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Personnel local et accident du travail : avis contraignant de MEDEX

Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. La Louvière), 6 juin 2019, R.G. 17/1.805/A

Mis en ligne le jeudi 14 mai 2020


Tribunal du travail du Hainaut (division La Louvière), 6 juin 2019, R.G. 17/1.805/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 6 juin 2019, le Tribunal du travail du Hainaut (division La Louvière) tranche par l’affirmative la question de savoir si, pour le personnel local visé par l’arrêté royal du 13 juillet 1970, l’avis de MEDEX concernant l’incapacité temporaire est contraignant, au même titre que celui portant sur l’incapacité permanente (point sur lequel l’employeur a cependant le loisir de prendre une décision plus favorable).

Les faits

Une employée provinciale est indemnisée des suites d’un accident du travail. MEDEX consolide sans séquelles à une date se situant 13 mois après l’accident et le Collège provincial prend un arrêté entérinant ces conclusions. L’accident est dès lors consolidé sans séquelles à la date admise par MEDEX. Après la consolidation, l’intéressée est de nouveau en incapacité de travail temporaire, et ce pendant deux mois et demi. Elle demande que cette période soit reconnue comme telle. L’assureur de l’autorité publique prend le relais de l’instruction du dossier à ce moment et admet l’imputabilité de la période d’incapacité post-consolidation à l’accident. Le Collège prend alors un nouvel arrêté, conforme à l’avis de son assureur. La totalité de la rémunération de l’employée lui est donc payée pour cette période-là.

Parallèlement, elle introduit une demande en révision. Celle-ci est transmise à MEDEX, qui, quelques mois plus tard, la rejette, maintenant le taux d’I.P.P. à 0%. Cette décision ne fait pas l’objet d’un recours. De nouveau, le Collège provincial entérine la décision et précise que les éventuelles autres périodes d’incapacité seraient automatiquement transformées en congés de maladie.

Six mois plus tard, MEDEX prend une décision portant sur la même période que celle qui fut admise par l’assureur (post-consolidation) et la refuse en tant que rechute, considérant qu’elle n’entre pas dans le cadre des séquelles réparables. La Province notifie alors une nouvelle décision, par laquelle les journées correspondant à la période litigieuse seraient transformées en maladie (ainsi que quelques journées supplémentaires). Le Collège prend un nouvel arrêté, annulant purement et simplement son arrêté précédent sur la question. Une demande de remboursement d’indu de l’ordre de 4.000 euros est envoyée à l’intéressée.

Celle-ci n’introduit pas de recours contre ces décisions. Des retenues d’office sur sa rémunération sont cependant pratiquées et elle charge alors son conseil de s’opposer à celles-ci et de contester la décision de retrait.

Position des parties devant le tribunal

Pour la demanderesse, la Province ne pouvait retirer sa décision administrative, s’agissant d’un acte administratif créateur de droits régulier. Même à supposer qu’il s’agirait d’un acte irrégulier, ce retrait ne pouvait intervenir que dans le délai de recours prévu pour l’introduction d’un recours en annulation devant le Conseil d’Etat (soixante jours à dater de l’adoption de l’acte).

La Province fait valoir qu’elle est liée par la décision de MEDEX et renvoie aux articles 8 et 9 de l’arrêté royal du 13 juillet 1970 et à la jurisprudence de la Cour de cassation (arrêt du 7 février 2000) ainsi que du Conseil d’Etat (arrêt du 8 mai 2013). Elle estime que le retrait d’un acte administratif n’est pas prohibé par les lois et règlements et qu’il est admis lorsqu’il vise à rétablir la légalité, ce principe primant les droits subjectifs. Elle plaide également que l’acte est inexistant.

La décision du tribunal

Le tribunal rappelle les règles de droit administratif sur la question, l’admissibilité du retrait dépendant de la question de savoir si l’acte en cause est créateur d’un avantage, régulier ou irrégulier, ou non.

L’acte légal créateur d’un avantage ne peut être retiré car il n’y a pas d’illégalité commise qui justifierait une remise en cause rétroactive de la sécurité juridique qui s’attache à l’acte posé, la doctrine citée (D. RENDERS, Droit administratif en général, Bruylant, 2017, pp. 381 et ss.) renvoyant notamment à plusieurs arrêts de la Cour de cassation.

Pour le tribunal, le contrôle de légalité interne d’un acte administratif s’effectue au regard de son objet, de ses motifs et de son but. S’agissant en outre d’un acte juridique unilatéral de portée individuelle, qui émane d’une autorité administrative et qui a pour but de produire des effets juridiques, il y a lieu d’appliquer l’article 2 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs. Des exigences de motivation adéquate et pertinente (sérieuse et correcte) sont dès lors posées.

Il en vient ensuite au rôle de MEDEX dans le cadre de l’arrêté royal du 13 juillet 1970. Le texte prévoit que la décision de MEDEX relative au taux d’incapacité permanente lie l’autorité employeur, qui peut seulement l’augmenter (renvoi étant fait à l’arrêt de la Cour de cassation du 7 février 2000). Pour la doctrine (S. REMOUCHAMPS, « Le rôle du MEDEX », Les accidents du travail dans le secteur public, Anthémis, 2015, p. 271), il s’agit d’un arrêt de principe et le raisonnement qu’a développé la Cour de cassation s’applique à l’ensemble des aspects médicaux déférés au service. Celui-ci est chargé de se prononcer sur les lésions donnant lieu à la réparation, l’imputabilité de l’incapacité temporaire, la date de consolidation, le pourcentage de l’incapacité permanente et celui de l’aide de tiers. L’auteur conclut que, sur l’ensemble de ces aspects, sa décision est contraignante pour l’employeur.

Si, pour l’incapacité permanente, l’employeur est lié mais peut cependant accorder « plus » que MEDEX, le tribunal pose la question de savoir si cette faculté existe dans le chef de l’employeur pour l’incapacité temporaire. Il conclut par la négative, renvoyant à l’arrêt de la Cour de cassation (rendu précisément à propos de l’article 9 de cet arrêté), qui a circonscrit son examen à l’augmentation du pourcentage d’invalidité permanente : l’autorité ne peut qu’augmenter le pourcentage fixé par MEDEX et, lorsqu’il statue sur une contestation concernant ce pourcentage, le tribunal ne peut accorder un pourcentage inférieur à celui qui a été reconnu par le service médical précité. Aucune base légale n’existe par contre pour permettre à l’employeur de modifier, même de manière favorable, la question de la prise en charge de périodes d’incapacité de travail, dans le cadre de l’incapacité temporaire.

Le tribunal fait dès lors droit à la thèse de l’employeur et condamne l’employée au remboursement des montants en cause, sous déduction des retenues déjà opérées.

Intérêt de la décision

La question posée dans ce jugement est particulière, s’agissant de la compétence de l’autorité administrative employeur dans la fixation des séquelles de l’accident du travail dans le cadre de l’incapacité temporaire. Celle-ci est en effet dépendante de la décision de MEDEX et il est bien acquis que cette décision est contraignante pour l’autorité, sauf si celle-ci envisage d’augmenter le taux d’I.P.P.

Par contre, rien n’existe pour l’hypothèse tranchée en l’espèce, étant que l’autorité (sur avis de son assureur – qui n’est pas un assureur-loi, s’agissant du secteur public) a admis le lien de causalité et procède ensuite au retrait de cet acte administratif.

Pour le tribunal, le retrait est autorisé et, sur le fond, la décision est justifiée, vu la confirmation du caractère contraignant de la décision de MEDEX pour les autres aspects de la réparation, et ce indépendamment de la position que prend l’assureur sur la question.


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