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Supplément d’allocations familiales pour enfant atteint d’une affection : évaluation

Trib. trav. Hainaut (div. La Louvière), 9 janvier 2020, R.G. 13/2.665/A

Mis en ligne le mardi 15 septembre 2020


Dans un jugement du 9 janvier 2020, le Tribunal du travail du Hainaut (division La Louvière) examine la méthode d’évaluation d’un handicap, chez un enfant, aux fins de déterminer son droit à des allocations familiales majorées.

Objet de la procédure

Une demande est introduite en vue d’obtenir des allocations familiales majorées pour un enfant atteint d’une affection. Suite à l’examen pratiqué par le médecin-inspecteur désigné par le SPF Sécurité sociale, la caisse admet dans ses conclusions un score de 7 points sur l’échelle médico-sociale (dont 0 dans le premier pilier) pour une première période et de 9 points ensuite, 2 points étant obtenus dans celui-ci. Ce deuxième taux est reconnu jusqu’à l’âge de 21 ans.

Un recours est introduit devant le tribunal du travail, qui désigne un expert.

L’expertise

L’expertise ordonnée par le tribunal doit permettre de déterminer le degré d’incapacité physique ou mentale de l’enfant, sur la base de la liste des affections pédiatriques jointe à l’arrêté royal du 28 mars 2003 ou du BOBI pour les affections ou fonctions non reprises dans la liste ou pour les affections de la liste qui font référence à un article du barème. Dans un second temps, l’expert est chargé de constater les conséquences des affections constatées à l’aide de l’échelle médico-légale jointe à l’arrêté royal.

Dans ses conclusions, l’expert aboutit à 2 points dans le premier pilier, ainsi que 6 points dans chacun des deux autres. Le troisième pilier est ramené à 4 points à partir d’une date déterminée. Le total est ainsi successivement de 14 points et de 12 points ensuite.

Un complément d’expertise a été ordonné par un deuxième jugement, posant des questions précises sur l’évaluation à laquelle l’expert a procédé. Ce dernier dépose son rapport complémentaire, dans lequel il s’explique. S’agissant d’une discussion autour d’un problème d’incontinence de l’enfant, il expose avoir pris ses conclusions tenant compte de l’origine de la déficience, qui n’est pas, pour lui, consécutive à une lésion sphinctérienne, mais est un problème « éducationnel ». Pour l’expert, il n’y a pas de lésion neurologique et le taux d’invalidité qu’il a retenu (30%) est à son sens justifié.

Position des parties suite au dépôt du rapport complémentaire

La partie demanderesse persiste dans sa contestation. Elle considère que le premier pilier est sous-évalué et dépose un dossier exposant l’origine du problème d’incontinence.

FAMIWAL sollicite pour sa part l’entérinement du rapport.

La décision du tribunal

Le tribunal rappelle le cadre réglementaire relatif à l’évaluation du handicap permettant l’octroi d’allocations familiales majorées. L’échelle médico-légale reprise à l’arrêté royal du 28 mars 2003 distingue trois piliers : (i) le premier a trait aux conséquences de l’affection sur le plan de l’incapacité physique ou mentale de l’enfant, (ii) le deuxième pilier vise les conséquences de l’affection sur le plan de l’activité et la participation de l’enfant et (iii) le troisième pilier concerne les conséquences de l’affection pour l’entourage familial.

En l’espèce, la discussion porte sur le premier pilier, où le tribunal rappelle que les points sont attribués en fonction d’une évaluation basée sur la liste des affections pédiatriques et le BOBI. Les pourcentages sont convertis en points et la liste des affections pédiatriques doit être utilisée prioritairement par rapport aux barèmes.

Trois règles d’évaluation sont précisées :

  • En cas d’incapacités multiples, si aucune des affections partielles n’entraîne une incapacité totale, le pourcentage d’incapacité est attribué entièrement pour l’affection la plus grave et un calcul intervient proportionnellement pour les autres, qui sont dans l’ordre décroissant de leur pourcentage réel d’incapacité. Cette règle est applicable lorsque les affections partielles affectent des membres ou des fonctions différentes. Cette règle est connue sous le nom de « règle de Balthazar ».
  • Le pourcentage d’incapacité ne peut jamais dépasser le pourcentage prévu pour la perte totale du membre ou de la fonction.
  • Enfin, la liste et le BOBI sont impératifs ou indicatifs suivant qu’ils indiquent un pourcentage fixe et qu’ils laissent une marge d’appréciation dans l’évaluation. Dans cette deuxième hypothèse, ils restent impératifs pour les minimas et maximas.

Le tribunal rappelle encore qu’un supplément d’allocations familiales est prévu si l’enfant totalise au moins 6 points pour les trois piliers ou 4 points dans le premier.

En l’espèce, la contestation porte sur l’évaluation de l’invalidité dans le premier pilier uniquement, s’agissant de déterminer celle-ci à partir de trois affections (incontinence fécale, urinaire, et déficience intellectuelle).

Le dossier révélant que l’incontinence n’est ni neurologique ni urologique, le tribunal opte pour la résultante de négligences ou de mauvais traitements subis dans l’enfance. Elle est dès lors d’origine psychologique. Un taux global de 50% est retenu pour cette invalidité.

Quant à l’évaluation des effets de la déficience intellectuelle, le tribunal rappelle la prévalence de la liste des affections pédiatriques sur le BOBI, son annexe 2 retenant comme critère déterminant le QI. Celui-ci est en l’espèce de 58 et le tribunal retient le maigre parcours scolaire de l’intéressé, qui, actuellement majeur, n’a jamais intégré un circuit normal de travail. Il est à charge du SPF Sécurité sociale et bénéficie d’une ARR et d’une AI (la réduction d’autonomie étant de 13 points, soit classée en catégorie 3, l’incapacité/invalidité étant de plus de 80%).

Vu la faiblesse du QI, le tribunal retient que l’invalidité doit être fixée au minimum à 66% et s’écarte sur ce point de l’évaluation de l’expert. Cette solution est donnée tant par l’article 65 de l’annexe à l’arrêté royal que par le BOBI.

Après application de la règle de Balthazar, le tribunal arrive à un total supérieur à 80%, avec une cotation de 6 points dans le premier pilier.

Il fait dès lors droit à la demande.

Intérêt de la décision

Ce jugement reprend pas à pas les critères d’évaluation, s’appuyant à la fois sur la liste des affections pédiatriques (annexe 2 à l’arrêté royal du 28 mars 2003) et le BOBI. Sur la méthode d’évaluation, l’on peut renvoyer à un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles (C. trav. Bruxelles, 4 septembre 2013, R.G. 2012/AB/423 – précédemment commenté), où la cour a rappelé que, pour l’attribution des points du premier pilier, il y a lieu de déterminer d’abord l’incapacité physique ou mentale de l’enfant. Pour les deux autres, existent des critères fonctionnels (catégories) et des rubriques (sous-catégories).

Dans l’examen des conséquences de l’affection sur le plan de l’activité et de la participation de l’enfant, il faut prendre en compte diverses catégories fonctionnelles (apprentissage, éducation et intégration sociale, communication, mobilité et déplacements et, enfin, soins corporels). Ces catégories existent également pour le troisième pilier (traitement dispensé à domicile, déplacements pour surveillance médicale ou traitement et adaptation du milieu et des habitudes de vie).

Dans son jugement du 9 janvier 2020, le tribunal a rappelé également que la liste des affections pédiatriques prévaut sur le BOBI. En l’espèce, les évaluations se rejoignaient.


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