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Subrogation du CPAS en vue du remboursement d’avances : étendue

Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. Charleroi), 22 octobre 2019, R.G. 19/156/A

Mis en ligne le jeudi 9 juillet 2020


Tribunal du travail du Hainaut (division Charleroi), 22 octobre 2019, R.G. 19/156/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 22 octobre 2019, le Tribunal du travail du Hainaut (div. Charleroi) rappelle le mécanisme de la subrogation légale du CPAS, en recouvrement d’avances qu’il a octroyées : il ne peut récupérer les avances sur des sommes versées pour une période antérieure, la subrogation ne pouvant intervenir qu’à concurrence des sommes des arriérés obtenus pour la période ayant donné lieu au versement de l’aide sociale.

Les faits

Le CPAS informe le SPF Sécurité Sociale (Direction générale des allocations aux personnes handicapées) de ce qu’il octroie des avances sur allocations à un usager. Il notifie à l’institution sa subrogation aux droits du bénéficiaire à concurrence du montant des avances.

Le SPF reconnaît, par courrier ultérieur, le droit pour l’intéressé à une allocation de remplacement de revenus, catégorie B. Il informe le CPAS, exposant qu’il dispose d’arriérés disponibles pour une période déterminée (septembre 2016 – août 2017). Il demande le montant des avances consenties. Le CPAS donne alors le montant de celles-ci pour la période considérée. Le SPF procède au calcul du décompte des arriérés, étant d’une part les sommes à verser au CPAS et d’autre part le reliquat concernant le bénéficiaire.

Le CPAS notifie alors une rectification de son décompte, portant celui-ci à un montant de l’ordre 10.500€ au lieu de 8.000€ (montants arrondis), s’agissant de l’octroi d’un revenu d’intégration sociale au taux isolé et non cohabitant.

Le SPF ne fait pas droit à la demande de récupération du solde des avances.

Le litige est dès lors porté devant le tribunal du travail, en paiement d’une somme de 2.500€.

La décision du tribunal

Le tribunal tranche d’abord la question de sa compétence, renvoyant à l’arrêt de la Cour de cassation du 7 décembre 2015 (Cass., 7 décembre 2015, C.15.0152.N), où celle-ci a jugé que, lorsqu’il intente en vertu de l’article 99 §2 de la loi du 8 juillet 1976 une action fondée sur la subrogation légale, le CPAS n’intente pas d’autre action que celle du bénéficiaire mais, par une action distincte, il forme celle en paiement des indemnités du bénéficiaire lui-même dans les droits duquel il est subrogé. Le tribunal du travail est dès lors compétent.

Sur le fond, le tribunal examine l’article 99 de la loi du 8 juillet 1976 ainsi que l’article 24 de celle du 26 mai 2002.

Sur la base de ces textes, le CPAS qui a octroyé des avances sur des prestations sociales dispose d’une action subrogatoire à concurrence de la créance du bénéficiaire à l’égard de l’institution de sécurité sociale compétente, en l’occurrence le SPF SS.

Pour le tribunal, le CPAS ne peut cependant récupérer plus que ce à quoi a droit le bénéficiaire. Le recouvrement interviendra à concurrence des arriérés obtenus pour la période ayant donné lieu au versement de l’aide sociale et non pour une période antérieure (renvoyant notamment à la doctrine de H. MORMONT et K. STANGHERLIN, « Aide sociale – Intégration sociale, le droit en pratique », La Charte 2011, p.577). En outre, l’article 24 de la loi du 26 mai 2002, qui contient également une règle de subrogation, exige que le débiteur subrogé soit informé de l’existence de celle-ci (le tribunal renvoyant à une décision inédite de la Cour du travail de Liège, (C. trav. Liège, sect. Liège, 11 février 2009, RG 34/080/06 et 34.522/06)).

En l’espèce, le SPF ne conteste pas le principe de l’action subrogatoire. Il fait cependant valoir un cas de force majeure qui l’aurait empêché de rectifier le paiement, étant son système informatique. Pour le tribunal, ceci ne peut être une force majeure, mais un effet d’un système de paiement mis en place par le SPF lui-même. Il s’agit d’un problème de gestion interne et le tribunal refuse de prendre en compte le fait que ce système empêcherait de rectifier des paiements trois semaines à l’avance. Un encodage manuel aurait, selon le jugement, dû intervenir et les paiements auraient pu être rectifiés.

Il fait dès lors droit à la demande, tout en corrigeant, cependant, le décompte.

Intérêt de la décision

La question de l’exercice de la subrogation légale n’était pas contestée en l’espèce.

Le tribunal rappelle que la récupération d’avances peut faire l’objet d’un recouvrement mais que celui-ci ne peut intervenir qu’à concurrence des arriérés obtenus pendant la période pour laquelle l’aide sociale a été accordée. Il ne peut dès lors être procédé à la récupération d’avances sur des sommes versées pour une période antérieure.

Le tribunal rappelle également sur le plan des principes l’obligation d’information du débiteur subrogé.

Dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 7 décembre 2015, il était également question de l’article 99, §2 de la loi du 8 juillet 1976, qui prévoit la subrogation du CPAS qui consent une avance sur une pension ou une allocation sociale, subrogation de plein droit jusqu’à concurrence du montant de cette avance, dans les droits aux arriérés auxquels le bénéficiaire peut prétendre. La Cour suprême y avait précisé que dans l’exercice de cette subrogation, le CPAS n’intente pas d’autre action que celle du bénéficiaire mais il intente par une action distincte celle en paiement des indemnités du bénéficiaire lui-même, dans les droits duquel il est subrogé. La compétence du tribunal du travail se justifie dès lors pleinement pour connaitre d’une telle action.

Il s’agissait, en l’espèce, d’avances sur allocations de maladie, le bénéficiaire ayant ultérieurement été admis au bénéfice du règlement collectif de dettes. L’Union Nationale des Mutualités Socialistes avait payé les allocations en cause au médiateur de dettes et le CPAS avait demandé à cette dernière le paiement des sommes avancées. Vu le refus de l’Union de faire droit à cette demande, au motif qu’elle avait payé à bon droit le médiateur de dettes et qu’elle ne pouvait être tenue de payer une seconde fois, le CPAS avait fait citer cette dernière devant le Juge de paix (statuant en dernier ressort).

Le jugement rendu avait rejeté le déclinatoire de compétence soulevé par l’Union, qui soutenait que le tribunal du travail était compétent au motif que la répétition concerne des avances réclamées à un tiers et non au débiteur et eu égard au fait que le médiateur de dettes n’était pas intervenu dans la procédure.
Ce jugement a été cassé, la Cour de cassation accueillant le pourvoi.


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