompte, (demandé en mai 1995, mais communiqué en juillet 2007 seulement, il a légitimement pu croire que la caisse avait renoncé à réclamer un quelconque solde ;
  • sur les intérêts, non débition et, à défaut, suspension du cours des intérêts.

La Caisse argue quant à elle que l’intéressé ne pouvait ignorer que le jugement portait une condamnation provisionnelle et que la débition des intérêts résulte d’une faute commise par l’intéressé, étant le non paiement des cotisations.

La décision de la Cour

La Cour relève tout d’abord que la motivation du jugement précise que la condamnation est provisionnelle alors que le dispositif fixe la somme définitivement, sans réserver à statuer. Elle précise qu’elle ne peut dès lors déclarer l’appel non fondé, même eu égard à la longueur du délai mis à introduire le recours.

Quant au solde restant dû, elle constate que son montant n’est pas contesté. Elle considère devoir faire droit à la demande de condamnation, l’inertie de la caisse à interjeter appel ne l’autorisant pas à déclarer l’appel non fondé. Elle précise que, vu que le décompte date de juillet 2007, une demande de dispense des majorations est encore possible et peut se faire malgré la condamnation portée dans l’arrêt.

Abordant ensuite la question des intérêts, la Cour rappelle que la qualité de créancier ne peut justifier une inertie qui cause préjudice. En conséquence, dès lors que le retard dans le paiement de la créance est le fait du créancier, les intérêts peuvent être suspendus.

En l’espèce, la Cour retient que l’intéressé n’est pas responsable du retard dans le paiement du solde dû puisque c’est la caisse qui a attendu 12 ans pour dresser un décompte justificatif des sommes encore réclamées, et ce nonobstant les demandes de l’intéressé.

Elle retient par ailleurs que la poursuite de la procédure, sans avertissement préalable, après un si long silence et une abstention de réponse aux demandes d’explication de son affilié, est contraire à la bonne foi due dans l’exécution des obligations que supporte la caisse et constitue ainsi un abus de droit. La Cour n’alloue ainsi les intérêts qu’à dater du prononcé de l’arrêt.

Intérêt de la décision

Cette décision examine les conséquences d’une inertie dans le chef d’une caisse sociale à remplir ses obligations d’information quant aux cotisations et majorations dues. La Cour estime qu’elles ne peuvent porter ni sur le droit d’appel, ni sur le fondement de celui-ci. Par contre, les intérêts ne sont pas dus.


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