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Etendue de la subrogation de l’organisme assureur AMI à l’égard de l’assureur accident du travail dans le cadre des soins de santé

Commentaire de Cass., 10 juin 2024, n° S.23.0043. F

Mis en ligne le samedi 12 octobre 2024


Cour de cassation, 10 juin 2024, n° S.23.0043. F

Terra Laboris

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi contre un arrêt rendu par la Cour du travail de Mons le 20 février 2023 (inédit).

L’arrêt attaqué

L’arrêt a confirmé la décision du tribunal du travail selon laquelle, s’agissant d’une personne hébergée en maison de repos et de soins, une partie de l’allocation journalière versée par l’organisme assureur AMI pour soins et assistance dans les actes de la vie quotidienne (allocation forfaitaire) couvrait les mêmes besoins que ceux visés (pour partie au moins) par l’indemnité pour aide de tiers versée par l’assureur-loi en application de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.

Le premier juge avait désigné un expert aux fins de procéder à une ventilation entre les soins médicaux et infirmiers et les prestations non médicales pouvant être dispensées par un personnel non qualifié et déjà couvertes forfaitairement dans le cadre de l’aide de tiers. L’expert avait proposé une ventilation de l’aide journalière à concurrence de 20 % pour les soins médicaux et infirmiers et de 80 % pour les prestations non médicales.

Ces conclusions ont été entérinées par la cour du travail.

Une réouverture des débats a été ordonnée aux fins de vérifier les montants.

Le pourvoi en cassation

Le premier moyen du pourvoi (le seul qui sera examiné par la Cour de cassation) porte sur le recours subrogatoire de l’organisme assureur dans le cadre des soins de santé contre l’assureur accident du travail.

Selon l’article 136, § 2, alinéa 1er, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 relative à l’assurance soins de santé et indemnités, les prestations sont refusées lorsque le dommage couvert est effectivement réparé en vertu d’une autre législation. Si les prestations sont inférieures à celles prévues en AMI, le bénéficiaire a droit à la différence.

L’article 24 de la loi du 10 avril 1971 prévoit le droit pour la personne dont l’état exige absolument l’assistance régulière d’une autre personne à une allocation complémentaire fixée en fonction du degré de nécessité de celle-ci. Par ailleurs, la victime de l’accident a droit, en vertu de l’article 28 de la loi, aux soins médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et hospitaliers, de même qu’aux appareils de prothèse et d’orthopédie nécessités par l’accident.

Lorsque la victime séjourne en maison de repos et de soins (ou en maison de soins psychiatriques ou en maison de repos pour personnes âgées), l’arrêté royal du 17 octobre 2000 fixant les conditions et le tarif des soins médicaux applicable en matière d’accident du travail prévoit que l’intervention pour soins et assistance dans les actes de la vie journalière au sens de la législation AMI est prise en charge au tarif fixé en exécution de cette législation dans la mesure où ces soins et cette assistance sont nécessaires essentiellement en raison de l’accident .

Pour les prestations fournies en maisons de repos et de soins (ou maisons de soins psychiatriques ou centres de soins de jour agréés), l’intervention de l’assurance soins de santé consiste en une allocation journalière, étant l’allocation pour soins et assistance dans les actes de la vie journalière (pour les prestations visées à l’article 34, alinéa 1er, 11° et 12° de la loi coordonnée).

Le pourvoi renvoie également à l’article 147, § 3, de l’arrêté royal du 3 juillet 1996, selon lequel les prestations visées à l’article 34, alinéa 1er, 11°, consistent en une allocation journalière appelée allocation pour soins et assistance dans les actes de la vie journalière.

Il s’en déduit que les prestations fournies en maison de repos donnant lieu au paiement de l’allocation forfaitaire sont plus larges que l’assistance de tiers au sens de l’article 24, alinéa 4, de la loi sur les accidents du travail, ces prestations englobant également des soins médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et hospitaliers au sens de l’article 28 de cette loi.

Il n’y a dès lors pas lieu dans le cadre du recours subrogatoire de l’assurance AMI en récupération de l’allocation forfaitaire pour soins et assistance dans les actes de la vie journalière de procéder à une ventilation entre les soins médicaux et infirmiers d’une part et les prestations médicales déjà forfaitairement couvertes par l’aide de tiers de l’autre.

L’arrêt de la Cour

Après avoir rappelé les dispositions légales applicables (articles 24, alinéa 4, et 28 de la loi du 10 avril 1971, ainsi que articles 34 et 37 de la loi coordonnée et 147, § 3, et 148 de l’arrêté royal du 3 juillet 1996), la Cour renvoie à l’article 147, § 1er, 1°, 2°, 4° et 5° de celui-ci, qui reprend les prestations de l’article 34, alinéa 1er, 11°, de la loi en ce qui concerne les maisons de repos et de soins.

Celles-ci comprennent (i) les soins dispensés par les praticiens de l’art infirmier, (ii) les prestations de kinésithérapie et de logopédie effectuées par des dispensateurs de soins qualifiés à cet effet, (iii) l’assistance dans les actes de la vie journalière et tout acte de réactivation et intégration sociale, y compris l’ergothérapie et (iv) les produits et le matériel destinés à prévenir les maladies nosocomiales, ainsi que les produits dont une liste détaillée est établie par le comité de l’assurance.

Ces prestations sont plus larges que celles visées à l’article 24, alinéa 4, de la loi sur les accidents du travail, englobant les soins repris à son article 28.

La Cour conclut qu’aucune disposition ne met fin à l’allocation pour aide de tiers en loi en cas d’admission de la victime en maison de repos ou en maison de repos et de soins, quand bien même cette admission donnerait lieu à l’intervention de l’assurance soins de santé au titre de l’allocation forfaitaire pour soins et assistance dans les actes de la vie journalière.

La cour du travail ne pouvait dès lors limiter le recours subrogatoire de l’organisme assureur à concurrence d’une partie de ce forfait (étant la partie correspondant aux prestations de soins médicaux et infirmiers).

Elle conclut que le moyen est fondé.

Intérêt de la décision

Dans ses conclusions précédant l’arrêt, le M. l’Avocat général H. MORMONT, conclut à la cassation. Il renvoie à l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 octobre 2020 (Cass., 5 octobre 2020, S.19.0073.N avec conclusions de M. l’Avocat général M. VANDERLINDEN - arrêt précédemment commenté). L’affaire concernait un centre de jour.

L’Avocat général, dans la présente affaire, conclut également que l’intervention de la mutuelle au titre de l’allocation forfaitaire est plus large que celle de l’assureur-loi, qui est tout entière incluse dans la première.

Aucune interdiction de cumul entre l’allocation complémentaire de l’article 24 et l’allocation forfaitaire n’existant, il n’est pas mis fin à l’intervention de l’assureur-loi en cas d’admission en maison de repos ou en maison de repos et de soins, quand bien même celle-ci donnerait lieu à l’intervention de l’assurance AMI.

Il souligne également qu’une telle décharge de l’assureur-loi n’est prévue que dans l’hypothèse d’une hospitalisation de plus de 90 jours (article 2 de la loi sur les hôpitaux coordonnée le 7 août 1987) ainsi que ceci figure d’ailleurs à l’avant-dernier alinéa de l’article 24 de la loi du 10 avril 1971.

La cour du travail ne pouvait dès lors décider que le recours subrogatoire à l’égard de l’assureur-loi n’était fondé qu’à concurrence d’une partie de l’allocation forfaitaire, soit celle correspondant aux soins médicaux et infirmiers.


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