Terralaboris asbl

Annulation d’une décision d’un CPAS intervenue au mépris du respect des droits de la défense

Commentaire de C. trav. Mons, 20 février 2008, R.G. 19.782

Mis en ligne le jeudi 28 août 2008


Cour du travail de Mons, 20 février 2008, R.G. n° 19.782

TERRA LABORIS ASBL – Sandra Cala

Dans un arrêt du 20 février 2008, la Cour du travail de Mons a annulé une décision du CPAS de Tournai, intervenue en l’absence d’audition de l’assuré social et, par voie de conséquence, a alloué le revenu d’intégration pour la période litigieuse.

Les faits

Un assuré social conteste devant le tribunal du travail de Tournai une décision prise par le CPAS de cette ville en date du 24 février 2004, décision lui ayant supprimé le bénéfice du revenu d’intégration à partir du 1er du même mois, essentiellement au motif d’une absence (ou d’un défaut) de collaboration, de la non résidence effective à l’adresse communiquée et, enfin, d’absence de preuve de disposition au travail.

Le revenu ayant été ré octroyé à partir du 23 décembre 2004, la période litigieuse est donc limitée du 1er février au 22 décembre 2004.

La position du tribunal du travail de Tournai

Le tribunal du travail suit la thèse du CPAS, selon laquelle les trois motifs ci-dessus sont établis.

La position des parties en appel

L’appelant fait valoir des considérations de fait assez détaillées.

En ce qui concerne sa résidence, il conteste l’argument tiré des déclarations qu’il aurait faites, selon lesquelles il avait une résidence chez une amie en France. Il relève le caractère non contradictoire de celles-ci. Il produit d’autres éléments de fait (réception de colis alimentaires, …) établissant, par contre, l’effectivité de sa résidence à l’adresse.

Il conteste par ailleurs ne pas avoir respecté son obligation de collaboration. Il souligne que le CPAS n’a pris aucune initiative pour l’informer des faits et/ou éléments pouvant avoir des répercussions sur l’examen de son droit. S’étant légèrement trompé sur l’heure de la convocation (après-midi ou lieu du matin), il signale qu’il n’a pas été entendu, quoiqu’il se fût présenté. Le CPAS n’établissant pas, par ailleurs, avoir envoyé une autre convocation. Il souligne encore le caractère laconique de celle-ci, dont les termes ne lui auraient pas permis de comprendre les documents qu’il devait soumettre à l’appréciation du Centre.

Sur le plan des principes, il objecte que, si l’on peut tenir pour légitime et justifiable l’enquête sociale qui implique une visite à leur résidence des demandeurs d’aide sociale, ceci ne peut aboutir à ériger en condition d’octroi la présence permanente de la personne à son domicile, dans l’attente de l’arrivée éventuelle du travailleur social. Il s’agirait ici d’une condition d’octroi non prévue par la loi. Pour lui, un défaut de collaboration implique une attitude par nature volontaire et consciente, ce qui ne fut pas le cas en ce qui le concerne.

Il fait encore valoir, sur l’absence de preuve d’une disposition de travail - objectée par le CPAS -, qu’il n’aurait pas été invité à faire état de ses démarches sur le marché du travail avant que la décision ne soit prise. Le CPAS n’aurait pas, pour lui, respecté les obligations découlant de l’article 17 de la loi, non plus que de l’article 3 de son arrêté royal d’exécution du 18 juillet 2002 concernant les informations qu’il avait l’obligation de transmettre.

La position de la Cour

La Cour relève, en rappelant la chronologie des faits, qu’il y a effectivement eu réponse à la convocation mais dans l’après-midi au lieu du matin et qu’il faut bien constater que l’intéressé s’est finalement bien présenté. Il n’a cependant pas formellement été auditionné, puisque seul figure au dossier un rapport social succinct, précisant qu’il ne contient « que des données subjectives ». Il s’agit de constatations faites à la troisième personne par un travailleur social dont la Cour relève que l’identité n’est même pas précisée. En outre, l’objet de ces constatations est très limité (absence de paiement de factures d’électricité).

Sur la base de ces éléments de contexte, la Cour rappelle l’article 20 de la loi du 26 mai 2002, qui dispose que le Centre est tenu d’entendre le demandeur si celui-ci le demande avant de prendre une décision relative à l’octroi du revenu d’intégration. Le Centre a en outre l’obligation, selon la même disposition, d’informer l’intéressé de ce droit. Celui-ci peut également être entendu soit par le Conseil, soir par l’organe compétent ayant un pouvoir de décision dans le cas concret et, lors de son audition, il peut se faire assister ou représenter par une personne de son choix. L’article 7 de l’arrêté royal du 11 juillet 2002, pris en exécution de la disposition précitée, est encore plus explicite, puisqu’il confirme le droit d’être informé, en cours d’instruction, par écrit de la faculté d’être entendu, et ce préalablement à la prise de décision.

Il y est en outre précisé que l’information doit être communiquée expressément et dans des termes compréhensibles, en mentionnant expressément la possibilité d’être assisté ou représenté lors de l’audition.

La Cour ne peut que constater que ces dispositions n’ont pas été respectées alors qu’elles constituent l’expression du principe général du respect des droits de la défense : tout assuré social – et de manière générale tout citoyen – doit être préalablement convoqué aux fins d’être entendu par la personne ou l’organe légalement compétent, en ses moyens de défense portant sur les éléments de fait et de droit susceptibles de fonder une décision pouvant l’atteindre dans ses droits et/ou obligations.

La Cour rappelle que trois obligations dérivent de ce principe général, étant celle d’indiquer dans la lettre de convocation le ou les griefs à propos desquels elle sera entendue, l’obligation de lui donner un délai suffisant pour préparer efficacement sa défense et également celle d’entendre la personne sur tous les griefs justifiant la décision susceptible de l’atteindre.

Etant un principe d’ordre public, le droit relatif au respect des droits de défense fait l’objet de sanction en cas de violation, étant, au-delà de la nullité de la décision administrative, la nullité de toute la procédure administrative qui la soutient (la Cour rappelle C. trav. Mons, 4 mai 1990, J.T.T., 1990, p. 318 et suivantes). En l’espèce, la conséquence en est que l’assuré social doit simplement être rétabli dans son droit au revenu d’intégration sociale pour toute la période litigieuse. Il n’y a pas lieu, pour la Cour, de se pencher sur la problématique d’un éventuel pouvoir de substitution. Le dossier administratif est en effet « vidé » par l’effet de la nullité complète.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt clair, statuant sur un non-respect flagrant des obligations de la loi du 26 juin 2002 – et l’on pourrait également ajouter celles contenues dans la Charte de l’assuré social – la Cour du travail de Mons rappelle les effets du non-respect du droit de la défense : nullité de la décision et de la procédure administrative, avec pour conséquence, le rétablissement de la personne dans ses droits.


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