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Indemnité d’invalidité et exercice d’une activité sans autorisation du médecin-conseil : conséquence sur l’indu

Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. Mouscron), 12 novembre 2019, R.G. 17/1.040/A

Mis en ligne le vendredi 12 juin 2020


Tribunal du travail du Hainaut (division Mouscron), 12 novembre 2019, R.G. 17/1.040/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 12 novembre 2019, le Tribunal du travail du Hainaut (division Mouscron) fait une application rigoureuse des articles 100 et 101 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, dans une espèce où une activité (non rémunérée) fut exercée sans autorisation du médecin-conseil.

Les faits

Le tribunal du travail est saisi d’un recours contre une décision de l’A.N.M.C. tendant au recouvrement d’un montant de l’ordre de 22.500 euros, considéré comme indu.

Pour l’Alliance, il y a eu exercice dans le chef du bénéficiaire d’une activité non autorisée, et ce depuis le 1er juin 2015.

La récupération porte sur les indemnités correspondant à 20 mois d’incapacité (sauf périodes d’hospitalisation intervenues au cours de celle-ci).

Le demandeur originaire (qui deviendra également défendeur sur reconvention, vu la demande de remboursement introduite par l’Alliance dans la procédure) est en incapacité de travail depuis le 25 juillet 2013 et a été reconnu en invalidité par le C.M.I. jusqu’au 30 septembre 2020.

Il est apparu lors d’une enquête qu’il est administrateur depuis 2014 d’une S.C.R.I., qui s’occupe de gestion immobilière et patrimoniale. L’intéressé est également gérant pour la même période d’une S.P.R.L., qui s’occupe d’activités de services postaux. Il en possède la majorité des parts sociales. Ces deux sociétés ont leur siège à son domicile. Une ex-employée de la S.P.R.L., interrogée dans le cadre de l’enquête, a précisé avoir été embauchée par le demandeur, qui s’occupait du personnel, de la fonction postale et du développement de la société.

Dans le cours de l’enquête, celui-ci fit des démarches en vue d’être autorisé à exercer cette activité. Cette autorisation lui a été accordée par le médecin-conseil à raison de 13 heures par semaine, selon un horaire déterminé, pour des fonctions non rémunérées de concierge de bureau et de conseil au personnel.

L’Alliance notifia, en conséquence, la décision de récupération d’indu couvrant la période du 1er juin 2015 à la veille de l’autorisation du médecin-conseil.

Position des parties devant le tribunal

Le demandeur fait valoir que les fonctions exercées dans les deux sociétés l’ont été à titre gratuit et qu’il s’agit d’une occupation purement administrative ne nécessitant que quelques heures par semaine. Il aurait obtenu l’accord verbal du médecin-conseil en octobre 2014 (période du début de l’activité) et supposait qu’il était suffisant. Il conteste toute manœuvre frauduleuse dans son chef.

L’Alliance sollicite, pour sa part, du tribunal qu’il conclue à l’absence de fondement du recours et qu’il fasse droit à sa demande reconventionnelle, qui porte sur le montant à récupérer.

La décision du tribunal

Partant du contenu de l’article 100, § 1er, alinéa 1er, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, le tribunal énonce que le travailleur doit avoir mis fin à toute activité pour pouvoir être reconnu incapable de travailler. Il renvoie à la notion d’activité telle que retenue par la Cour de cassation (Cass., 18 mai 1992, J.T.T., 1992, p. 401), notion qui vise même une activité non professionnelle, exercée sans rémunération ou sans revenus en espèces, mais qui entraîne une économie de dépenses augmentant indirectement le patrimoine de l’assuré social.

L’incapacité indemnisable est interrompue par la reprise d’une activité, salariée ou non. Il s’agit de toute occupation orientée vers la production de biens et de services permettant directement ou indirectement de retirer un profit économique pour soi-même ou pour autrui. Il renvoie à de nombreuses décisions de la Cour du travail de Mons, qui a précisé qu’il importe peu que l’activité soit occasionnelle ou même exceptionnelle.

Dès l’instant où il y a reprise d’une activité non autorisée, et ce pendant une seule journée, celle-ci entraîne la fin de l’incapacité de travail. En conséquence, l’intégralité des indemnités versées à partir de cette date doit être remboursée.

L’article 101, § 1er, de la loi vient tempérer cette obligation, étant qu’en cas d’activité exercée sans autorisation préalable (autorisation visée à l’article 100, § 2) ou sans respecter les conditions de celle-ci, le titulaire est soumis à un examen médical aux fins de vérifier si les conditions de reconnaissance de l’incapacité sont réunies à la date de l’examen. En cas de décision négative, une fin de reconnaissance est notifiée dans le délai déterminé. Cette décision n’a pas d’effet rétroactif.

L’article 101, § 2, dispose par ailleurs que le remboursement doit intervenir pour l’ensemble des indemnités perçues pour les jours ou pour la période durant laquelle le travail non autorisé a été accompli. Cette règle est confirmée par une circulaire I.N.A.M.I. (n° 2011/24 du 17 janvier 2011), qui précise que la récupération limitée des montants indus n’est plus liée à la nécessité d’une régularisation sur le plan médical (la nécessité d’une diminution de 50% de la capacité sur le plan médical étant abandonnée). Il s’agit d’une décision purement administrative.

Dans ce système, il appartient à l’assuré social de préciser les jours et/ou périodes au cours desquel(le)s il n’aurait pas travaillé et d’en apporter la preuve.

En l’espèce, le tribunal constate que l’activité visée entre dans la définition des articles 100 et 101 de la loi. Il s’agissait d’actes de gestion afférents aux deux sociétés et l’activité exercée doit être assimilée à une occupation orientée vers la production de biens et de services procurant directement ou indirectement un profit économique à autrui ou à soi-même.

L’intéressé ne peut par ailleurs se prévaloir d’un accord verbal, le médecin-conseil ayant précisé que l’activité dont question était à l’époque envisagée (sans plus).

Pour ce qui est du temps passé à l’exercice de celle-ci, le demandeur fait état de 5 minutes par jour, affirmation que le tribunal considère contredite par les autres éléments du dossier, et notamment par les termes de l’autorisation du médecin-conseil intervenue en 2017.

Il est dès lors conclu que l’indu doit être remboursé en totalité.

Intérêt de la décision

Après avoir rappelé la notion d’activité dans ce secteur de la sécurité sociale, le tribunal a abordé la question des effets de l’exercice d’une activité non autorisée, dans le cadre de l’article 101, § 1er, de la loi. Il s’agit de la version en vigueur au 12 avril 2013. Depuis l’arrêté royal du 12 mars 2013, venu exécuter la loi du 4 juillet 2011, le terme « préalable » a été supprimé.

En l’espèce, l’intéressé n’a pas été en mesure d’identifier les jours et/ou périodes au cours desquel(le)s il n’avait pas travaillé, preuve qu’il lui incombe d’apporter.

Précisons encore qu’en vertu du § 2 de l’article 101, le Comité de gestion du service des indemnités peut renoncer en tout ou en partie à la récupération des indemnités en cause dans les cas dignes d’intérêt, dépourvus d’intention frauduleuse.

Des critères à prendre en compte (énumération non limitative) sont donnés. Il s’agit de (i) la situation du titulaire sur le plan social et financier, ainsi que tout autre élément personnel pertinent, (ii) l’assujettissement ou non des activités non autorisées à la sécurité sociale et (iii) le volume desdites activités ainsi que l’importance des revenus s’y rapportant. La décision du Comité de gestion tient compte de la proportionnalité à respecter entre l’importance de la récupération d’une part et la nature ou la gravité du manquement du titulaire à ses obligations de l’autre.


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