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Allocations familiales majorées pour famille monoparentale : conditions

C. trav. Bruxelles, 22 janvier 2020, R.G. 2017/AB/1.073

Mis en ligne le mardi 1er septembre 2020


Dans un arrêt du 22 janvier 2020, la cour du travail de Bruxelles rappelle que, pour que ne soit pas alloué le supplément d’allocations familiales pour famille monoparentale, des conditions spécifiques sont exigées par l’article 41 de la loi générale relative aux allocations familiales, la notion de ménage de fait ayant été dans la matière précisée dans la jurisprudence de la Cour de Cassation.

Les faits

Une mère de deux enfants mineurs réside, selon les données du registre national des personnes physiques, seule avec eux.

Elle informe l’institution FAMIFED, en mars 2016, de sa cohabitation avec un étranger, sans document de séjour. La caisse notifie, en réponse, une décision demandant le remboursement du supplément « famille monoparentale » octroyé depuis une période de neuf mois. Elle décide également que ce montant ne sera plus payé à l’avenir.

Un recours est introduit devant le tribunal du travail de Bruxelles. Il porte sur l’annulation de la décision, ainsi que la récupération annoncée, qui est d’un montant de l’ordre de 420,00 €, pour la période concernée. FAMIFED introduit, par voie reconventionnelle, une demande de condamnation de la demanderesse au paiement de ladite somme.

Le tribunal du travail va, par jugement du 7 novembre 2017, accueillir le recours.

FAMIFED (actuellement FAMIRIS) interjette appel de cette décision.

La décision de la cour

La cour reprend le texte de l’article 41 de la loi générale relative aux allocations familiales du 19 décembre 1939.

Celui-ci octroie un supplément aux familles monoparentales dont les revenus ne dépassent pas le plafond conditionnant l’octroi des suppléments sociaux. Celui-ci est dû à la circonstance qu’une seule personne s’occupe de l’éducation de l’enfant, sans pouvoir partager les charges liées à celle-ci avec une autre personne avec qui elle serait mariée ou formerait un ménage de fait.

Cet article 41, qui pose des conditions spécifiques relatives à la cohabitation en ménage de fait d’une part et aux revenus (professionnels et/ou de remplacement) de l’autre, a été introduit dans la loi générale par une loi-programme du 27 avril 2007.

La cour en vient, ensuite, à la notion de « ménage de fait » dans la jurisprudence de la Cour de Cassation, et ce dans le secteur des allocations familiales. Elle renvoie à un arrêt du 18 février 2008 (Cass., 18 février 2008, S.07.0041.F), qui a statué dans le cadre de l’article 56 bis de la loi. Pour la Cour suprême le ménage de fait s’entend de la cohabitation de deux personnes qui, n’étant ni conjoints ni parents ou alliés jusqu’au troisième degré inclusivement, règlent d’un commun accord et complétement ou – à tout le moins – principalement les questions ménagères en mettant en commun, fut-ce partiellement, leurs ressources respectives, financières ou autres. La circonstance que l’un des cohabitants ne bénéficie pas de revenus n’exclut pas l’existence d’un ménage de fait.

Pour la cour du travail, la décision de FAMIFED se fonde sur la seule déclaration de l’intéressée. La cour souligne que le formulaire (C 5702), qui contient une question relative non à une cohabitation mais à un ménage, ne suffit pas. Par ailleurs, aucun contrôle n’a été diligenté et aucune autre investigation n’a été faite quant à l’existence d’une cohabitation ou – a fortiori – à celle d’un ménage de fait. La cour constate en outre que l’intéressée semble être « largement revenue » par la suite sur la situation qu’elle avait annoncée.

Aucun élément n’est établi de nature à établir que la mère aurait réglé d’un commun accord et au moins principalement avec le tiers en cause les questions ménagères, en mettant en commun – fut-ce partiellement – leurs ressources respectives, financières ou autres.

La cour souligne que l’intéressé étant en séjour illégal pendant la période en cause, il était en principe sans revenus ni sans possibilité de s’en procurer. Le fait qu’un enfant soit né et qu’il ait été reconnu (après la période visée par la récupération) est sans incidence, la cour soulignant qu’une relation sentimentale n’implique pas en soi un règlement en commun des questions ménagères.

Dans la mesure où les autres conditions d’octroi sont remplies, la cour confirme le jugement, concluant que la mère a droit au supplément.

Intérêt de la décision

La question du supplément aux allocations familiales, étant un taux majoré lorsque l’attributaire élève seul ses enfants entraîne, comme corollaire obligé, l’examen de la situation familiale, eu égard à l’exigence, parmi les conditions d’octroi, de l’existence d’un seul revenu dans le ménage (revenus professionnels et/ou revenus de remplacement).

La cour renvoie ici à un important arrêt de la Cour de Cassation du 18 février 2008 (S.07.0041.F) où a été définie la notion de ménage. Celle-ci est reprise dans l’arrêt de la cour du travail commenté et suppose essentiellement une cohabitation de deux personnes. Des conditions sont prévues quant à leur degré d’alliance ou de parenté et il est exigé que celles-ci règlent d’un commun accord complètement ou principalement les questions ménagères en mettant en commun – mise en commun qui peut être partielle – leurs ressources respectives, celles-ci pouvant être financières ou autres.

La Cour y a précisé que la circonstance que l’un des cohabitants ne bénéficie pas de revenus n’exclut pas l’existence d’un ménage de fait. Il s’agissait en l’espèce d’une question de taux majoré pour enfants orphelins, la disposition examinée étant l’article 56 bis de la loi coordonnée.
La Cour de Cassation avait précisé que les allocations familiales destinées à un orphelin ne sont pas majorées conformément à l’article 50 bis mais fixées aux taux ordinaires prévus à l’article 40 lorsque le parent survivant est engagé dans les liens d’un mariage ou forme un ménage de fait avec une personne autre qu’un parent ou allié jusqu’au troisième degré. En cas de cohabitation avec une personne autre qu’un tel parent ou allié, il y a présomption d’existence d’un ménage de fait, dont la Cour donne la définition ci-dessus.

La cour du travail de Liège (section Namur) avait, dans son arrêt a quo du 22 janvier 2007, considéré – dans un cas de cohabitation légale (pour laquelle un contrat avait été signé), que la preuve était apportée de l’absence de revenus du partenaire pendant la période considérée (revenus professionnels ou aide sociale) et que l’allocation au taux majoré devait être octroyée. La Cour de Cassation a cassé cette décision, accueillant la première branche du pourvoi, qui concluait à la violation de la notion de ménage de fait, vu qu’avait été négligée la question de l’obligation de contribuer aux charges de la vie commune imposée par l’article 1477 §3 du Code civil aux cohabitants légaux.


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