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Elections sociales 2008 : définition de l’unité technique d’exploitation et processus d’intégration en cours : quels éléments doivent être pris en considération ?

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 4 février 2008, R.G. 575/08

Mis en ligne le jeudi 27 mars 2008


Tribunal du travail de Bruxelles, 4 février 2008, R.G. 575/08

TERRA LABORIS ASBL – Pascal Hubain

Dans un jugement du 4 février 2008, le Tribunal du travail de Bruxelles, saisi d’une demande de regroupement de plusieurs entités juridiques exploitant des maisons de repos et qui venaient d’être rachetées par un groupe français, précise les éléments qu’il prend en considération, étant ceux qui lui sont soumis, de même que « les éléments futurs dont la réalisation est acquise avec certitude ».

Les faits

Un groupe français rachète, courant 2007, 5 maisons de repos et/ou seniories et constitue une filiale belge (structure faîtière).

Les maisons de repos sont exploitées par des sociétés différentes. Avant le rachat, à l’exclusion de deux d’entres elles, qui constituaient déjà une unité technique d’exploitation en 2004, elles étaient exploitées d’une manière autonome.

Seules les deux entités juridiques qui constituaient déjà une unité technique d’exploitation ont entamé la procédure électorale, en vue des élections pour le C.P.P.T.

Estimant que l’ensemble des maisons de repos, et la filiale belge, constituent une seule unité technique d’exploitation (occupant plus de 100 travailleurs), l’une des organisations syndicales représentatives introduisit un recours contre la décision X-35 prise par l’unité technique d’exploitation.

L’organisation syndicale réclamait ainsi le regroupement des sociétés en une seule unité technique d’exploitation et se fondait sur la présomption légale.

La position des parties

L’organisation syndicale soutenait que les établissements acquis en Belgique par le groupe français étaient ou allaient être complètement intégrés dans le réseau français. Elle plaidait qu’il s’agissait d’un processus déjà en cours, de réalisation certaine comme en témoigne la création de la filiale belge occupant 7 personnes, le recrutement (en cours) d’un directeur des ressources humaines et divers changements déjà imposés dans les maisons de repos.

Elle estimait établir les éléments nécessaires pour activer la présomption légale. Quant au renversement de celle-ci, elle soutenait que les éléments avancés par les sociétés constituaient en réalité des vestiges d’une organisation passée et disparue ou, à tout le moins, en voie de disparition.

Les sociétés soutenaient pour leur part être autonomes les unes par rapport aux autres, tant sur le plan économique que social. Quant à la filiale belge du groupe français, sa création répondrait à une nécessité eu égard aux spécificités belges et ne démontrait aucune volonté d’imposer un modèle de gestion unique et centralisé.

La décision du tribunal

Statuant sur le moment où les critères économiques et sociaux doivent être appréciés, le Tribunal, rappelant l’existence d’une jurisprudence contrastée sur la question, estime devoir prendre en considération l’ensemble des éléments portés à sa connaissance au jour où il statue, de même que les éléments futurs « dont la réalisation est acquise avec certitude », rejetant ainsi les éléments futurs potentiels ou possibles mais non certains.

C’est à travers ce prisme qu’il examine la situation de fait, telle qu’elle résulte du dossier déposé par les parties.

Dans ce cadre, il estime que l’organisation peut se prévaloir de la présomption légale, établissant tous les critères de cohésion économique mais également certains éléments témoignant d’une cohésion sociale, autres d’ailleurs que ceux visés par le texte.

Le Tribunal estime que les sociétés renversent la présomption, retenant, au travers d’une série de critères-indices, une absence de cohésion sociale. Il précise être conscient qu’une partie de ces indices peuvent disparaître à l’avenir mais puisqu’ils existent à l’heure où il statue et étant donné qu’il n’existe aucune certitude sur leur disparition à terme, il ne peut les ignorer.

A cet égard, le Tribunal relève notamment que le rôle de la filiale belge faîtière n’est pas déterminable avec certitude, celle-ci pouvant aussi bien imposer une uniformisation de gestion, notamment de la politique du personnel, ou se limiter à constituer une structure de soutien aux établissements belges et de relais du groupe. Quant à l’engagement futur d’un responsable des ressources humaines, le Tribunal retient que ses prérogatives exactes ne sont pas certaines et que, dans ce cadre, la référence à l’organisation française constitue un indice et non une certitude.

Intérêt de la décision

Le Tribunal du travail était confronté à une situation où un processus d’intégration de plusieurs entités juridiques avait débuté dans le courant de l’année 2007 et n’était manifestement qu’à ses débuts, de sorte que les critères d’autonomie habituellement utilisés par la jurisprudence étaient encore présents au sein des différents établissements.
Face à cette situation, le Tribunal porte son appréciation sur les éléments certains, qu’ils soient présents ou futurs. L’enseignement qui se dégage du jugement sur ce point rejoint un courant de jurisprudence, qualifié d’ « approche dynamique » (sur ce point, voir notamment Th. CLAEYS et consorts, « Les élections sociales 2000 », J.T.T., 2003, p. 432, n° 47 et, notamment Trib. trav. Tournai, 19 mars 2004, J.L.M.B., 2004, p. 835).


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