Terralaboris asbl

Age de la retraite et principe de l’égalité de traitement

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 31 mai 2007, R.G. 46.450W

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 31 mai 2007, R.G. n° 46.450W

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 31 mai 2007, la Cour du travail de Bruxelles a eu l’occasion de rappeler les principes consacrés par la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale au regard de l’existence de deux âges pour la prise de cours de la pension de retraite des travailleurs salariés.

L’objet du débat

Un assuré social sollicita une pension de retraite de l’O.N.P. L’Office lui alloua celle-ci, calculant la carrière professionnelle en 45es et octroya un montant de pension calculé sur une carrière de 25 années.

L’intéressé contesta la décision, estimant que la pension devait être calculée en 40es et non en 45es.

La position du tribunal

Le tribunal du travail de Bruxelles fit droit à la demande, se fondant sur la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 (articles 4, § 1er et 7, § 1er) relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale. Pour le tribunal, ces dispositions s’opposent en effet à ce qu’une réglementation nationale, qui autorise les travailleurs masculins et féminins à prendre leur retraite à partir d’un âge identique, maintienne dans le mode de calcul de la pension une différence de l’âge de la retraite qui existait selon la réglementation précédente.

La position des parties en appel

L’O.N.P. interjeta appel, se fondant essentiellement sur la jurisprudence de la Cour de cassation (notamment Cass., 8 mars 1999, R.G. S960028F/1), qui a considéré que les termes « pension de retraite » visés dans la loi du 20 juillet 1990 instaurant un âge flexible de la retraite pour les travailleurs salariés visent le revenu de remplacement qui est accordé aux bénéficiaires réputés devenus inaptes au travail pour cause de vieillesse, cette situation étant censée se produire à l’âge de 65 ans pour les hommes et à l’âge de 60 ans pour les femmes.
Selon la Cour de cassation, l’âge de la pension pour les travailleurs féminins et masculins est dès lors fixé respectivement à 60 et 65 ans au sens de ces dispositions.

Selon l’Office, la même loi instaure un mode de calcul de la pension et, compte tenu de l’âge de la retraite différent pour un homme et une femme, le calcul de celle-ci doit se faire en recourant à des fractions qui vont varier selon qu’il s’agit de l’un ou de l’autre. La loi du 20 juillet 1990 a instauré une flexibilité en la matière, en ce sens qu’elle permet aux femmes de prolonger leur carrière après l’âge de la retraite pour se constituer des droits à la pension et, en ce qui concerne les hommes, elle les autorise à y mettre fin avant cet âge sans subir de réduction de droits tel qu’imposé par la législation antérieure.

Il considère également que, si la directive 79/7/CEE, en son article 4, § 1er, énonce que le principe de l’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement, son article 7, § 1er, a) ne fait pas obstacle à la faculté qu’ont les Etats membres d’exclure de son champ d’application la fixation de l’âge de la retraite pour l’octroi des prestations de vieillesse et de retraite ainsi que les conséquences pouvant en découler pour d’autres prestations. La notion d’âge de la retraite peut dès lors être fixée librement par l’Etat membre. Il s’agit du moment où s’ouvrira le droit à la pension. La directive n’ordonne pas aux états de supprimer immédiatement toutes les différences entre les prestations.

L’O.N.P. rappelle un arrêt de la Cour de justice du 30 avril 1998 (Rec. jur. C.J.C.E. 1998-4, I, 2105) selon lequel l’article 7, § 1er, a) de la directive doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une réglementation nationale a maintenu une différence dans l’âge de la retraite entre travailleurs et travailleuses, l’Etat membre concerné est en droit de calculer différemment le montant de la pension selon le sexe. La loi belge n’est dès lors pas contraire au droit européen.

La position de la Cour

La Cour va suivre la thèse de l’O.N.P., en rappelant que la Cour de cassation avait posé une question préjudicielle à la Cour de justice et que celle-ci se prononça de manière claire dans l’arrêt du 30 avril 1998 ci-dessus, arrêt dont les termes sont repris dans la thèse de l’O.N.P.

La Cour du travail rappelle, ensuite, la jurisprudence en la matière, tant celle de sa propre cour que celle de la Cour de cassation dans divers arrêts, le tout étant conforme à l’arrêt de la Cour de justice ci-dessus : les Etats membre conservent la faculté d’exclure du champ d’application de la directive la fixation de l’âge de la retraite, et par la loi du 20 juillet 1990, le législateur belge a instauré un âge flexible de la retraite pour les travailleurs salariés. Le but poursuivi n’a pas été d’instaurer un âge égal de la retraite, la différence de l’âge d’ouverture du droit à celle-ci n’étant pas supprimée, la règle étant le maintien de l’âge de 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes.

Intérêt de la décision

L’arrêt de la Cour du travail fait le point sur une question qui surgit régulièrement, découlant de l’existence d’âges différents ouvrant, pour les hommes et les femmes, le droit à une pension de retraite. Qu’il s’agisse, en l’espèce, de la demande d’un homme de voir calculer sa pension en 40es et non en 45es est une particularité due au cas d’espèce. La solution ne s’en trouve toutefois pas modifiée.


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