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L’existence d’une convention de transaction entre l’employeur et le travailleur ne prive pas ce dernier du droit de faire valoir des avantages vis-à-vis du Fonds social sectoriel

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 12 mars 2007, R.G. 86.897/04

Mis en ligne le jeudi 27 mars 2008


Tribunal du travail de Bruxelles, 12 mars 2007, R.G. 86.897/04

TERRA LABORIS ASBL – Pascal Hubain

Dans un jugement du 12 mars 2007, le Tribunal du travail refuse en effet au Fonds sectoriel de se prévaloir d’une convention portant renonciation conclue entre le travailleur et l’employeur, laquelle ne préjudicie pas le travailleur sur le plan du droit au paiement de la prime de fin d’année due par le Fonds.

Les faits

Mme D. a été occupée par une société du secteur Horeca du 16 octobre 2000 au 4 août 2002, à concurrence d’un temps plein.

Le licenciement intervient le 4 août 2002, moyennant le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis. Concomitamment, les parties signent une convention, dont un des articles dispose que celle-ci constitue une renonciation des parties à prétendre à tout autre droit né ou à naître en raison ou l’occasion des relations de travail ayant existé entre elle.

Fin de l’année 2002, Mme D. constate l’absence de paiement de la prime de fin d’année, laquelle est payée par le Fonds de sécurité d’existence du secteur (Fonds social Horeca).

Il apparaît que le Fonds sectoriel n’a pas payé la prime afférente aux prestations accomplies par Mme D. dans le courant de l’année 2002 pour le compte de son ancien employeur en raison d’une absence de déclaration de la part de celui-ci ainsi que d’une absence de paiement des cotisations destinées à financer la prime.

Elle introduit une action devant le Tribunal du travail, en vue d’obtenir la condamnation du Fonds, seul débiteur de la prime de fin d’année, au paiement de celle-ci.

Dans le cadre de la procédure, le Fonds appelle à la cause (citation en intervention forcée et garantie) l’employeur, sollicitant sa condamnation à effectuer la déclaration de la prime de fin d’année 2002 et au paiement des cotisations y afférente.

En réaction, l’employeur introduit, par voie de conclusions, une demande à l’encontre du Fonds, visant sa condamnation au paiement de 500 € au titre de dommages et intérêts pour action téméraire et vexatoire et couverture des honoraires d’avocats.

Position des parties

Le Fonds de sécurité d’existence s’opposa à la demande, invoquant la convention signée entre Mme D. et son ancien employeur. A titre subsidiaire, il demandait la condamnation de l’employeur à effectuer la déclaration requise ainsi qu’à payer les primes et cotisations sociales y afférentes.

Mme D. faisait quant à elle valoir qu’elle remplissait l’ensemble des conditions reprises dans la C.C.T. de secteur prévoyant le droit à la prime de fin d’année. Elle précisait par ailleurs que sa demande était dirigée contre le Fonds seul et que ce dernier ne pouvait se prévaloir de la renonciation contenue dans la convention la liant à son employeur (relativité des conventions).

La société estimait quant à elle que, vu la convention, il ne pouvait être exigé d’elle qu’elle effectue la déclaration auprès du Fonds ou qu’elle paye les cotisations réclamées.

La décision du tribunal

Après avoir rappelé les dispositions des C.C.T. de secteur applicable, qui régissent le fonctionnement du Fonds social ainsi que les conditions et modalités d’octroi des primes de fin d’année, le Tribunal rappelle tout d’abord que la demande de Mme D. est exclusivement dirigée contre le Fonds, qui est le seul débiteur de la prime de fin d’année, l’employeur n’étant pas légalement tenu au paiement de cette prime. Le Tribunal rappelle ainsi que les conditions d’octroi de la prime, prévue par une C.C.T. sectorielle, n’incluent pas celle de pouvoir en réclamer le paiement à l’employeur lui-même.

Pour le Tribunal, la convention de transaction signée entre les parties au contrat de travail n’a d’effet qu’entre elles, tandis que la renonciation y contenue ne vise que les droits que ces parties détiennent l’une vis-à-vis de l’autre. Le Tribunal en conclut que la renonciation n’a pas d’effet sur les droits de Mme D. à l’encontre du Fonds et que ce dernier ne peut s’en prévaloir pour lui refuser le paiement de la prime.

Le Tribunal appuie cette argumentation en rappelant que les obligations de l’employeur vis-à-vis du Fonds (obligations administratives et pécuniaires) sont pénalement sanctionnées, de sorte que l’employeur ne peut s’en exonérer par le biais d’une convention conclue avec un travailleur.

Il fait par ailleurs droit à la demande du Fonds dirigée contre la société, qui vise le respect par l’employeur de ses obligations vis-à-vis du Fonds (déclaration de la prime 2002, paiement de celle-ci et des cotisations sociales y afférentes). La demande pour procédure téméraire et vexatoire de la société est, logiquement, rejetée.

Intérêt de la décision

Dans le secteur HORECA, les primes de fin d’année sont payées par le Fonds social sectoriel, sur la base des déclarations effectuées par les employeurs ayant occupé le travailleur pendant l’année de référence. Le financement des primes reste à charge de l’employeur, qui doit en verser le montant (éventuellement proratisé) au Fonds.

Le jugement annoté tranche la question des effets d’une convention portant renonciation, conclue entre l’employeur et le travailleur sur le droit à la prime de fin d’année. Appliquant le principe de la relativité des conventions, le Tribunal estime que cette renonciation ne peut être invoquée par un tiers (le Fonds) et ne peut pas non plus exonérer l’employeur de ses obligations – pénalement sanctionnées – envers ledit tiers.

Sur la base de cette jurisprudence, l’on peut donc en conclure que les renonciations faites par le travailleur en fin de contrat vis-à-vis de son employeur n’affectent pas ses droits vis-à-vis des tiers, dont le Fonds social.


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